Quelques repères sociaux pour baliser notre chemin
Un impératif pour concevoir campagnes et messages, c’est de mieux connaître et de mieux comprendre la société. Voici une brassée de faits et de chiffres pour la décrypter quelque peu.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste.
Avec l’État et les départements, les communes sont en première ligne des politiques publiques de solidarité. Une étude pour l’UNCCAS (Union nationale des centres communaux d’action sociale) décrit le regard des Français sur l’action sociale (1). Les priorités (santé, alimentation, éducation), la confiance dans le service public, une certaine insatisfaction sont ainsi identifiées dans ce baromètre. Éclairantes pour nous, les réponses à la question « Quels mots vous viennent à l’esprit ? » dessinent le champ évocatoire de l’action sociale. Outre actions et domaines d’intervention, un ensemble de valeurs apparaît, dont, en tête : égalité, équité, solidarité, partage, fraternité, justice.
Nul n’ignore que les jeunes ne sont pas épargnés par la pauvreté. Mais un dossier de la DREES (Direction des études, de l’évaluation et des statistiques), service commun à quatre ministères, jette une lumière crue sur ce phénomène. « Mesurer le niveau de vie et la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans », tel est l’objectif de cette étude, sous-titrée « Une population particulièrement confrontée à la vulnérabilité économique ». Elle montre qu’1 jeune sur 4 est en situation de pauvreté par ses conditions de vie et qu’1 sur 10 cumule les deux formes de pauvreté, financière et en condition de vie.
Assurer l’égalité des chances est un objectif politique très souvent affiché. Qu’est-ce qui détermine les disparités ? Une réponse est fournie par France Stratégie, institution autonome, placée auprès de la Première ministre, qui contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions. Son étude « Inégalité des chances, ce qui compte le plus » met en relief quel poids le sexe, l’environnement familial (profession des parents, ascendance migratoire) et l’environnement territorial (région et type de territoire) ont sur le niveau de revenu perçu lors de la première partie de la vie active. Principal constat : l’origine sociale est le facteur le plus déterminant.
Non pas dans le champ de la recherche mais dans celui de la contribution au débat public, la lettre ouverte d’ATD Quart Monde s’adresse aux 19 territoires (18 départements et la métropole de Lyon) choisis par le gouvernement pour expérimenter le RSA sous condition. Point saillant de l’interpellation de l’association en direction des présidents de ces collectivités : « Institutionnaliser davantage le conditionnement et les sanctions, c’est accroître l’insécurité et l’inquiétude, intenables au quotidien pour réellement s’en sortir. C’est nourrir la maltraitance institutionnelle qui pousse vers le non-recours aux droits et l’extrême pauvreté. C’est enfin oublier les obligations de l’État et des pouvoirs publics en matière de protection et de respect des droits fondamentaux. »
Les effets de l’inflation sur la consommation des produits alimentaires, on les voit. On peut les mesurer finement avec le baromètre L’ObSoCo (Observatoire Société & Consommation) du pouvoir et des intentions d’achat des Français. Il montre que 44 % des Français disent restreindre leurs dépenses alimentaires pour des raisons financières. Près de 6 sur 10 disent manger moins qu’ils ne le souhaiteraient (32 % parfois, 27 % souvent).
Pour alléger cette chronique, un autre petit repère sur notre société, avec un pas de côté : un papillon (prospectus ou flyer, si vous préférez), trouvé dans ma boîte aux lettres. Accrochez-vous, ça décolle. Titre : « Cabinet d’hypnose et thérapies brèves – Spécialiste en libérations émotionnelles & traumatiques ». Accroche : « Ascension vers soi ». L’envol, carrément. Prestations : « Hypnose, soins énergétiques, décodage des mémoires inconscientes ». Planant, n’est-ce pas ? Ça ne nous concerne pas ? Oh que si, nous qui pouvons être de pauvres professionnels malmenés, frustrés et désireux d’atteindre l’épanouissement dans notre métier. Pas de précipitation : j’ignore si ma voisine peut intervenir pour vous en « distanciel ».
(1) Sondage IFOP pour l’UNCCAS, en partenariat avec Accéo. Échantillon de 1 012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas). Questionnaire auto-administré en ligne les 1er et 2 février 2023.