Pages de com : « La Guerre de l'information » par David Colon

Nous avons un grand plaisir à présenter cet ouvrage, qui date de l’an dernier, parce que l’auteur interviendra lors du Grand angle (GA 3 : « Faire la pédagogie des médias pour lutter contre les infox ») sur ces sujets au Forum Cap’Com de Lille, le jeudi 12 décembre matin. C’est donc l’occasion de préparer ce moment avec un livre très documenté, mené comme une enquête au cœur de la machine à fabriquer de fausses informations dans un but précis : déstabiliser des États, des sociétés, et plus précisément les démocraties les plus stables et les plus abouties.

Au premier abord, nous sommes loin de nos soucis quotidiens de communicants publics, mais le travail de David Colon, déjà auteur de Propagande et des Maîtres de la manipulation, est d’abord et avant tout instructif et éclairant sur notre époque et sur l’espace public de l’information. Ensuite, il revient sur certaines origines insoupçonnées du brouhaha nuisible et orienté que nous constatons dans nos pratiques sans pouvoir prendre autant de recul. Oui, il y a bien un début à tout cela, et ce n’est pas forcément la propagande de papa (celles des années 1930, des fascismes, du communisme – et de la société de consommation naissante avec Edward Bernays). L’auteur fait le point sur des usages qui s’épanouissent après la chute du mur de Berlin, alors que le monde semblait s’ouvrir à un espace commun riche d’informations en libre circulation. Aux États-Unis d’Amérique, notamment, la falsification à des fins d’influence et l’encadrement des journalistes s’organisent. Le tout arrive dans une période où la recherche de rendement met en avant des infos racoleuses et douteuses sans prendre suffisamment de précautions. David Colon titre même « Le journalisme de barratage » après avoir cité Nick Davis : « Le journalisme sans vérification des faits est comme un corps humain sans système immunitaire. »

La construction d’usines à infox

C’est sur ces éléments que vont se construire petit à petit des usines à infox. David Colon note un premier pas, lors de la tragédie du vol MH17 abattu au-dessus d’un territoire séparatiste prorusse en Ukraine le 17 juillet 2014 : 298 morts. D’abord revendiqué par un commandant des forces séparatistes, ce tir sur un avion civil pris pour une cible militaire est très vite traité médiatiquement sur tous les fronts par le Kremlin. Une orchestration et un brouillage dans les règles, tellement puissants qu’on y verra une méthode de déni de l’information. Maintes fois réutilisée depuis. Y compris par la communication officielle des États, qui, en coordination avec les armées de trolls sur les réseaux sociaux, l’influence des reportages orientés et diffusés en streaming, et le renfort bénévole de complotistes, va désormais hausser le ton et devenir agressive dès le départ : la « diplomatie du loup guerrier » (voir page 387). On retrouvera là une des pistes proposées par Arthur Schopenhauer dans son traité L'Art d’avoir toujours raison. On retrouvera d’ailleurs également dans ces lignes un souci de trouver une parade à l’échelle de nos États (et européenne), comme dans le livre de Klimentini Diakomanoli, Fakenews, que fait l’Europe ?, publié avec le soutien de Cap’Com en mai de cette année. David Colon parle de « la fragilité intrinsèque des régimes démocratiques dans la guerre de l’information » (page 405). Après avoir d’ailleurs mis en lumière la situation française, il conclura son ouvrage par la proposition d’adopter « une démarche globale de riposte » avec des solutions concrètes qui pourront se décliner à toutes les échelles.