La dimension nécessairement politique de la communication publique
Trois mots marquent l’actuelle campagne présidentielle : fake news, « système » et dégagisme. Pour les communicants publics, ces mots résonnent étrangement.
par Bernard Deljarrie,
délégué général de Cap’Com
Désinformation, rumeurs, propagande, informations erronées, non vérifiées… L’information est discréditée et avec elle ceux qui la portent avec un certain professionnalisme. Une profonde défiance à l’égard des médias et de la parole des institutions s’installe, malheureusement parfois relayée par la classe politique.
Selon une enquête récente, 52 % des Français pensent qu’un «"système" à la fois politique, médiatique, judiciaire, économique et financier, empêcherait le changement et défendrait ses propres intérêts ». Pour certains, qui abusent de ce mot, nos institutions seraient donc aux mains d’une minorité occulte experte dans la manipulation des masses.
« Dégage ! », c’était le cri des manifestants du printemps arabe en 2011, c’est devenu un concept politique pour réclamer le vide. Le dégagisme, se résume à sortir les sortants et qu’importe les idées et encore moins les qualités de ceux appelés à les remplacer.
Peut-on rester indifférent à ce contexte politico-médiatique qui touche le cœur de notre métier.
Nous qui avons la mission de veiller au respect de la véracité des informations, à l’équité et à l’impartialité des contenus, « hors de toute propagande ou falsification des faits » selon la Charte de la profession de 2002.
Nous qui portons la parole du « système », représentant de « l’élite », et qui sommes en même temps les acteurs d’une gouvernance démocratique de nos institutions républicaines.
Nous qui communiquons sur les politiques publiques, bien loin de tout esprit de dégagisme systématique qui fait fi de la confrontation des bilans et des programmes, de la concertation autour des projets, donc de la politique au bon sens du terme.
Ce contexte conduit à repenser la communication publique. Ce fut le cas, par exemple, lors du dernier Forum de la communication publique ou, plus récemment, lors de réunions de travail au sein du CNFPT ou lors des derniers Comités de pilotage de Cap’Com.
Et si nous ne faisions pas assez de politique, se demandent finalement les communicants publics.
En se penchant sur les évolutions du métier, à l’orée du trentième anniversaire de Cap’Com, on découvre évidemment que ce débat est récurrent. Mais il prend aujourd’hui une ampleur nouvelle. La communication politique a ses objectifs : assurer la promotion d’idées et de projets et permettre à des militants, candidats ou élus d’acquérir, d’exercer et de conserver le pouvoir de mettre en œuvre leurs idées et projets dans le cadre d’institutions démocratiques.
Mais la communication publique a des missions, confirmées par la loi, qui ont incontestablement une dimension politique.
Nos supports d’information visent à rendre compte de l’action des élus et des choix de gestion. Mais notre mission n’est-elle pas aussi de créer du débat public, de faire vivre des modalités de concertation, de co-construction, qui sont justement une autre manière de faire participer à la vie publique.
Nos événements contribuent à animer la vie locale. Mais l’enjeu n’est-il pas ainsi d’assurer le vivre ensemble, ce concept qui exprime les liens de solidarité, de tolérance, de bonne entente entre tous sur un territoire.
Notre communication interne est soucieuse d’informer au mieux les agents et de contribuer au bon management des équipes. Mais ne devons-nous pas aussi porter les valeurs du service public et le sens de l’intérêt général. La dimension politique de la communication publique n’est pas toujours facile à revendiquer. Mais, comme l’explique la philosophe Cynthia Fleury dans une interview donnée au journal de Cap’Com de ce printemps, « essayons de rendre plus compréhensible la boîte noire qu’est la démocratie, et surtout de créer des principes et des outils pour éviter que l’entropie démocratique nous submerge »
- Tribune parue dans le magazine Brief n°47 – Avril 2017