« No reply » : la communication sans relation des services publics
La Fondation Jean-Jaurès, sous la plume de Thierry Libaert, a exploré les conséquences sociopolitiques de la diminution de l’approche relationnelle dans la communication administrative au profit d’une communication numérique.
La disparition physique des services publics de proximité s’est accompagnée d’une dématérialisation qui a entraîné une focalisation quasi exclusive de la relation sur des supports numériques. Le recul des services publics a renforcé dans nombre de territoires un sentiment de déclassement et de déclin, et a été interprété comme un désengagement de la puissance publique vis-à-vis d’espaces de moindre importance et de populations considérées comme de « seconde classe », pour reprendre les mots de Jérôme Fourquet lors de son intervention devant le Comité de pilotage de Cap’Com.
« Où sont passés les communicants ? »
Pour Thierry Libaert, conseiller au Comité économique et social européen et auteur de la note de la Fondation Jean-Jaurès publiée en décembre 2024, « la modernisation du service public, conçue essentiellement comme étant l’intégration des enjeux économiques et des contraintes budgétaires, a manifestement participé à la montée du populisme ». Il déplore notamment que cette « modernisation » se fasse entre économistes, juristes ou spécialistes du numérique, mais « on chercherait en vain où sont passés les communicants. À moins qu’ils n’interviennent qu’ensuite, lorsqu’il leur est demandé de promouvoir les décisions ».
Les incidences sociales et politiques de cette évolution de la communication publique sont importantes : perte de sens, perte du sentiment d’appartenance à une communauté, sentiment de ne plus être écouté, sentiment d’exclusion…
Rappeler le rôle de lien social des services publics
Thierry Libaert donne un conseil aux communicants publics. Au-delà de s’adresser aux publics éloignés du numérique, il faudrait réintroduire le sujet même de la relation dans la communication publique, explique-t-il. La numérisation est invoquée comme une réponse au mécontentement envers les administrations. Or, loin d’être une réponse, la dématérialisation des services publics contribue à ce sentiment de perte de considération, de relation, de proximité. Dans l’objectif de renforcer la cohésion sociale et de lutter contre les populismes, il faut, avant toute préoccupation budgétaire, bien rappeler le rôle de lien social que représentent les services publics auquel la numérisation actuelle ne peut répondre et qu’elle fragilise parfois.