Le sexisme malgré nous ?
Ce billet a germé un dimanche, après la réflexion pertinente d’une collègue sur le fil com interne de Cap’Com : étions-nous sexistes « malgré nous », nous, les femmes ? Ou plutôt étions-nous tellement coulées dans le moule patriarcal que nous ne soyons pas capables de parler sexisme au travail autant que de racisme ou de comportements grossiers et violents qui appellent des sanctions directes sans même se poser de question. Bref, nous empêchions-nous nous-mêmes ? La réponse est oui, bien sûr, et bien pesée.
Par Cécile Ferrer Staroz, responsable de la mission communication interne du département des Pyrénées-Orientales, membre du Comité de pilotage de Cap'Com.
En communication publique nous avons tous et toutes une responsabilité d’exemplarité, nous portons de nombreuses campagnes en interne et en externe qui travaillent aux changements de comportements. Alors comment faire plus et surtout comment faire mieux ?
De fait divers à fait de société
On n'a jamais autant parlé de viols et d’agressions sexuelles qu’en ce moment.
Série Sambre, procès Mazan, je ne reviendrai pas sur l’horreur, l’incompréhension et la sidération que provoquent ces faits « divers » qui sont désormais des faits de société, dont tout le monde s’empare et qui enfin permettront peut-être à la société française de faire évoluer ce regard porté sur les femmes et leur corps. Nous sommes en 2024, l’époque de Landru devrait être révolue depuis longtemps !
Entre « Monsieur tout le monde » et #NotAllMen qui succèdent à #MeToo et #BalanceTonPorc, comment dans notre quotidien de travail raison garder, tout en travaillant sur le sujet, écouter les collègues, sensibiliser et donner aux agent.es victimes de sexisme à tous les niveaux le moyen de se défendre ?
Des campagnes internes de sensibilisation
En tant que responsable de la mission com interne, j’ai créé l’an dernier, avec ma collègue de la mission égalité, une campagne d’affichage contre le sexisme ordinaire au travail. Une campagne qui a fait du bruit, des agent.es aux élu.es jusqu’aux syndicats – qui en ont apprécié le ton et la valorisation par notre présidente et notre DGS, très impliqués dans la défense des droits des femmes en interne et en externe.
Ce n’était pas ma première campagne sur le sujet, la dernière dans un autre département datait de sept ans. J’ai pu constater qu’en sept ans l’accueil était plus facile et que, avec une campagne bien préparée avec les managers, les discussions et réactions à suivre étaient plus nombreuses et plus ouvertes, que la parole se libérait plus facilement.
Déni et culpabilisation
Malgré tout il reste encore beaucoup de travail, les preuves en sont les incompréhensions et le déni rencontrés auprès de certains et de certaines. « Y a pas de sexisme dans notre service ! Bon, y a bien Jean-Michel qui fait des blagues douteuses mais c’est pas bien méchant. »
C’est là qu’intervient mon mea culpa, lié au mail de ma collègue et à ma lecture passionnante du dernier livre de Mona Chollet, Résister à la culpabilisation (1).
S’excuser de prendre la parole, culpabiliser d’être soi-disant moins impliquée parce qu’on va chercher ses enfants à l’école contrairement aux collègues hommes qui restent tard… Nos attitudes formatées par des années de réflexions sexistes ne nous aident pas beaucoup sur le lieu de travail et se rebeller d’un coup fait tache.
D’où une moindre prise en compte des faits de sexisme que de ceux du racisme, par exemple. Laquelle d’entre nous n’a pas eu un sourire forcé à une blague salace d’un collègue parce que, bon, « on a de l’humour », au lieu de le recadrer, de peur de passer pour la harpie féministe du service.
Et j’avoue moi-même (d’une génération essayant de s’améliorer) que parfois je laisse couler… alors que jamais je ne laisserais passer une parole raciste ou une insulte homophobe.
Avancer ensemble mais avancer quand même
Il est donc temps de ne plus rien laisser couler, et surtout pas la blague de Jean-Michel (2), non pas en fustigeant nos collègues à tout-va mais en expliquant, en remettant cent fois l’ouvrage sur le métier, en ne lâchant rien et en appliquant la loi si nécessaire.
Il est vraiment temps de faire changer les comportements et les mentalités, apprendre d’un procès comme celui de Mazan, c’est cela aussi. S’horrifier sur le moment ne suffit pas.
Dans notre quotidien de travail, c’est notre mission à nous, communicants internes mais aussi externes. Nos collègues étant nos meilleurs ambassadeurs, quoi de plus attractif et exemplaire qu’une collectivité qui fait de la lutte contre le sexisme un vrai enjeu !
Nos armes : la parole et l’écoute, les formations, le partage d’expérience, les campagnes d’affichage, les articles dans Point commun… la communication, donc.
(1) Résister à la culpabilisation, sur quelques empêchements d’exister, Éditions Zones, 2024.
(2) Prénom choisi au hasard.