Sur Instagram, collectivité rime avec agilité et interactivité
Certains territoires font feu de tout bois sur Instagram, ce réseau illustré, facile d’accès et bienveillant. Ils mixent avec brio posts institutionnels, belles images, reposts des créations de leurs habitants et bien plus encore. Décryptage des meilleures pratiques des collectivités territoriales sur le premier média social des 16-35 ans.
Beaucoup de collectivités ont saisi l’opportunité stratégique d’Instagram et des fonctionnalités utiles pour interagir avec tous les publics et peaufiner des stratégies éditoriales complètes : carrousels, stories, instameets, vidéos IGTV. L’Observatoire socialmedia des territoires, soutenu par Cap’Com, a œuvré en 2019 pour les distinguer et décrypter les raisons de leur agilité. Retour sur les débats qui ont animé le jury des Hashtags 2019 et les témoignages des lauréats au Forum Cap’Com de Bordeaux.
L’Observatoire socialmedia des territoires est un espace de réflexion et de partage de pratiques de communication des collectivités territoriales sur les réseaux sociaux. Il propose un outil gratuit d’analyse de performance des collectivités sur www.myobservatoire.com. Il est aussi un excellent moyen de constituer son benchmark et d'apprendre des autres.
La belle photo, et bien plus encore
C’est le point d’entrée sur Instagram : diffuser et partager de belles photos cartes postales. Nul besoin de bénéficier d’un patrimoine naturel ou touristique de premier rang : il faut jouer la créativité ou le parti pris esthétique. L’été dernier, on a vu le département de l’Ariège pérégriner sur les routes du Tour de France avec une série de photos plein cadre sur un guidon (voir l'illustration en en-tête de cet article), ou les villes de Versailles et de Thionville exceller dans l’art du triptyque dans le fil de photos (photo ci-dessous).
Johan de Smet, responsable communication de la communauté de communes des Deux Vallées (dans l’Oise), appuie le propos : « Notre territoire est ouvrier et industriel. Passionné de drones, j’ai fédéré la communauté des dronistes pour changer les regards et alimenter le concept “Les Deux Vallées vues du ciel”. »
Mais la belle photo ne suffit pas à la stratégie. L’écueil constaté unanimement est de confondre le compte de la collectivité et celui de l’office de tourisme, s’il existe. Ou bien que ces comptes Instagram ne montrent que de beaux paysages inhabités, déshumanisés. Le compte Instagram d’une collectivité territoriale doit renvoyer à l’institution, aux services et faire œuvre de pédagogie sur les décisions politiques et institutionnelles.
Les lauréats des Hashtags 2019 ont comme point commun que la qualité du traitement esthétique de leurs publications relèvent de la qualité de leur ligne éditoriale. Ils se sont tous distingués par leur performance - quantitative - dans l’outil de l'Observatoire socialmedia des territoires : nombre d’abonnés, portée, activité du compte, engagement. Les lauréats ont été analysés, sélectionnés et récompensés par un jury d’experts sur les critères qualitatifs suivants (par ordre d'importance) :
- sens et objectifs de communication publique
- ligne éditoriale
- esthétique et cohérence visuelle
- stories
- écriture web
- mise en avant des utilisateurs
- animation, conversation
Définir une ligne éditoriale claire
« Il n’y a pas de secret : investir Instagram, ça veut dire une ligne éditoriale solide et un calendrier éditorial resserré », rappelle s’il en est besoin Clémentine Jolion-Macé, social média manager du département de Loire-Atlantique.
Pour Juliette Grinard, directrice de la communication de la communauté de communes Aunis Atlantique : « Pour nous, jeune et petite collectivité, nous devons commencer simplement par exister, développer notre notoriété auprès des habitants. Instagram nous permet de montrer les agents, d’incarner l’intercommunalité. »
À Lille, c’est à l’évidence l’humain qui définit l’intention éditoriale du compte Instagram : les habitants, les bénévoles, les influenceurs, les artistes, les commerçants : quels qu’ils soient, ce sont eux qui animent le compte dans leur spontanéité, leurs poses choisies, leur esthétisme.
La ville et métropole de Rennes expose un autre choix, moins descriptif, comme l’explique Benjamin Teitgen, responsable du service information communication : « Révéler le portrait sensible de la ville, dans son émotion : une ville qui se vit plutôt qu’une ville qui se montre. »
« Il n’y a pas un choix meilleur qu’un autre », conclut Franck Confino, fondateur de l’Observatoire socialmedia des territoires. « Le pire, c’est de ne pas en faire et de papillonner. »
Oser les stories
C’est certainement un des constats les plus partagés du jury des Hashtags : elles sont encore rares, ces collectivités qui osent les stories.
Alors que c’est une véritable entrée de lecture, pour les jeunes en particulier. Et qu’Instagram permet de s’affranchir des 24 heures de durée de vie des stories grâce aux stories highlights – ou stories à la une.
Belle démonstration du département des Bouches-du-Rhône, qui en fait une entrée thématisée et d’actualité.
« Certes, concède Juliette Grinard, il faut accepter d’oser insérer le petit cochon en tutu Instagram. Mais blague à part, les agents sont plus enclins à apparaître dans des stories temporaires et apprécient cette valorisation de leur action. »
C’est aussi un bon moyen pour faire vivre des projets dans le temps, même quand on n’a pas de belles photos : montrer la progression dans la construction d’un gymnase par exemple.
À Rennes, on accorde même un rôle à part des stories : parties intégrantes du dispositif global d’information, elles donnent à voir l’actualité des politiques publiques de la ville et de la métropole.
Maîtriser le repost
Les collectivités font la part belle aux instagrameurs locaux, premières sources de photos soignées. Alors, repost ou pas repost ?
Le repost consiste en une capture de la photo d’un tiers et sa republication – en général par une appli tierce car Instagram ne propose pas de fonctionnalité native de partage.
Prendre soin d’établir un contact personnel avec l’auteur avant tout partage n’apportera que des avantages :
- d’abord, la création d’un hashtag spécifique – #maloireatlantique, #jaimemacon, #hautesavoiExperience et des dizaines d’autres – permet de retrouver facilement des photos de passionnés ;
- ensuite, un message personnel à l’instagrameur permet de s’assurer de l’autorisation de partage et aussi d’établir un contact plus personnel et bénéfique : pour obtenir des photos complémentaires ou en haute définition, pour identifier des influenceurs locaux ;
- le repost permet de rester maître de ses angles de publication et de sa charte graphique, d’ajouter les hashtags pertinents, de susciter l’engagement et de répondre aux commentaires.
Aller à la rencontre du public : les instameets
Le jeu concours : encore un moyen d’animer et de valoriser sa communauté. Et pourquoi pas pousser l’exercice pour rencontrer sa communauté et partager avec elle des temps « in real life ». L’instameet, c’est le nom donné à ces rendez-vous collectifs de passionnés d’Instagram.
Au département de Loire-Atlantique, ces rencontres s’organisent avec le même niveau d’exigence que l’accueil presse. De manière plus simple peut-être, plus spontanée : « Ça demande du temps, surtout. Mais pas beaucoup d’argent : on partage un jus de pomme et on ouvre des lieux peu accessibles », explique Clémentine Jolion-Macé. « Ça nous permet de récolter beaucoup de belles photos, de stories. »
Sortir d’Instagram, multiplier les formes
Au fond, ces efforts sur Instagram doivent permettre d’emmener sa communauté ailleurs. Ou de la valoriser au-delà d’Instagram, dans une dématrche globale auprès d'acteurs et d'ambassadeurs. En bref, de savoir mener une communication cross-média pour le lien qu'elle crée au-delà des supports.
La ville de Metz consacre une page de son magazine mensuel à trois photos d’instagrameurs. Ce qui lui permet d’élargir l’audience de son hashtag #jaimemetz et de valoriser au-delà d'Instagram les talents de ses passionnés de photos.
L’agglo de Cergy-Pontoise va même jusqu’à éditer un livre qui recense les publications sur Facebook, Twitter et Instagram : « Je vais offrir ce livre à l’exécutif de l’agglo », explique Stéphane Tixier, son directeur de la communication. « Il faut faire sortir les réseaux sociaux du monde de l’invisible pour nos élus et nos comités de direction. C’est le meilleur moyen pour les sensibiliser, valoriser le bénéfice de nos actions sur les réseaux sociaux et obtenir leur confiance. »