Le Monopoly, une autre façon de promouvoir un territoire
Pendant le confinement, le Monopoly a été la star des jeux dans les foyers. Une aubaine pour la centaine de villes, départements ou régions français disposant d'une version aux couleurs de leur territoire. À mi-chemin entre produit commercial et outil de communication, le célèbre jeu peut constituer un support ludique favorisant la rencontre entre habitants et territoire. Exemple avec l’un des derniers Monopoly territoriaux en date, celui de l’Ariège, qui a connu un joli succès.
Lancée fin novembre 2019, la version ariégeoise du célèbre jeu en est déjà à sa 3e réédition en cet automne 2020. « Les quelque 2 400 boîtes se sont vendues en quelques jours. Les commerçants ariégeois ont été dévalisés, les habitants demandaient sur les réseaux où trouver le jeu », explique Nicolas Hubert, directeur de la communication du département de l'Ariège. Depuis, le jeu a été réédité deux fois en janvier et juillet 2020. Au total un peu plus de 6 000 boîtes de jeu ont déjà été écoulées. Un chiffre intéressant pour ce territoire rural de 158 000 habitants.
Une opération gagnant-gagnant
Approché par l’agence BM Services pour compléter la collection des Monopoly départementaux à la suite de ses voisins – la Lozère, le Cantal et la Haute-Loire –, le conseil départemental a tout de suite été intéressé. « L’idée de combiner la fibre locale très forte sur le territoire à la notoriété positive du jeu nous a séduits. » « Développer une version territoriale du Monopoly ne peut avoir un intérêt que si le territoire dispose déjà d’une identité forte reconnue par les habitants, ce qui est souvent le cas dans des départements ruraux peu peuplés », ajoute Laurent Caplat, directeur de BM Services. En marge de son activité principale, son agence de communication s’est lancée il y a quelques années dans la fabrication d’éditions départementales du Monopoly avec l’idée de combiner produit commercial et outil de communication territoriale.
Car qui dit produit commercial dit risque financier. L’autorisation d’utiliser la licence Monopoly se négocie par projet avec la société qui gère les licences en France pour le compte d’Hasbro, avec un nombre minimal de boîtes à acheter une fois le jeu produit. En cas d’échec, on imagine aisément l’investissement « jeu » reproché à l’exécutif à l’aune des boîtes invendues stockées dans les sous-sols. Le risque existe aussi sur l’aspect « communication » du projet : comment justifier le choix du visuel du plateau, de l’attribution des cases à tel ou tel village ou à tel ou tel acteur local ? Là aussi, la société, en tant que porteur de projet, constitue un paravent non négligeable pour la collectivité en cas de réclamation d’un habitant ou d’un édile local. Le département voit ainsi arriver un outil ludique qui parle de son territoire tout en limitant les risques. Une opération gagnant pour elle comme pour l’agence, qui se donne toutes les chances de succès en travaillant de concert avec les territoires. « Nous souhaitons que les acteurs locaux adhèrent au projet et se l’approprient. Il doit être le reflet de la communication départementale, sinon on ne se lance pas », explique Laurent Caplat.
Un savant mélange entre mécanisme du jeu et particularismes locaux
Ainsi retrouve-t-on, au centre du plateau du Monopoly de l'Ariège, le slogan « Libres comme l’Air » lancé en 2019 par l’Agence du développement touristique (ADT). L’entité touristique du département a accompagné la société aux différentes étapes de conception du jeu au côté de la direction de la communication. « Dans un premier temps, l’agence nous a interrogés pour avoir notre avis sur le projet du jeu », explique le dircom du département. « Puis nous avons complété leurs recherches sur les lieux emblématiques en leur proposant un portrait de l’Ariège et en leur donnant la liste de tous les acteurs locaux pour faciliter la mise en relation. » L’agence a ensuite démarché les acteurs locaux pour leur proposer de figurer sur une des cases du jeu. Pour pouvoir garder le choix d’un équilibre cohérent avec le territoire, elle a offert les cases aux villages trop petits pour engager la dépense.
Pour que les joueurs s’y retrouvent, il faut que le Monopoly soit cohérent avec la réalité territoriale et les échanges avec la dircom y ont contribué. Ainsi les stations de ski remplacent les traditionnelles gares du jeu et l’iconographie, notamment pour le plateau central, reflète les différentes facettes du département au-delà des seuls aspects patrimoniaux. « Nous nous sommes aussi interrogés sur le sens de rotation du jeu », précise le dircom. « Nous avons préconisé le nord, entrée naturelle du département, comme point de départ pour faire ensuite le tour du département. » « Pour que l’immersion dans le territoire fonctionne, il y a quelques ingrédients à respecter en jouant avec la mécanique du jeu », complète Laurent Caplat. Au fur et à mesure des réalisations de Monopoly départementaux, il a expérimenté une méthodologie : « On teste avec les acteurs locaux les mécanismes du jeu, comme les cartes “chance” qui permettent des clins d’œil. » Plusieurs itérations se succèdent pour imprégner le jeu des particularismes locaux et trouver le bon mix pour donner envie de découvrir ou redécouvrir tel ou tel aspect du département.
Des occasions multiples de porter l'image du département
Entre le premier contact et la mise en vente du jeu, il peut s'écouler un an, précise Laurent Caplat. La dernière étape avant le lancement : bâtir un réseau de distribution. Local d’abord puisque le jeu s’adresse en premier aux habitants. Offices de tourisme, magasins de jouets, grandes surfaces, une quinzaine de points de vente proposent le Monopoly Ariège dans le département. National ensuite, essentiellement en ligne via l’agence mais aussi via des distributeurs dans certaines villes où les Ariégeois s’expatrient, comme à Toulouse. Des gîtes touristiques achètent également des boîtes pour que les touristes de passage puissent jouer local. « Cela multiplie les points de rencontre avec le territoire, en famille, en vacances, etc. », ajoute Nicolas Hubert. Le département a de son côté simplement amorcé la pompe en achetant des boîtes de jeu à prix négocié. L’Agence de développement touristique a également proposé un système de réservation.
BM Services a mis en ligne un minisite et une page Facebook Monopoly Ariège pour accompagner le lancement du jeu lors d’un événement lancé avec les partenaires locaux. Des relations presse auprès des médias locaux et de quelques médias nationaux complètent la promotion. De son côté, la direction communication s’est déjà appuyée à plusieurs reprises sur l’outil : impression en grand du plateau de jeu pour inviter les visiteurs du Salon international de l’agriculture (SIA) 2020 à venir jouer sur le stand, remise des boîtes en cadeau lors d’événements comme le passage du Tour de France, ou encore relations presse pour accompagner le succès du jeu. À quelques semaines des fêtes de Noël, elle vient de publier un communiqué pour annoncer la disponibilité de nouvelles boîtes de jeu.