
La CRC d’Auvergne-Rhône-Alpes examine la communication de 13 collectivités
La chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne-Rhône-Alpes a mené une enquête sur la communication externe de 13 grandes collectivités territoriales de la région. Son regard, sans concession, dresse les spécificités et les défauts de la communication publique, et conduit la CRC à énumérer une série de recommandations.
En 2023 et 2024, la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a contrôlé 13 collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale (1) de la région dans le cadre d’une enquête régionale sur leur communication externe. La communication interne, qui ne vise pas les mêmes cibles et ne poursuit pas les mêmes objectifs, a été exclue du champ de l’enquête. L’indépendance institutionnelle de la juridiction financière et l’indépendance statutaire de ses membres, insiste la CRC, garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation. Et les observations et recommandations formulées ont été soumises aux responsables des collectivités et organismes contrôlés.

Au-delà du regard porté sur chaque collectivité, le rapport de la CRC d’Auvergne-Rhône-Alpes soulève bien des questions qui sont, au sein de la profession, souvent débattues faute d’être toutes résolues.
Améliorer la transparence et la comptabilisation des dépenses de communication
L’information budgétaire et comptable générale, qui est souvent la seule à disposition des élus et des citoyens pour mesurer le coût des actions de communication, est le plus souvent incomplète et de mauvaise qualité, alerte la CRC. À l’insuffisance dans la tenue de la comptabilité fonctionnelle et au non-respect des imputations comptables viennent s’ajouter la dispersion des dépenses entre les services et la mauvaise appréhension du périmètre de la communication. En effet, si une partie importante de la communication est généralement regroupée au sein d’une direction, il n’est pas rare qu’un nombre important de personnels et de dépenses de communication proviennent d’autres services, notamment dans le domaine culturel. De plus, les dépenses de communication sont parfois externalisées auprès d’organismes satellites, chargés par exemple du marketing territorial ou du tourisme. L’évaluation des dépenses de communication est donc malaisée, les comparaisons difficiles et la transparence rare.

Présenter la stratégie de communication à l’assemblée délibérante
La CRC constate que la communication publique est une activité à la croisée des missions administrative et politique. Elle peut se confondre avec celle de leur dirigeant. La stratégie de communication mise en place par l’exécutif, qui est souvent peu formalisée, demeure son domaine réservé. Elle est assez peu partagée avec les autres élus. La chambre estime qu’il serait utile de présenter pour information à l’assemblée délibérante la stratégie, les moyens et les budgets de la communication de la collectivité.
Mettre fin à l’irrégularité du rattachement du service de la communication au cabinet
L’organisation des services chargés de la communication est souvent marquée par une très grande proximité avec les élus, observe la CRC. Le rattachement hiérarchique des services de la communication au cabinet est très fréquent et pourtant, rappelle la CRC, il est irrégulier. L’importance du turnover de certains personnels chargés de la communication à la suite d’une alternance politique confirme cette proximité. Une telle imbrication montre la porosité entre fonctions politique et administrative de la communication, non dénuée de risques juridiques. Pour le moins, estime la CRC, il faudrait mettre fin à l’irrégularité du rattachement du service de la communication au cabinet.
Clarifier les relations avec les médias
Les relations avec la presse constituent dans toutes les collectivités et EPCI un axe essentiel de leur communication au point de disposer très souvent d’un service spécialisé ou au moins d’attachés de presse. Cette relation est en partie financière car les collectivités territoriales et les EPCI achètent aux médias des espaces publicitaires et des contenus sous diverses formes. Or ces relations, la plupart du temps, se tissent sans respecter les principes fondamentaux de la commande publique. La CRC estime que ces relations devraient être clarifiées et que les engagements pris dans certains contrats passés avec les médias devraient être mieux respectés.
La CRC a aussi constaté que la fonction d’attaché de presse était particulièrement dépendante de l’exécutif et que ses postes subissaient l’alternance politique bien qu’ils ne soient pas des emplois fonctionnels.
Mieux évaluer les actions de communication
Au regard des sommes engagées et des enjeux qu’elle porte en termes d’information du public, de notoriété des territoires et de visibilité de l’action publique, la communication publique devrait faire l’objet d’une évaluation de son efficacité et de son efficience. Or, dans la majorité des cas contrôlés par la CRC, une telle évaluation ne semble pas la priorité des collectivités. Pourtant l’évaluation leur permettrait de mieux cibler les publics visés, de réorienter leurs actions en fonction des objectifs à atteindre et potentiellement de mieux dépenser. Au mieux, certaines collectivités et EPCI disposent d’outils, plus ou moins développés, permettant de mesurer l’activité de certaines actions. Mais l’évaluation de l’impact de la politique de communication est encore souvent inexistante ou encore trop peu développée.
Respecter les règles de la commande publique
Les collectivités territoriales ont souvent recours à des prestataires externes pour réaliser des actions de communication. Ces achats n’échappent pas aux règles de la commande publique : la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Mais ces règles, révèle la CRC, sont souvent mal appliquées quand elles ne sont pas ignorées. Le choix des entreprises retenues n’est pas toujours justifié ou ne respecte pas les critères prévus, ou des avenants de prolongation sont signés pour des durées et des montants importants, ce qui est irrégulier. La chambre a identifié quelques cas où l’intérêt public local de la dépense n’était pas démontré, comme pour la réalisation de certains sondages.
La chambre a aussi constaté des anomalies pour quasiment tous les marchés d’impression des magazines édités par les collectivités.
Respecter les règles de la FPT concernant la gestion des personnels
La CRC a observé que les emplois au sein des services de communication externe sont pourvus dans des proportions souvent importantes par des contractuels. Cela s’explique essentiellement par le manque de formation proposée par la fonction publique territoriale et l’absence de compétences en interne.
Si ce recours à des agents contractuels, en particulier pour les postes les plus stratégiques, permet une plus grande souplesse, notamment en cas d’alternance politique, la possibilité de recruter des agents contractuels reste encadrée par des règles précises. Les contrôles de la chambre ont montré qu’elles avaient été fréquemment contournées. La publicité des postes à pourvoir est souvent insuffisante, la durée laissée aux candidats pour se manifester est réduite, la transparence de la procédure est faible, le caractère infructueux du recrutement d’un fonctionnaire souvent lacunaire, des conditions de rémunération favorables ne sont pas justifiées.
L’expression politique dans les publications des collectivités plutôt bien respectée
Dans son enquête sur la communication de 13 collectivités locales, la chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes constate que la réglementation en matière d’expression politique dans les publications des collectivités est généralement bien respectée, notamment les droits de l’opposition. Les règles de communication en période préélectorale sont également respectées et les collectivités contrôlées y sont attentives.
(1) Les collectivités territoriales contrôlées par la CRC : la région Auvergne-Rhône-Alpes, le département de la Haute-Savoie, celui du Puy-de-Dôme, la ville de Bourg-en-Bresse et sa communauté d'agglomération, la ville de Chambéry et sa communauté d'agglomération, la ville de Clermont-Ferrand, la ville de Grenoble, la ville de Lyon, la ville de Saint-Étienne et sa métropole, et la ville de Villeurbanne.