La nécessité du 8 mars
Un événement en chasse un autre. Après la frénésie des vœux de janvier, la tension événementielle redescend et l’on s’attarde sur le calendrier pour voir ce qui nous attend. Une date faisant désormais partie du paysage retient notre attention : le 8 mars, coincé entre les vacances d’hiver et le début du printemps.
Par Pauline Moussalli, responsable de la communication interne de la ville de Mulhouse et de Mulhouse Alsace Agglomération.
Le 8 mars, pour le marketing décomplexé et en manque d’inspiration, c’est l’occasion de proposer des épilations à moitié prix, un aspirateur révolutionnaire ou des sous-vêtements restés sur les étals faute de Valentins. Ce sont les « bonne fête mesdames » placardés en tête de gondole, sans que les intéressées ne comprennent en quoi passer l’aspirateur, imberbes dans de nouveaux dessous, répond à un quelconque sens de la fête.
Le 8 mars n’a rien à voir avec la glorification de la féminité et n’est en aucun cas une fête (gardez vos fleurs, par pitié !). Il s’agit d’une journée dédiée à la mise en lumière des luttes en faveur des droits des femmes, partout dans le monde. Bien sûr, on peut trouver ça inutile pour diverses raisons, des « moi-la-lutte-contre-les-inégalités-c’est-tous-les-jours » aux « encore-ces-féministes-qui-s’inventent-des-problèmes-elles-ont-déjà-le-droit-de-vote ».
Des problèmes, il y en a des tas. Et c’est vrai qu’une journée ne suffit pas, rien que pour les lister il faudrait une semaine. Mais le 8 mars est un jalon essentiel, une date sur laquelle mettre une balise et qui sert à mettre au jour ce qui est fait, interroger sur ce qui pourrait se faire, partager des questionnements, encourager des initiatives, sortir les sujets tabous du placard…
La communication interne doit investir ces sujets. Grâce à sa place centrale de faiseuse de messages et de porteuse de valeurs, elle peut (avec d’autres) être le caillou dans la chaussure des inégalités, le marchepied vers la prise de décision.
Facile quand sa structure est déjà engagée et proactive sur ce sujet. Un peu moins quand on n’est équipé que des rapport annuel et plan d’action obligatoires mais peu engageants : on peut alors avoir peur de sombrer dans ce marketing rose, en sortant de son chapeau un événementiel éphémère et qui ne se justifie que par son esthétique et une sorte d’autosatisfaction d’avoir « fait quelque chose pour les femmes ».
En même temps, comment ne rien faire, alors que de toutes parts les voix des femmes résonnent en hurlant leurs colères, leurs peurs et leurs révoltes ? Il s’agit d’un sujet dont les collectivités, en tant qu’employeur, doivent s’emparer avant qu’elles ne franchissent elles aussi la ligne rouge du #balancetacollectivité. Pourquoi les injustices, inégalités, offenses, agressions, s’arrêteraient aux seuils de la fonction publique territoriale ? Les grilles indiciaires ne protègent pas des inégalités salariales, certaines filières sont toujours marquées par la sur ou sous-représentation des femmes, le statut de fonctionnaire ne brise pas le plafond de verre, les temps partiels ne sont pas tous choisis, l’écharpe tricolore ne retient pas la main baladeuse.
Les droits des femmes sont un vrai sujet de communication interne. Il reste difficile à traiter, car il remet en cause un système tout entier et bien installé, et rencontre donc mécaniquement, à tous les niveaux hiérarchiques, des résistances aussi impressionnantes que décourageantes. Et ce fameux 8 mars peut être un atout dans notre manche pour enclencher quelque chose de durable, grâce à un événementiel fédérateur qui permette, pour une fois, de voir la vie en rose.