Open data : les nouveaux challenges des communicants
L’ouverture des données publiques est désormais la règle pour les collectivités de plus 3 500 habitants. D’ici octobre 2018, elles devront toutes se mettre à l’open data par défaut. Une évolution qui va transformer la place des communicants souvent en première ligne dans ces dispositifs d’ouverture. Explorons le sujet avant les Rencontres de la communication numérique publique des 28 et 29 septembre.
Open data local : où en est-on
L’open data se développe peu à peu dans le secteur territorial. En 2015, environ quatre-vingt-dix collectivités locales étaient engagées dans une démarche d'ouverture de leurs données. Elles seraient 150 aujourd’hui selon Opendata France, l’association nationale qui fédère les acteurs locaux de l’open data : 8 régions, 17 départements, 13 métropoles et de nombreuses villes de petite ou moyenne taille. La plupart mettent leur données à disposition sur un portail open data local (80%, contre 20% sur un portail régional ou national comme www.data.gouv.fr). Côté réutilisation des données, l’association comptabilise 346 applications utilisatrices dont 76 % sont mobiles et 40 appels à projet et hackathons. Parmi les 19 500 jeux de données, 45 % concernent des données géographiques. Une tendance liée à la transposition dans le droit français de la directive INSPIRE qui oblige les autorités publiques à mettre en ligne leurs données géographiques sous format électronique.
L'open data par défaut change la donne
Les nouvelles obligations législatives entrées en vigueur l’an dernier devraient changer la donne dans les prochains mois et impulser un changement d’échelle dans l’open data local. À compter d’octobre 2018, toutes les collectivités et tous les délégataires de service public de plus de 3 500 habitants et employant plus de 50 agents devront avoir ouvert leurs données. Près de 3 800 communes ou EPCI sont concernées par l’application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui rend obligatoire la mise en ligne de documents administratifs, puis, dans un délai de deux ans, toutes les données et bases de données représentant "un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental" (*) de ces administrations. Le droit instaure ainsi le principe de l’ouverture par défaut des données publiques, basculant d’une logique de la demande à celle de l’offre : les citoyens auront désormais accès aux documents sans avoir à en faire la demande.
« Il est certain qu’il y aura un décalage entre cet engagement et ce qui sera réellement pratiqué, notamment du fait de la manière dont les décrets d’application vont encadrer cette loi » explique Samuel Goëta, co-fondateur de Datactivist et auteur d'une thèse sur l'ouverture des données publiques, et qui s'adressera aux communicants publics lors des prochaines rencontres de la communication numérique. « Il y a aussi de nombreuses raisons organisationnelles qui vont freiner l’objectif. De plus, la demande de données n’est pas encore assez exprimée par les associations et les ONG… Or, si on veut arriver à une ouverture des données par défaut, il faudrait que la société civile s’empare de l’open data. », explique-t-il dans une interview à la Gazette des communes. Pour lui, l’open data par défaut ne pourra pas se faire sans médiation numérique sans s’ouvrir à d’autres publics.
Développer la médiation autour des données : un rôle pour les communicants
Pour lui, la société civile et les associations ont trop peu été intégrées dans les politiques d’open data alors qu’on pourrait imaginer un open data de la demande plutôt que de l’offre et « la participation des citoyens à l’élaboration des politiques par la réduction des asymétries d’information. » (**) Pour passer d’une logique de l’offre à une logique de la demande, il faudrait donc disposer d’un public plus informé en développant la médiation autour des données. Et en la matière, le communicant public, au-delà de l’organisation et de la communication autour des évènements open data comme les hackathons, a un nouveau rôle à jouer. En développant la médiation, mais aussi en faisant de la concertation autour de l’ouverture des données. « Dans le cadre de concertations, par exemple sur des projets d’urbanisme, ce serait important que les données brutes de l’administration nourrissent le débat et permettent une vraie contre-expertise citoyenne sur la base des mêmes données. »
Encourager la réutilisation, favoriser l’innovation
« La médiation de données est incontournable pour aider différents publics à s’en saisir et à répandre une culture des données dans d’autres milieux que les techniciens. Par exemple dans l’enseignement supérieur et la recherche, il y a des viviers de réutilisateurs potentiels qui sont rarement ciblés alors que les compétences en matière d’exploitation de données sont là » ajoute Samuel Goëta. Pour le chercheur, le communicant public doit encourager les différents publics à développer des services en favorisant l’innovation ouverte, mais aussi à bâtir des communs en devenant co-producteurs de données, à l’exemple de CartoQuartiers : une cartographie des services de proximité nantais contribuée par tous.
Développer la médiation, bâtir des communs, faire de la concertation et favoriser l’innovation ouverte : le communicant a plusieurs challenges à relever pour exploiter tout le potentiel de l’open data. Un nouveau rôle que Samuel Goëta explorera lors des 9e Rencontres nationales de la communication numérique à Issy les Moulineaux le 28 septembre prochain. En se basant sur les pratiques observées dans les administrations, il mettra en perspective le rôle de la communication dans les dispositifs d’open data.
(*) Selon l’Article L312-1-1 du Code des relations entre le public et l'administration, les administrations concernées doivent publier en ligne les documents administratifs suivants : « 1° Les documents qu'elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre, ainsi que leurs versions mises à jour ; « 2° Les documents qui figurent dans le répertoire mentionné au premier alinéa de l'article L. 322-6 ; « 3° Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu'elles produisent ou qu'elles reçoivent et qui ne font pas l'objet d'une diffusion publique par ailleurs ; « 4° Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. »
(**) Denis J. et Goëta S., 2016, Les facettes de l’open data : émergence, fondements et travail en coulisses, in Big data, entreprises et sciences sociales, (à paraitre), Paris, Collège de France.