Les collectivités activatrices de fierté
Avec pour caisse de résonance les réseaux sociaux, la fierté des habitants représente désormais un levier majeur dans la course à l’attractivité. Les communicants et marketeurs territoriaux l’ont bien compris et s’attachent à activer ou réactiver ce sentiment d’appartenance pour mieux promouvoir les territoires à l’extérieur.
Renforcer la fierté territoriale d’appartenance constitue selon Vincent Gollain l’un des cinq objectifs d’une démarche de marketing territorial. La fierté d’appartenance est en plein développement, précise-til dans ses 70 diapositives pour tout comprendre sur le marketing territorial. « Les marketeurs territoriaux se sont appropriés cette tendance pour la développer et mobiliser l’opinion publique locale en plus des stratégies d’ambassadeurs ». C’est le cas cet automne de plusieurs collectivités. Emboîtant le pas à d’autres, leurs services marketing territoriaux ou communication ont lancé des campagnes axées autour de la fierté. Tour d’horizon des dernières opérations « fier de ». Un panorama qui illustre la diversité des stratégies de ces « activateurs de fierté » qui ne partent pas tous avec le même capital de départ...
La fierté bretonne, ça claque !
Difficile de parler des dernières actions de com « fierté » sans revenir sur la campagne d’attractivité « Viens en Bretagne ». En 2014, le comité régional du tourisme de Bretagne et ses collectivités partenaires veulent attirer les non-visiteurs sur leur territoire. Mais ils font un constat clair : les messages à vocation touristique ne parlent plus aux consommateurs, plus attentifs aux messages qui émanent d’autres usagers.
Ça tombe bien, c'est bien connu : le Breton est fier. Le portrait identitaire dressé en 2009 dans le cadre de la marque territoriale Bretagne le confirme : la fierté d’appartenance fait partie intégrante de l’identité du territoire. Un potentiel pour les communicants qui vont capitaliser sur cet attachement pour construire une campagne innovante. Le principe : en appeler à la fierté des Bretons pour qu’ils invitent les non-visiteurs à découvrir une autre facette de la Bretagne sous forme de selfies vidéos postés sur les réseaux sociaux et diffusés pour les meilleurs en TV. Le slogan : "Si t'es fier de ta Bretagne, claque ton selfie sur viensenbretagne.fr". Résultat : plus de 250 selfies vidéos postés et 240 000 pages vues sur la plateforme. De belles performances pour une campagne différenciante qui s’appuie sur les contenus créés par les habitants pour démonter certains clichés. Des contenus derrière lesquels s’efface le discours institutionnel. Certains des spots sélectionnés pour les passages TV - comme les selfies du surfeur sous la pluie, ou des festivaliers des Vieilles Charrues - sont d'ailleurs conservés dans leur forme originale en dehors d’un recalibrage son et durée (10 secondes) pour en préserver le naturel et l’authenticité.
Dites-le #HautEtFort !
À l’instar de la Bretagne, la région Hauts-de-France concentre elle aussi cet automne sa communication sur l’activation de la fierté de ses habitants. Un sentiment moins marqué dans cette région issue de la fusion en 2016 de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais que sur le territoire breton. Comme le rapporte le Courrier picard, cette opération de communication s’appuie sur les résultats d’une enquête menée auprès d’habitants et de visiteurs afin de définir l’identité de la région. Menée avant la fusion, elle souligne qu’il « existe une notion de fierté mais aussi une forme d’autodépréciation bien que les gens soient conscients de la richesse et de la beauté du territoire. ».
« Prenons de la hauteur et assumons les « Hauts-de-France » comme une chance d’être reconnus en Europe et dans le monde, comme le bonheur de s’élever dans le chœur et le cœur des Français » écrivait Pierre Geistel, ancien chargé de communication de l'ex région Nord Pas-de-Calais, quelques temps après la création officielle des Hauts-de-France. Un vœu a priori entendu par les communicants de la région et le comité régional du tourisme qui ont choisi une émanation du nom de la nouvelle région comme slogan pour leur dernière campagne : "Haut et Fort".
Ce cri de ralliement à destination de l'ensemble des habitants des Hauts-de-France les incitent depuis le 16 octobre 2018 à partager sur Facebook et Instagram leurs photos et vidéos « des moments de fête et de déconnexion, de rencontres et de contemplation, qui disent haut et fort qu’il fait bon vivre en Hauts-de-France. » Convaincus que pour changer l’image de la région, il faut d’abord changer le regard des habitants et leur faire prendre conscience de leurs atouts, la région et le comité régional du tourisme ont lancé cette campagne d’activation. Comme en Bretagne, l’institution s’efface derrière les productions des internautes pour se concentrer sur l’incitation à exprimer sa fierté sur les réseaux sociaux avec le hashtag #hautetfort. Ses outils d'activation : des comptes Facebook, Twitter et Instagram, un site web, un spot simple de promotion du mouvement Haut et Fort, et deux récompenses : une expérience pour deux attribuée tout les mois par tirage au sort parmi les posts instragram, et chaque semaine 5 gagnants de t-shirts Haut&Fort fabriqués par une entreprise locale et déclinant des messages de fierté.
"Je suis #Rémois ... et #fierdetrebleu"
Pour réveiller la fierté de ses habitants, la ville de Reims s’est appuyée sur des symboles emblématiques de l’identité reimoise en lançant en fin d’année 2017 la campagne « Je suis #Rémois et fier de l’être ». Là aussi, l’institution s’est effacée, dans un premier temps, derrière les visuels au graphisme simple des six symboles choisis par la ville. Le biscuit rose, le bouchon de champagne, le maillot du footballeur Raymond Kopa, la Victoire Ailée (statue de la fontaine Subé, Place d'Erlon), le Luchrone, et l'Ange au sourire (une sculpture sur la façade de la cathédrale rémoise) ont envahi l’espace public rémois et les réseaux sociaux dès le 1er décembre 2017. Distillés sous la forme de vitrophanies, autocollants, marquages au sol, affiches et cartes postales, et dans le numéro de décembre du magazine de la ville, ils ne sont accompagnés que du slogan « Je suis #Rémois et fier de l’être ».
La ville révèle ensuite être à l’origine du teasing et incite les habitants à prendre part à la deuxième phase de la campagne. Elle leur propose des goodies (fonds d’écran pour ordinateur et mobile, photo de couverture Facebook, mise à disposition de filtres pour personnaliser sa photo de profil) en complément des cartes postales et autocollants déjà collectionnables pour qu'ils relayent la campagne et témoignent de leur fierté d’être reimois sur les réseaux sociaux. En parallèle, elle lance un appel au vote pour que les habitants désignent le symbole qui représente le mieux la ville. Après un mois et 15 000 votes, le bouchon de champagne est désigné comme symbole préféré des Reimois devant l'Ange au sourire et la Victoire Ailée.
Quelques mois après, la ville a eu l’idée maline de décliner la campagne « #Rémois et fiers de l’être ! » pour la Coupe de Monde. La municipalité a fait le choix de ne pas retransmettre les matchs sur écran géant. Elle a invité les habitants à se rendre dans les maisons de quartier ainsi que dans des bars et restaurants partenaires. Elle a mis à disposition des commerçants partenaires un kit de communication « Je suis # Rémois – Je soutiens les Bleus» (t-shirts, affiches, ...) ainsi que des gobelets réutilisables aux couleurs de l’équipe de France et de la ville de Reims. Des visuels qui reprennent "La" référence fierté des hashtags : #Fierdetrebleu, utilisé 1,7 millions de fois pendant la compétition.
Des ambassadeurs de fierté à Troyes
Non loin de Reims, la ville de Troyes s’est aussi appuyée sur la recette gagnante du hasthag #fierde mais en le déclinant pour le territoire. Elle a lancé le 24 octobre 2018 la campagne #FierdeTroyes en s’appuyant comme sa voisine sur « des icônes territoriales » pour mieux l’impulser parmi les habitants. Ici pas de symboles mais des ambassadeurs de fierté. Cinq personnalités (le footballeur Benjamin Nivet, la créatrice de mode Clémence Wurtz, le peintre Mister Oizif, le chocolatier Pascal Caffet et l’historien (de Canal 32 notamment) Jean-Louis Humbert) ont pris la pose dans des lieux emblématiques de la ville. « Que la Force soit avec Troyes », « On a retrouvé le cheval de Troyes », une citation en lien avec la mise en scène complète chaque photo. Les 5 visuels et le hasthag #Fierdetroyes sont diffusés sur le territoire via un spot au cinéma et de l’affichage en ville pendant le festival des Nuits de Champagne, sur le site internet et les comptes twitter et Facebook de la ville, et sur le bouquet 25-59 ans des replay de TF1 dans les départements limitrophes. Objectif de cette opération de marketing territorial : renforcer l’attractivité nationale de la ville qui achève 20 ans de transformation en entraînant à la redécouverte de la fierté de ceux qui y vivent et sont « meilleurs ambassadeurs de leur territoire ».
#Fiersdoyo, le film
Changer l’image du territoire, c’est aussi le souhait d’Oyonnax. Surtout connue pour son industrie plastique et son équipe de rubgy, la ville veut valoriser les changements et ses autres atouts. Elle mise aussi sur le hashtag #fierde, mais en raccourcissant son nom. Sa campagne #fiersdoyo s’appuie sur la fierté de ses habitants comme préambule au rayonnement extérieur de la ville et s’applique à leur donner de quoi être fiers : un film de plus de 50 minutes sur leur ville. Alors que la tendance est aux formats vidéos courts, le choix détonne.
Il faut dire que la production est destinée dans un premier temps au cinéma. Après trois trailers (courts) sur les réseaux sociaux (un général, un axé sport et un axé culture), le film est dévoilé dans la salle locale le 27 septembre 2018 puis mis en ligne sur Youtube le 4 octobre en parallèle d’autres projections au cinéma les semaines suivantes. Pendant 50 minutes, des images de la ville et de ses habitants défilent pour « raconter la ville » et « rendre fiers les Oyonnaxiens ». Le film ouvre sur les atouts habituellement attribuées à la ville mis en regard de ceux perçus par les habitants. Puis il explore tour à tour l’histoire de la ville, sa renaissance, le sport, la culture et les festivités ("vivre à Oyonnax"), les élus et les services publics ("faire vivre Oyonnax") jusqu’aux récentes commémorations, avant de reboucler sur les habitants. Un film déjà visionné près de 9 500 fois qui, s’il rend fiers certains, n’est pas exempt de critiques à un an et demi des élections municipales.