Pages de com : La banlieue « sous nos yeux », retour sur l’ouvrage de Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely

Les images de 2023, comme celles de 2005 – et je ne parle pas des images de la télévision, mais de celles que nous découvrons dans les rues de nos communes – ont un effet immédiat : nous pensons crise, urgence, reprise du dialogue. Derrière des élus menacés, agités, des observateurs médusés, auprès des services publics aux abois, les communicants renouent avec les cellules de crise et la gestion des réactions. On pourrait s’étendre sur les règles et principes à appliquer, mais chacun sait où les trouver (toutes les formations et les articles qui ont été proposés depuis des années) et surtout tout le monde sait que c’est par un travail en amont que l’on arrive prêt devant ce genre de situation. Il est donc un peu tard.

Par contre, prendre le temps de chercher ce qui n’a pas été compris, vu, analysé, senti, pour que cet événement prenne cette ampleur – avec cette violence et, il faut bien le dire, cet aspect sociétal, collectif, qui fait que toutes ces villes loin de Nanterre, tous ces quartiers, se sont trouvés à vivre les mêmes épisodes –, est certainement important. Nous devons nous interroger, personnellement, et repasser le fil des évolutions pour mieux nous adapter et éviter de repartir nous-mêmes dans le cercle infernal des incompréhensions et des quiproquos. On sait où cela mène. Et l’on mesure à cet égard à quel point l’enterrement du rapport Borloo sur les banlieues a été néfaste.

Dans cet ouvrage très détaillé, analysant un grand nombre de variables, depuis les tendances consuméristes jusqu’aux évolutions profondes des identités, nous avons une belle source d’information. Dans La France sous nos yeux, c’est en premier lieu le travail des géographes et des statisticiens qui permet de descendre dans les strates qui composent la population de ce pays pour y déceler les courants majeurs, les contre-courants, les modifications, même mineures. Des cartes viennent appuyer le propos. Et nous avons beaucoup à gagner à découvrir, chapitre après chapitre, ce portrait collectif d’une population qui n’est plus celle que l’on croit. Car elle a changé.

Sur la banlieue, décrite dans un chapitre comme étant située entre « boboïsation et ghettoïsation », les auteurs nous donnent de précieux enseignements sur le choc sourd qui se produit, en ce moment, dans les espaces périurbains entre deux types d’habitants aux intérêts divergents. En dépassant la zone « gentrifiée », très intriquée avec le reste des quartiers de relégation, on bascule dans un autre monde. Mais ce livre, finalement, n’était pas une prophétie de ce qui nous arrive aujourd’hui. Pas dans ce chapitre en tout cas. Car, avec ses 15 pages, les auteurs n’ont évidemment pas mis le doigt sur le « problème ». Ce qui est éclairant, c’est que nous retrouvons des éléments, partout dans l’ouvrage, qui nous mènent à ce que nous observons en ce moment.