L'amer anniversaire des banlieues
Dans ces villes et ces quartiers vit une population plus jeune, mais aussi plus exposée à la crise. Pourtant, depuis quarante ans, ces banlieues n'arrivent pas à se faire entendre, par le biais de leurs élus regroupés en une association forte et digne, dont Cap'Com est partenaire. Et ce sont les violences sporadiques, nourries par une injustice implacable, qui les exposent par moments. L'anniversaire s'est traduit ce mercredi par un constat amer, un appel. Encore un.
Ces 18 et 19 octobre se tient à Lyon une grande rencontre nationale de l'association Ville & Banlieue regroupant les élus de ces territoires. En quatre décennies, l'association a œuvré pour approfondir son expertise collective, sensibiliser et communiquer, mais aussi organiser des temps d'échange et de réflexion avec les partenaires, comme cette année à l'occasion de son 40e anniversaire. Au risque de devoir dresser un bilan négatif.
Les constats sont accablants
Malgré l'urgence à agir (décrochage économique, relégation), malgré les promesses d'action (puis les reports de rapports, de comités interministériels, de lois ambitieuses), malgré les alertes maintes fois lancées et portées par les élus mais aussi les corps intermédiaires, les réseaux et les habitants, demandant simplement justice sociale et équité de traitement, rien ne bouge en dehors d'une réaction ambivalente lors des émeutes. Parce que les banlieues gênent un pays qui a oublié « la ségrégation géographique qu'il a faite il y a plus de cinquante ans ». On oublie très vite les réformes concernant les banlieues et, finalement, leurs habitants et leurs représentants. Jusqu'à la prochaine flambée qu'il faudra réprimer avec « la plus grande sévérité ». « Sans examen de conscience. » C'est ce que l'on entend dans les couloirs de la Métropole de Lyon qui, courageusement, sort de cette habituelle indifférence pour accueillir les élus, toutes tendances confondues, de Ville & Banlieue. En tribune hier, évoquant son prochain contrat de ville métropolitain, Bruno Bernard, le président de la Métropole de Lyon, invitait à « changer de regard et à agir concrètement pour nos quartiers populaires ».
Politique de la ville : on a tellement complexifié le système qu'il en devient inopérant !
Jean-Louis Borloo
Puis, l'ancien ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo, a donné le ton et fait un long retour sur les occasions manquées en matière de politique de la ville : alors qu'il faudrait un véritable « contrat socio-politique, car on a tellement complexifié le système » qu'il en devient inopérant. Il voit là l'œuvre des « petits hommes en gris ». Mais pas seulement, il dénonce également le « pouvoir de Bercy » : « Le pouvoir de ce corps est invraisemblable. » La plupart des autres intervenants ont gardé ce franc-parler et dressé le constat d'un manque de volonté politique général abandonnant les banlieues à leur sort, loin des standards de la République. Et rien ne change. « On va dans le mur », ajouta le sociologue Renaud Epstein ; « Où va l'argent ? Il faut géolocaliser les crédits car trop souvent ils n'arrivent pas sur les territoires en question. »
L'appel de Lyon
Gilles Leproust, président de l'association Ville & Banlieue, et la vice-présidente Catherine Arénou, ont lancé en tribune un vibrant appel de Lyon, qui termine par ces phrases son adresse au président de la République :
En 2017, suite à l'Appel de Grigny, vous aviez promis de rencontrer régulièrement les maires. Vous ne nous avez plus jamais reçus en dépit de nombreuses sollicitations.
Monsieur le président, vous devez vous connecter à la réalité et à la situation des habitants de nos quartiers. Vous devez être attentif aux désespérances, qu'elles résultent de l'isolement des territoires ruraux ou de la précarité des territoires urbains. Vous devez avoir, affirmer et traduire en actes une réelle ambition pour nos quartiers populaires. Dans une France aux multiples fractures, dans la République une et indivisible, les silences et reculades ne peuvent que renforcer les crispations.
Ce mercredi 18 octobre, à Lyon, quarante ans après la fondation de notre association, entourés de l'ensemble des acteurs qui œuvrent dans les quartiers populaires, nous, maires, présidents et élus de communes et d'intercommunalités de Ville & Banlieue, vous lançons ce nouvel Appel pour que nos quartiers et leurs habitants soient pleinement considérés comme les enfants de la République !