Mouvements en cours et mutations en vue dans la territoriale
Eux-mêmes titulaires ou bien contractuels, les communicants en collectivité côtoient leurs collègues des autres services. Ils coopèrent avec eux. D’indispensables et déterminants liens se nouent ainsi. Intéressant, donc, d’aller voir ce qui se passe chez les fonctionnaires, territoriaux ou autres.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
Le vent semble souffler dans le sens de la revalorisation de la fonction publique. Ça n’apparaît guère dans le débat public. Et il est probable que, dans la campagne pour l’élection présidentielle, vont poindre à nouveau des propositions, plus ou moins drastiques, de réduction des emplois publics. Certes, le programme de l’actuel président de la République – suppression de 120 000 postes – n’a été suivi que d’effets partiels, pandémie et climat social obligent.
Cette année, 100 000 postes ont été ouverts dans la fonction publique. Par cette initiative sans précédent par son ciblage, l’État a engagé en mai la campagne #Rejoinsleservicepublic pour attirer les jeunes vers « les métiers porteurs de sens et d’engagement » des trois fonctions publiques, État, hôpitaux et collectivités. « Travailler pour l’État, c’est pas (formulation familière pour parler “jeune”) ce que tu crois », clame ainsi le portail de la fonction publique. En vitrine, une poignée de métiers plus attrayants… et plus rares que rédacteur territorial ou agent technique, comme cryptologue (algorithmes, nous voilà) ou agent spécialisé de la police scientifique (effet série policière) et, dans nos domaines, assistant événementiel et même directeur de communication. Mazette ! Voilà qui peut nous rassurer sur l’image de nos métiers.
Redorer le blason
Il y a encore du travail pour redorer le blason des fonctionnaires, territoriaux compris. L’enquête sur la marque employeur de La Gazette avec emploipublic.fr et la mutuelle Intériale est probante. Publiée le 10 octobre, elle indique que 31 % des répondants, qui ne sont ni en poste ni en recherche d’emploi dans la fonction publique territoriale, en ont une mauvaise image. Parmi les agents actuels, les satisfactions les plus importantes sont la situation géographique (87 %), la sécurité de l’emploi (80 %) et la diversité des missions (80 %), tandis que les insatisfactions majeures portent sur la reconnaissance de la hiérarchie (42 %), la rémunération (29 %) et les possibilités d’évolution (28 %).
Dans un paysage qui, par erreur d’optique, peut sembler figé, des mouvements sont en cours, des mutations en vue. Lors du récent salon Territorialis, organisé à Metz par le SNDGCT (Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales), a été présentée la nouvelle étude de la MNT « DGS, que deviens-tu ? ». Conduite par Jérôme Grolleau, sociologue et consultant, elle souligne à quel point le contexte institutionnel et sociétal a bougé et va bouger. Longue est la liste des changements qui nous concernent aussi : refonte du système territorial, développement de l’intercommunalité, contraintes financières, renouveau politique et générationnel des élus, et aussi évolution des modes de vie des usagers, métropolisation, numérisation généralisée, nouvelles attentes à l’égard des politiques comme du travail. L’étude souligne que l’activité de DGS est entrée dans une « zone de haute tension » qui doit conduire à repenser leur rôle, leur posture, leur pratique et leur investissement. Cette alerte sonne aussi, bien sûr, à nos oreilles. Avec quelque emphase, Jérôme Grolleau résume : « De plus en plus stratégiques, de plus en plus managers, de plus en plus ‘’acteurs réseau’’, les DGS doivent conquérir une visibilité et veiller à l’habitabilité du monde. »
S’interroger sur les valeurs, les principes
C’est précisément l’impérieuse nécessité de « rappeler la richesse et l’intérêt de promouvoir les services publics » qui a déterminé 15 fonctionnaires à créer le réservoir à idées (pour les anglophones, think tank) « Sens du service public ». Parmi les porteurs de cette initiative, Émilie Agnoux, DGA de Grand Paris Sud-Est Avenir, Delphine Cervelle, DGS de Saint-Ouen, Ludovic Grousset, DGA de la Métropole européenne de Lille, et Johan Theuret, DGA de la ville et de la métropole de Rennes. Ils entendent « réinterroger ce que signifie un service public au service de nos concitoyens », avec trois objectifs : l’égalité d’accès pour tous, l’exemplarité écologique et sociale, et l’écoute démocratique. Des repères qui orientent aussi les communicants publics. Tout comme cet axe, indiqué par Delphine Cervelle : « Ne pas envisager le service public de façon binaire – plus ou moins de fonctionnaires, plus ou moins de services publics –, mais s’interroger, au-delà des chiffres, sur ses valeurs, ses principes. »
« Sens du service public » entend profiter de l’opportunité que présente la campagne présidentielle avec une plateforme de propositions pour les candidats et des réactions et interventions au fil des débats. Johan Theuret met en relief un autre point d’appui à cette ambitieuse démarche : « La crise du covid a sensibilisé les gens sur quelques fondamentaux du service public : continuité, mobilisation des agents au quotidien et l’importance que ça a pour nos concitoyens. » Voilà quasiment un nouvel argumentaire pour attirer des recrues.