La juste démarche de Visé
Lors de la journée du marketing territorial de Liège, nous avons découvert l’approche particulière de la petite ville de Visé en Wallonie. Il s’agit avant tout d’une méthodologie, une véritable démarche participative en vue de positionner la ville, avec des objectifs en matière d’attractivité… même si c’est un grand mot pour eux, car leur travail reste modeste et humble. Tout pour nous intéresser !
Interview de Sarah Weck de l’agence belge Cible qui est intervenue à la ville de Visé (17 000 habitants, à la frontière avec les Pays-Bas) il y a deux ans.
Point commun : Comment avez-vous abordé la refonte de l’identité de ce territoire ?
Sarah Weck : Le positionnement d’un territoire, en général, relève de beaucoup de facteurs. D’abord nous souhaitions révéler la personnalité de cette cité, pour ensuite la mettre en lumière, avec des actions spécifiques. Comme, la plupart du temps, cette personnalité préexiste, il faut la cerner et, ensuite, proposer un effet de miroirs. C’est ce qui est intéressant.
Nous tentons de purger ce que les gens savent, pour aller chercher l’élément différenciant.
Lors de cette démarche, un des points particuliers aura été la technique que l’on a utilisée pour aller chercher dans la « non-conscience » : nous tentons de purger ce que les gens savent, pour aller chercher l’élément différenciant. Là, on parle de « non-conscience collective ». C’est une démarche de groupe et c’est ce qui fait l’originalité de notre modèle. On va au-delà des ateliers participatifs, maintenant très courants en la matière, et nous mettons en place une méthode qui permet de sonder plus profondément la construction collective de l’identité de territoire.
PC : Revenons sur Visé. Quels étaient ses besoins ?
SW : Lorsqu’on a reçu le cahier des charges, il était intitulé « Accompagnement à l’élaboration d’un plan de com interne et externe ». Il y avait déjà comme un manquement au niveau de l’objectif. Pour élaborer un plan de communication efficace, il faut déjà bien connaître le commanditaire. Quelles sont ses valeurs ? Le besoin, pour nous, a donc été en premier lieu de mettre en lumière la personnalité de la ville. Et en conséquence nous avons préparé une réponse plus complexe que la question et nous avons choisi de rester fidèles à notre méthode. Pour faire un travail efficient, nous avons donc pris le risque de proposer cette réponse qui ne répondait pas tout à fait à la demande. Cela a fonctionné et nous avons été sélectionnés. Finalement, les élus ont eu leur réponse et leur plan de com. Nous avons beaucoup discuté et ils n’ont pas eu peur. Nous avons titillé leur curiosité, et ils ont compris les enjeux ; d’où l’importance de travailler sur un terreau fertile et de ne pas imposer un plan prêt à porter. L’avantage de cette implication, quand on revient vers l’écosystème sollicité, c’est que nous sommes beaucoup mieux acceptés parce que les idées mises en avant, ce sont les leurs !
PC : Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quelle évaluation a pu être faite ?
SW : L’idéal ce serait de remettre en place une « prise de pouls », à la façon de la recherche dans la « non-conscience », pour mesurer à nouveau l’implication des Visitaises et des Visitais par rapport à leur ville, ainsi que la prise en main de leurs identités. Nous avons pu observer l’appropriation par les commerçants de ce travail, car ils l’ont adopté sur leur prospectus. Aujourd’hui, on sent une envie de la ville de maintenir le cap qui a été donné il y a un an. Il y a, c’est indéniable, un nouveau sentiment de fierté, mais nous ne l’avons pas mesuré. Il faudrait le faire.
PC : Quelles étaient les parties prenantes de cette démarche novatrice ?
SW : C’était principalement les citoyens habitants, mais aussi les commerçants, les agents de la ville et le tissu touristique. Sur cette dernière cible, nous avons travaillé avec des QR codes qui ont été installés dans la ville, mais aussi avec des « boutons cliquables » sur le site de la ville. Notre travail a ensuite été présenté aux parties prenantes par l’entremise du plan de com qui permettait à la ville de diffuser son nouveau positionnement – nouveau logo, charte et déclinaison dans les services (marquage des véhicules, com sur site, dossiers de relations de presse, plaquettes, contenus pour les réseaux sociaux et nouveau site internet). Cette mise en œuvre s’est accompagnée de la création d’une vidéo grand public qui explique le changement d’identité. Ce support a été envoyé aux personnes qui ont participé.
PC : Que pouvez-vous tirer comme conclusion de cette expérience ?
SW : Ce fut une expérience humaine formidable parce que nous avons rencontré des personnes très engagées dans et pour leur ville. Et, d’une façon plus personnelle, j’ai apprécié cette immersion. Moi, je vis pour les gens, les relations humaines. Accompagner une ville et lui permettre de s’épanouir, avec la visibilité qu’elle a aujourd’hui, c’est ma récompense. Quand Guy Jolly, dircom, qui a fait partie du comité de pilotage de la refonte, membre de l’échevinat, dit qu’il en est fier, c’est une grande satisfaction. Il était convaincu par la méthode et il a soutenu la démarche sous tous les aspects.
Il faut miser sur l’intelligence collective, le résultat est flagrant.
Le plus important, c’est l’implication : laisser la place aux personnes qui vivent la ville. La perception qu’ils en ont est, pour nous, la base du travail coopératif, collaboratif. Il faut miser sur l’intelligence collective. Le résultat est flagrant, car le logotype qui a été présenté est celui qui a été adopté, sans modification.
Rendez-vous à Calais pour les 10es Rencontres nationales du marketing territorial
Quelles stratégies de marketing territorial pour placer l’hospitalité, la sobriété et la concertation comme valeurs centrales du développement local et de l’attractivité des territoires ? C’est autour de cette question que se réuniront les professionnels du marketing des territoires à Calais les 11 et 12 mai 2023 pour les Rencontres nationales du marketing territorial. Une dixième édition qui leur donnera l’occasion de dresser le bilan de l’évolution du métier et de ses pratiques et de réfléchir aux nouvelles pistes de travail et aux nouveaux leviers d’action pour opérer concrètement ce pivot d’un marketing territorial en profonde mutation.