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Silence, on tire au sort !

Publié le : 21 janvier 2021 à 07:00
Dernière mise à jour : 21 janvier 2021 à 12:07
Par Cécile Staroz

2021 débutait par un long week-end et je trouvais que c’était drôlement bien après cette année 2020 chaotique et confinée. Souvenez-vous, on critiquait déjà la campagne de vaccination contre la covid-19 qui commençait mollement, les chiffres tombaient, minuscules comparés à l’effort attendu, on en riait jaune sur les réseaux sociaux. Et puis la nouvelle s’est affichée sur mon fil Twitter le 4 janvier (un lundi, forcément) : 35 citoyens tirés au sort se pencheraient sur le berceau de la stratégie vaccinale naissante, la suivraient de près et donneraient leurs recommandations, « reflétant les positions en présence au sein de la société française ».

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Par Cécile Staroz, chargée de communication au département du Finistère.
@_falbala

C’était beau.
Limite je n’aurais pas travaillé sur la démocratie participative, ni écrit un mémoire sur le sujet, j’en aurais été bluffée.

Limite si je n’avais pas été moi-même tirée au sort pour participer à l’une des conférences régionales du grand débat il y a deux ans et si je n’avais pas constaté qu’après avoir travaillé avec 100 autres personnes, pour produire une belle liste de recommandations, cela n’avait été suivi d’aucune action concrète, j’aurais pu y croire.

Limite enfin si je n’avais pas suivi le travail de la Convention citoyenne sur le climat et les votes frileux (pour rester polie) du gouvernement sur le sujet, je me serais dit : « Cool ! Enfin on tient compte de l’avis des citoyens. »

Mais non.

Collectif citoyen is the new « Il faut renouer avec la confiance des citoyens »

Certes je comprenais bien que le gouvernement cherchait un traitement efficace contre la défiance des citoyens qui montait depuis des mois et que, tétanisé par les nombreuses attaques des anti-vaccins, il tentait par le biais du collectif citoyen de mieux faire accepter cette campagne de vaccination.

Mais enfin, entre l’urgence de cette vaccination attendue depuis presque un an et le fait que sur ce sujet de santé publique ce soit à l’exécutif de décider, sans frilosité, une stratégie efficace et nécessaire, était-ce bien raisonnable d’en confier les clés à 35 citoyens ?

D’autant plus que la semaine passant nous avons appris que ces 35 citoyens seraient en fait sélectionnés, et non tirés au sort, par un institut de sondage avec un impératif précis : pro-vaccins, anti-vaccins et hésitants dans les mêmes proportions.

De quoi ne pas « sortir de l’auberge » avant un bon moment, voire rester immobiles le temps que durerait la campagne de vaccination, voire donner raison aux anti-vaccins…

De quoi aussi se demander de quelle sorte de démocratie participative on parlait alors qu’un cabinet privé accompagnait le gouvernement sur sa stratégie depuis des mois ?

Un contrat de confiance, pas un outil magique

Les collectivités qui mettent en place des budgets ou des projets participatifs depuis des années (comme Rennes ou Paris) savent que le temps long joue, que travailler avec les citoyens, ce n’est pas juste les réunir trois fois autour de plateaux-repas et puis bye-bye, qu’il faut un accompagnement, un contrat de confiance, des décisions co-construites et que sinon c’est juste de la poudre aux yeux.

C’est exactement ce que j’ai ressenti ce 4 janvier, une déception supplémentaire devant une communication gouvernementale poudre aux yeux, tentant de refiler la patate chaude à 35 citoyens, alors que sur le terrain on attendait de vraies décisions urgentes.

Avis et articles plus ou moins drôles défilaient sur le sujet mais tous reflétaient la même idée : une fois de plus c’était le mauvais choix pour renouer la confiance. Au mieux on en riait, au pire on en pleurait : aurait-on confié à l’époque à 35 citoyens choisis à égalité « pour », « contre » et « bof » le fait de décider sur des sujets aussi graves que l’abrogation de la peine de mort ou la légalisation de l’avortement ?

NB : Au jour où j’écris ce billet, le 13 janvier, la plateforme numérique de consultation du grand public sur la campagne de vaccination qui devait accompagner ce dispositif n’est pas encore ouverte. La première réunion du groupe de travail citoyen doit avoir lieu le 16 janvier, et un bilan est attendu cet été.
NDLR : La plateforme numérique de consultation a été mise en ligne le 15 janvier et le début des travaux est annoncé sur le site du gouvernement depuis le 18 janvier.

NB 2 : Pour en rire intelligemment, la chronique de Tom Villa sur France Inter (à 1 min. 38)