Logo : avoir tous les droits ! La check-list
Après les élections municipales de 2020, de nombreuses villes changent leur logo. Mais une fois son identité visuelle créée, une collectivité peut-elle faire ce qu’elle veut avec ? En principe, oui. À condition de s’être assurée d’avoir tous les droits sur cette création. Revue des questions à se poser dès la conception pour éviter les mauvaises surprises.
Qui conçoit le logo ?
La réponse à cette question est primordiale car la collectivité ne dispose pas, a priori, des droits sur son logo. Selon le Code de la propriété intellectuelle (CPI), le logo, sous réserve qu’il soit original, fait partie des œuvres graphiques et typographiques soumises au droit d’auteur, et ce de manière automatique dès sa création : « L'auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L. 111-1 du CPI). La collectivité doit récupérer auprès du concepteur du logo les droits d’auteur nécessaires pour pouvoir l'utiliser.
Si le logo est réalisé en interne, la collectivité peut l'utiliser librement
En principe, un agent public jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur les œuvres qu’il crée dans l’exercice de ses fonctions (alinéa 3 de l’article L. 111-1 du CPI). Cependant, lorsqu’une œuvre est créée par un agent titulaire ou non titulaire dans le cadre d’une mission de service public, l’autorité publique qui l’emploie se voit céder automatiquement les droits d’exploitation (article L. 131-3-1 du CPI).
Le droit moral de l’agent est également limité par le caractère public de sa fonction (article L. 121-7-1 du CPI). Son droit de divulgation (rendre son œuvre publique ou non) ne peut s’exercer que « dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d’agent et de celles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de la personne publique qui l’emploie ». Il ne peut pas « s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service par l’autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation » ni « exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité investie du pouvoir hiérarchique ».
En revanche, l’agent a droit à ce que son nom soit apposé sur l’œuvre, mais également à conserver son anonymat ou à utiliser un pseudonyme.
Si le logo est réalisé par une société prestataire ou un graphiste, son utilisation nécessite une autorisation
Ce dernier est titulaire des droits d’auteur. Pour pouvoir utiliser un logo, une collectivité doit obtenir son autorisation par écrit. Ce contrat est généralement conclu à la création de l’œuvre avec le prestataire lors d’une commande ou d’un marché public. Deux types de contrats peuvent être envisagés :
- la cession de droit : tout ou partie des droits sont cédés au cessionnaire par le titulaire des droits ;
- la licence ou concession : le titulaire des droits attribue au licencié ou concessionnaire un droit d’usage défini.
Les composantes du droit d’auteur
Le droit moral
Le droit moral confère à l’auteur le droit au « respect de son nom, de sa qualité, de son œuvre » (art. L. 121-1 du CPI). Il regroupe plusieurs droits exclusifs :
- le droit de divulgation : c’est l’auteur qui décide de divulguer son œuvre au public ;
- le droit au respect du nom : l’auteur signe son œuvre et peut exiger que soient cités son nom et sa qualité ;
- le droit au respect de l’œuvre : l’œuvre ne doit pas être altérée ou déformée dans sa forme ou son esprit ;
- le droit de retrait : l’auteur peut retirer son œuvre du public, faire cesser ou modifier les conditions de son exploitation.
Ces droits moraux sont imprescriptibles (d’une durée illimitée), inaliénables (non cessibles à un tiers) et perpétuels (transmissibles aux héritiers).
Le droit patrimonial
Le droit patrimonial permet à l’auteur d’exploiter son œuvre et d’éventuellement en tirer profit. Il se compose de deux principaux droits exclusifs que l’auteur peut décider de céder :
- le droit de représentation : droit de diffuser l’œuvre au public quel que soit le procédé (récitation publique, TV, radio, web, etc.) ;
- le droit de reproduction : droit de fixer l’œuvre sur un support matériel en vue de sa diffusion.
L’auteur jouit de ses droits patrimoniaux toute la durée de sa vie, puis pendant soixante-dix ans après sa mort (les droits sont transmis aux héritiers) ou après la première publication s’il s’agit d’une œuvre anonyme, pseudonyme ou collective. À la fin de cette période, l’œuvre tombe dans le domaine public : son exploitation devient libre et gratuite. Mais attention au respect du droit moral dont le caractère imprescriptible et perpétuel impose de citer le nom de l’auteur et de respecter l’intégrité de l’œuvre sans limitation dans le temps. Pendant la période couverte par le droit, l’auteur ou ses héritiers peuvent céder les droits patrimoniaux à un tiers afin que celui-ci puisse exploiter l’œuvre.
Toutes les utilisations potentielles du logo sont-elles prévues ?
Pour s’assurer de pouvoir utiliser son logo comme elle le souhaite et éviter de devoir revenir vers l’auteur pour les utilisations non prévues, la collectivité a tout intérêt à anticiper de la manière la plus exhaustive possible les usages potentiels de son identité visuelle. Le contrat conclu avec le prestataire externe doit utiliser des formules précises et prévoir tous les cas d’utilisation ou de modification.
Quel que soit le type de contrat conclu, il doit être écrit et comporter les éléments suivants :
- identification de l’œuvre concernée : en général la cession de droit concerne le logo finalisé. Si elle concerne également les versions intermédiaires, cela doit être précisé ;
- nature et étendue géographique et temporelle des droits cédés : énumération des droits cédés (représentation, reproduction, modification, etc.), durée, étendue géographique (qui sera mondiale si le logo est diffusé sur internet). Attention, la possibilité d’adapter ou de modifier la taille, la couleur, ou certains des éléments du logo livré devra être précisée ;
- supports et modes de diffusion : le logo étant potentiellement amené à être utilisé sur l’ensemble des supports, prévoir une cession de droits pour « tous supports » semble adapté ;
- conditions financières de la cession : pour un logo, il s’agit d’une rémunération forfaitaire.
Marché public : prévoir la cession des droits dans l'appel d'offres
Lors de la rédaction de son appel d’offres pour la création d’un logo, la collectivité peut notamment s’appuyer sur le chapitre 4 du CCAG-PI (Cahier des clauses administratives générales de prestations intellectuelles) et le chapitre 7 du CCAG-TIC (Cahier des clauses administratives générales-techniques de l’information et de la communication) pour prévoir la cession des droits.
Ces CCAG prévoient deux possibilités :
- l’option A, qui s’applique par défaut, confère à l’acheteur public des droits d’utilisation des résultats pour les besoins définis dans le marché ;
- l’option B consiste en la cession exclusive des droits de propriété à l’acheteur public qui peut, par la suite, utiliser comme il le souhaite ce résultat, même à des fins commerciales.
Les conditions de cette cession devront être obligatoirement définies précisément dans le marché comme vu ci-dessus (objet du marché, étendue des droits, supports et modes de diffusion, etc.).
Pour garantir une utilisation large du logo, l’option B semble la plus adaptée. Dans le cas où le logo s’inscrit dans une prestation plus globale (comme un site internet ou la communication sur un événement) dont le marché est passé sous l’option A, une clause dérogatoire de cession exclusive des droits pour tous supports doit être prévue pour le logo.
Certaines des composantes du logo sont-elles protégées par le droit d’auteur ?
La collectivité doit également rester vigilante pendant la phase de création du logo, qu’elle soit effectuée en interne ou en externe, et veiller à s’assurer qu'elle dispose bien des droits sur toutes les composantes de celui-ci.
Le logo peut comporter des éléments préexistants soumis eux-mêmes au droit d’auteur, en particulier la typographie ; rarement créée spécialement pour un logo, elle est souvent choisie parmi des polices de caractères qui existent déjà et est soumise au droit d'auteur.
Existe-t-il des logos de collectivités similaires ?
La collectivité doit faire une veille pour savoir si un logo identique ou similaire à celui qu’elle est en train de concevoir existe déjà. Outre le fait qu’un logo qui ressemble trop à un autre voit sa force et son caractère identitaire mis à mal, elle peut être attaquée par l’organisme ou la société qui a conçu le signe antérieur.
Pour effectuer une recherche d’antériorité, la collectivité peut se rendre sur les bases de données de l'INPI :
- la base marque pour rechercher parmi les logos déposés en tant que marque ;
- la base de données des dessins et modèles pour vérifier les logos déposés en tant que dessins.
Elle peut également faire appel au service payant de recherche de l’INPI.
Difficile cependant d’arriver à des résultats exhaustifs en matière d’antériorité. Un logo est protégé par le droit d’auteur dès sa création et sans formalité spécifique. Tous les logos ne sont donc pas déposés en tant que marque ou dessin.
Renforcer ses droits en déposant son nom et son logo à l'INPI
Si les résultats fournis par les bases de l'INPI ne sont pas exhaustifs, ils se révèlent parfois surprenants.
La commune de Laguiole en a fait l'expérience en s'apercevant en 2009 qu'elle ne pouvait pas procéder au dépôt d'un nouveau logo contenant son nom. Un entrepreneur francilien avait déposé en 1993 la marque Laguiole afin de commercialiser des couteaux importés d'Asie et d'autres produits. La législation ne permet pas à une collectivité d'interdire a priori l'enregistrement de son nom, à titre de marque par un tiers. Une collectivité a donc tout intérêt à procéder au dépôt de son nom comme marque, ce qui lui permet d'obtenir le monopole d’exploitation de la dénomination sur le territoire français pour dix ans, renouvelable indéfiniment.
Procéder au dépôt de son logo en tant que marque, mais aussi en tant que dessin, renforce la protection de son logo par le droit d'auteur, par celle liée à la propriété industrielle. En cas de litige, cette précaution permet de prouver plus facilement l’antériorité d’un signe par rapport à un autre. Attention : le dépôt à titre de marque ou de dessin et modèle doit être prévu en amont dans le contrat de cession des droits d’auteur.