L'éthique des agents et des élus vue par la déontologue de la région PACA
Éthique ou Déontologie ? C’est en deux mots le questionnement qui s’est fait jour lors du forum Cap’Com de Marseille. Un tapis de parole autour de la déontologue et ancienne magistrate Catherine Husson-Trochain, avait regroupé des communicants publics, poursuivant un effort de réflexion commencé en 2002 à… Marseille !
Marseille aura-t-elle été le début et l’aboutissement de ce temps d’introspection de notre profession sur la notion d'éthique ? Non, ce serait trop facile. Mais, de jalons en jalons, les communicants publics avancent et précisent un cadre pertinent. Premier constat, à chaud, sur le tapis de parole : « Il y a une absence de clause de conscience dans le métier de communicant, alors qu’on y est confronté au quotidien ».
Nul besoin de justifier de l’importance du débat sur les questions éthiques dans l’espace public d’aujourd’hui. Nous observons nombre de prises de positions au nom de l’éthique, de la déontologie, de la morale, qui renforcent notre sentiment que la parole et la communication publique doivent trouver une champ de références utiles et crédibles, encadrant notamment le travail des communicants des collectivités. Cap’Com y a d’ailleurs consacré plusieurs temps de réflexions et articles, ainsi qu'un espace spécifique sur son site internet, faisant écho à la charte de Marseille, acte fondateur dont la justesse de ton a été validée par les années. Mais quelles ont été les avancées ? En se heurtant au mur des contingences et des particularismes associées à nos professions (« trop proche du cabinet », « propagande ordinaire », « préoccupation accessoire », « pas de temps pour tergiverser… ») force a été de constater cet hiver que peu d’éléments concrets ont pu voir le jour.
Sous l’impulsion de Bernard Deljarrie, le Comité de pilotage de Cap’Com s’est porté volontaire il y a un an pour examiner les questions sur les sujets qui peuvent lui être soumises sur le site internet de façon anonyme. « Une excellente initiative » pour Catherine Husson-Trochain, qui encourage le travail par étape, la mise en place de mécanismes vertueux. Mais avec les polémiques sur des journaux municipaux ou des campagnes publiques choquantes (comme celles de la ville de Béziers, commentées dans nos colonnes) nous pouvions nous attendre à être saisis… Or il n’en est rien.
Si vous avez une morale collective, c’est très bien, cela fonde un groupe social, mais cela n’est pas un outil.
Catherine Husson-Trochain, déontologue, ancienne magistrate et présidente de la commission déontologie de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur,
Pour reprendre l’approche de Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, lors du Forum Cap'Com 2014, « plus qu’une charte, il faudrait un questionnement général, un processus continu d’échanges ». C’est d’ailleurs ce qui est ressorti du tapis de parole, ou l’intervenante a mesuré combien le « non-dit » était sensible au regard de ce débat. Car ce ne sont pas les questions de présentation de l’information qui sont les plus difficiles à résoudre. Mais plutôt les libertés prises par la hiérarchie directe. Il sera par exemple envisageable de fonder une déontologie appliquée au retouches photos, à la publication de chiffres.
Mais beaucoup plus difficile pour un communicant de résister à une injonction formulée dans le cadre étroit de la relation de loyauté absolue qui fait la particularité de nos métiers. « Mais vous n’êtes pas protégés par des dispositions statutaires particulières et vous exercez le plus souvent en dehors du cadre des postes de cabinet. Vous avez un lien de subordination et un devoir de réserve. Tout cela ne vous permet pas d’agir de votre propre chef au nom d’une éthique personnelle. Il faut alors se demander si l’instruction qu’on nous donne est légale ou non et si l’intérêt général est gravement compromis. Ce sont les deux questions qu’on peut se poser. Il faut demander le cas échéant un ordre écrit pour se couvrir ». On comprend la fragilité de la manœuvre.
« Il faut faire la distinction entre l’éthique - qui relève de choix personnels, sur la base de valeurs, et qui est facultative - et la déontologie - qui regroupe des règles que l’on nous (se) donne dans le champ professionnel et que l’on doit appliquer. » La magistrate ajoute clairement : « si vous avez une morale collective, c’est très bien, cela fonde un groupe social, mais cela n’est pas un outil ». Que faire, alors, de ces aspirations qui dates de 2002 et qui alimentent nos débats internes ? Peut-être suivre l’exemple de la charte de déontologie dont se sont dotés les élus de la Région PACA, avec le concours de Catherine Husson-Trochain : « c’est un contexte différent et il ne peut pas être repris tel quel, mais certains points doivent être retenus :
- Le respect du code de déontologie est obligatoire dès lors qu’on exerce une profession régie de cette façon. Peu de métiers ont ces dispositions.
- Les codes doivent prévoir un dispositif de contrôle et de suivi.
- Si une charte ne prévoit pas de sanctions : on tombe plutôt dans le champ de l’éthique car c’est un engagement personnel.
Forte de son action depuis un an en région PACA, Catherine Husson-Trochain nous donne rendez-vous et nous lance un défi : les communicants publics pourront-il affiner la Charte de Marseille pour la rendre compatible avec une démarche déontologique ? Le sujet devra être remis sur le métier. Il est acquis, pour les participants du tapis de parole, qu’il sera nécessaire de mener plusieurs démarches, l’une sera la mise à jour d’une charte d’éthique auquel chacun pourra adhérer de sa propre initiative et qui ne le protégera en rien, une autre sera la réflexion sur le cadre de travail des emplois fonctionnels soumis directement aux politiques (en relation avec les démarches des membres de cabinets, des DGS et DGA) et l’éventuelle construction d’un code de déontologie contraignant. En attendant, rappelons l’engagement de conseil et d’écoute du Comité de pilotage de Cap’Com et le contexte actuel… qui place les questions d’exemplarité et de vertu au premier plan des exigences des citoyens !