Numérique : comprendre et réduire son impact environnemental
« Nos pratiques du numérique impactent aujourd’hui autant que l’aviation civile. » Lors des dernières Rencontres de la communication numérique, Vincent Courboulay, maître de conférences à l’université de La Rochelle, a invité les communicants publics à prendre conscience de la facture écologique des activités liées à l’usage du numérique. Caroline Grand, directrice de la communication de La Rochelle Université, co-intervenante lors de la conférence, revient sur cette nécessaire prise de conscience et sur les pistes d’amélioration énoncées pour devenir des communicants (encore plus) responsables et accompagner une démarche de sobriété numérique.
Par Caroline Grand, directrice de la communication de La Rochelle Université.
Rencontres nationales de la communication numérique de Cap'Com, Issy-les-Moulineaux, 27 septembre 2019. Dans l’assemblée c’est le coup de massue : nous travaillons pour un secteur d’activité qui, tout au long de sa vie, provoque des catastrophes sociales et environnementales majeures pour la planète, qui émet jusqu'à 6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (autant que l’aviation civile), consomme 10 % de l’électricité mondiale et est en augmentation constante, et qui génère 15 milliards de dollars de profit annuel pour les trafiquants.
La bonne nouvelle dans cet alarmant constat, c’est qu'il existe quelques solutions simples à mettre en place dès maintenant pour réduire l’ensemble de ces impacts. Nous ne pouvons pas nous arrêter de travailler, ni compromettre la possibilité qu’auront nos enfants d’utiliser le numérique demain.
Il est donc encore possible d’ajouter notre pierre à l’édifice d’un monde plus responsable et respectueux de l’environnement. Il suffit de devenir des citoyens et citoyennes numériques responsables. Mais comment le devient-on ?
« On considère que l’activité d’un salarié moyen sur son ordinateur émet autant de CO2 en un an que s’il parcourait 2 500 km en voiture », explique Vincent Courboulay, maître de conférences à La Rochelle Université, chercheur au Laboratoire informatique, image et interaction (L3i). Les chiffres en main, on comprend mieux pourquoi il est urgent de se pencher sur la nécessité d’un usage raisonné du numérique, sobre et responsable.
Placer l'éco-conception au cœur de notre stratégie
En communication publique, nous concevons seul-e-s ou à plusieurs un certain nombre de services numériques : sites internet, newsletters, applications mobiles diverses et variées… Si nous placions systématiquement l’éco-conception au cœur de notre stratégie, elle servirait tous les aspects de nos enjeux. En effet, si en matière d’impact environnemental il est essentiel d’éviter que l’internaute charge sur nos pages toutes sortes de données qu’il n’est pas venu chercher (car son trajet numérique se traduit en émission de CO2) c’est également le cas pour son « user experience ». Ça tombe plutôt bien ! Nous pouvons faire preuve de davantage de vigilance quant à notre hygiène du numérique. Quoi de plus simple que de réduire nos images sur notre site web en png optimisé ? Lorsque nous réfléchissons à l’accessibilité de notre site, nous pensons forcément à son ergonomie, sa performance. Profitons-en pour nous appuyer sur de bonnes pratiques de codage et choisissons soigneusement nos KPI, qui peuvent être environnementaux et RSE.
Évaluer le coût économique, social ou environnemental d'une technologie
Nous devons également disposer d’une bonne connaissance du cycle de vie du numérique pour être en mesure d’évaluer correctement le coût d’une technologie, qu’il soit économique, social ou environnemental.
Lors de la certification au numérique responsable, Vincent Courboulay aborde l’extraction des terres rares et minerais qui transforment des territoires africains en zones de convoitise et de conflits armés. Il évoque également les conditions de travail dans les immenses usines chinoises où sont fabriqués les objets connectés. De quoi avoir envie de se poser quelques questions en matière d’éthique, et de poids social de nos activités.
L’appareil qui consomme le moins, c’est celui qu’on n’achète pas. OK, mais lorsqu’il s’agit de notre outil de travail ? C’est simple : gardons nos appareils le plus longtemps possible. Ne cédons pas à la pression de vouloir en changer tous les dix-huit mois (la moyenne actuelle pour le renouvellement des smartphones). Tous ont une durée de vie bien supérieure à ce qu’on imagine. Aujourd’hui, des professionnels se spécialisent dans le nettoyage et le reconditionnement de ces équipements. Des chercheurs se mobilisent aussi pour lutter contre l’obsolescence programmée et militent pour l’apposition systématique d’un indice de réparabilité sur les produits numériques : smartphones, ordinateurs, téléviseurs, électroménager. Vincent Courboulay, qui est également directeur scientifique de l’Institut du numérique responsable, a fait partie du groupe de travail mis en place par l’État visant à rendre effectif cet indice en 2020. Cet aspect fait partie d’une des mesures phares de la Feuille de route pour une économie circulaire.
Quelques réflexes simples pour alléger considérablement notre impact numérique quotidien, lutter contre l’infobésité et limiter nos consommations d’énergie
- On éteint nos ordinateurs et nos moniteurs la nuit (simple, basique… mais terriblement efficace !).
- On évite les imprimantes individuelles dans les bureaux : on privilégie les imprimantes mutualisées, et en plus c’est bon pour la convivialité !
- On parle à ses voisins et voisines de bureau plutôt que leur adresser des e-mails.
- On se désinscrit de toutes ces newsletters qu’on ne lit pas (privilégier la qualité à la quantité !).
- On ne fait plus dix fois la même requête sur un moteur de recherche pour retomber sur le même site, on l’inscrit en marque-page ou en raccourci ! Cela évite de solliciter les serveurs pour rien !
Enfin, on forme ses équipes au numérique responsable avec l’Institut du numérique responsable et on se fait certifier : c’est bon pour nos collègues car c’est totalement en phase avec un management de proximité bienveillant et humain, c’est bon pour nos usagers et usagères car c’est la garantie d’un support de communication sobre et efficace, c’est bon pour la planète… et ça, maintenant, vous le savez !
Photo d'illustration principale : Pixabay.