Transition écologique : ça bouge dans les médias
Ce n’est pas (encore) une lame de fond, ni une simple vaguelette, mais le mouvement est en cours.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste.
Dans quelle mesure les médias prennent-il en compte vraiment, complètement, la crise climatique ? En tout cas, l’attente des Français est patente. 80 % d’entre eux considèrent qu’être bien informé sur l’environnement est une priorité. Ils pensent que les médias influencent les comportements responsables (à 24 %, derrière les municipalités à 26 %), mais qu’ils sont très faiblement légitimes (12%), loin derrière les scientifiques, l’État, les services publics, les municipalités, les ONG et les associations. Pour à peine 52 % des Français (31 % pour les 18-24 ans), les questions environnementales sont suffisamment traitées dans les médias. Ils attendent que les médias les accompagnent avec conseils et exemples concrets, autre indication précisée dans cette enquête Sociovision (Ifop) pour le groupe TF1, utile pour les communicants publics.
Des initiatives fleurissent
Dans un système médiatique en mouvement, mais aussi en stagnation, des initiatives fleurissent. Ainsi, Les Echos, l’influent quotidien économique, va lancer un nouveau média sur la transition écologique. Membre du même groupe de presse, Le Parisien publie chaque semaine des « solutions innovantes qui vous connectent sur la transition écologique », avec des « contenus proposés par Enedis », ce qui oriente nécessairement l’offre d’informations. Dans le même mouvement, France 2 a étoffé son suivi du temps qu’il fait avec une rubrique « Météo - Climat » qui permet, avec reportages ou interviews, de lier… et de distinguer les deux phénomènes.
La prise de conscience atteint les journalistes. Le signal le plus fort a été donné par la « charte pour un journaliste à hauteur de l’urgence écologique ». Lancée en mars par Vert.éco, activée par la journaliste pousse-idées Anne-Sophie Novel et d’autres professionnels, elle énonce une série de treize pratiques professionnelles de belle exigence. Elle a été signée par 1 500 journaliste et par plusieurs dizaines de rédactions et organisations. Quelles seront les retombées réelles ? Anne-Sophie Novel est lucide : « Les journalistes font comme ils peuvent. On ne leur demande pas être exemplaires. » Mais optimiste : « La charte doit devenir intemporelle. »
D’autres innovations vont dans le même sens, dans sensibilisation ou la formation, comme le riche site Conseils de journalistes ou le master 2 (à distance) créé par l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et l’ESJ Lille.
Comment s’y prendre ?
Une question de fond émerge : comment s’y prendre ? La situation (l’urgence écologique) et la réponse (la transition écologique) concernent un grand nombre de sujets, donc de rubriques, de même que, dans une collectivité, elles renvoient à un grand nombre de politiques publiques (énergie, mobilités, urbanisme, logement, alimentation, économie, etc.). L’influent Jean-Marc Jancovici identifie deux approches : « augmenter l’espace de la rubrique environnement » et « augmenter l’angle ‘’environnement’’ au sein des autres thèmes traités par le média ».
La première méthode est pragmatique, la seconde ambitieuse et volontariste. Elle est aussi à la hauteur d’enjeux d’une acuité, d’une ampleur et d’un caractère décisif, tout autres que les actions habituelles. Jean-Marc Jancovici souligne que mettre partout le traitement d’un sujet qui est partout assure une pertinente transversalité. Autre argument : « Elle permet d’aller chercher les gens là où ils sont ».
Nous le savons bien. La transition écologique… et sociale est l’enjeu le plus complexe, le plus déterminant de notre époque. Nous le savons aussi : il donne la mesure des responsabilités, actuelles et futures, des communicants publics, pour leur part. Leur propre et seule part.