L'intelligence artificielle et les algorithmes : une menace pour la créativité et les auteurs ?
Le week-end dernier, j’ai découvert le nouveau logiciel d’Adobe : Firefly, l’équivalent de Midjourney ou DALL-E pour concevoir des créations graphiques, grâce à l’intelligence artificielle. Hypnotisé par les possibilités offertes, j’ai passé des heures à m'extasier devant mes pseudo-créations sur un logiciel aussi addictif que les réseaux sociaux. Les possibilités et variations de création sont quasi infinies.
Si j’ai été bluffé par la qualité du rendu des visuels générés, je m’en suis aussi inquiété. Parce qu’avec quelques lignes de commandes, je générais en quelques secondes ce que des graphistes professionnels créent sans doute en plusieurs heures sur Photoshop. Les algorithmes sont désormais capables de composer de la musique, de peindre des tableaux, d'écrire des articles ou des romans, et même de produire un clip publicitaire – hallucinant – pour de la bière.
Mais après avoir généré des dizaines de visuels divers et variés sur Firefly, j’ai commencé à me lasser. Car cette facilité de création finit par banaliser ces « œuvres ».
Je n’ai pas pu m’empêcher de faire un rapprochement avec la dématérialisation de la musique ou des films. Avec l’avènement du streaming, l’offre est devenue incommensurable. Nous avons accès à des millions de titres, d’artistes, de films.
Vite créé, vite proposé, vite consommé, vite jeté et vite oublié
Si vous faites partie de la génération X, vous avez connu un des seuls moyens d’écouter de la musique à l’époque : les disques vinyles. L’achat d’un disque était un geste réfléchi. Pour rentabiliser son achat (surtout quand on était étudiant et fauché), on écoutait et réécoutait l’album de nombreuses fois. On accordait toute son attention à l’ensemble de l'œuvre, à la cohérence des titres.
Aujourd'hui, sur Spotify ou Deezer, il est tellement facile de zapper au bout de quelques secondes si un morceau ne nous plaît pas.
C’est le même phénomène sur Netflix ou Amazon, où nous pouvons passer un temps infini à choisir un film ou une série, et à zapper si nous ne sommes pas rapidement convaincus. Zapping, mais aussi addiction. Car tous ces systèmes ont un point commun : l’algorithme. Ce dernier nous propose des contenus correspondant à nos goûts, nos habitudes, pour finalement nous suggérer des programmes qui se ressemblent et nous enferment dans une bulle. Je vous renvoie vers une chronique sur ce sujet, publiée en 2017 !
Cette puissance offerte par l’intelligence artificielle et les algorithmes ne serait-elle pas en train de banaliser et neutraliser l’acte créatif ? Vite créé, vite proposé, vite consommé, vite jeté et vite oublié.
Les algorithmes régulent de plus en plus tous les aspects de notre vie
Ces outils et plateformes encouragent la facilité au détriment de la véritable créativité. La créativité est une combinaison complexe d'imagination, d'émotions et d’intentions. Les logiciels d'IA fonctionnent sur la base de modèles statistiques, de probabilités et d'apprentissages automatiques. Ils sont capables de générer des œuvres qui ressemblent à celles créées par des humains, mais elles manquent de la sensibilité liée à l’acte créatif.
Avec l’intelligence artificielle qui se nourrit de milliards de contenus créés précédemment par de vrais humains, c’est l’identification même de la création et de l’auteur qui disparaît.
Quel sera le prix à payer ? Quelles seront les conséquences de l’usage de ces outils qui commencent tout juste à bouleverser notre société ? Les algorithmes régulent de plus en plus tous les aspects de notre vie, nous confortent dans nos convictions, nos habitudes, nos goûts. Avec l’intelligence artificielle qui se nourrit de milliards de contenus créés précédemment par de vrais humains, c’est l’identification même de la création et de la sensibilité de l’auteur qui disparaît.
L’intelligence artificielle et les algorithmes vont nous rendre fainéants. Plus besoin d’apprendre, plus besoin de talent, il suffit de maîtriser quelques prompts, les lignes de commandes envoyées aux logiciels, pour qu’en quelques secondes soient générées des créations sans intention, qui en temps normal auraient nécessité des heures de travail et de réflexion.
Heureusement, les créateurs de ChatGPT ont publié la liste de 34 métiers qui ne seraient pas menacés par l’IA. Soyons rassurés, les boulonneurs de toits dans l’industrie minière ont visiblement encore de l’avenir. Par contre, « les métiers aux tâches répétitives sont plus susceptibles d’être remplacés par l’intelligence artificielle ». Cela serait le cas des métiers du numérique, de la comptabilité, du secrétariat, de la traduction, de la rédaction ou encore du service client... Et pour les communicants publics ?
Nous tenterons de répondre à toutes ces interrogations lors d’un des grands temps forts du prochain Forum Cap’Com de Toulouse. Rendez-vous en décembre, avec de vrais humains.
Pour cette chronique, l’illustration a été créée sur Adobe Firefly avec le prompt suivant : « Un peintre, un photographe, un cinéaste et un musicien face à un robot hilare ». Je vous laisse juger du résultat.