Une incroyable découverte : « l’humain »
De partout, émerge la même constatation. Bouleversera-t-elle notre vision et nos pratiques ?
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste.
C’est un honneur et un plaisir, chères lectrices et chers lecteurs, de vous dévoiler un des plus stupéfiants, un des plus prodigieux phénomènes qui soient, de vous offrir une lumière dans l’obscurité que nous traversons parfois : l’humain. Oui, nous devons prendre en compte « l’humain ». Je vous devine secoués, presque dévastés par cette révélation. J’espère, toutefois, qu’elle ne va pas vous plonger dans des affres sur votre futur parcours professionnel.
Évitons tout malentendu avec cette précision immédiate : « l’humain », ce n’est pas que les hommes. C’est aussi les femmes, bien sûr. J’en devine certaines qui tiquent. Mais dire « Prenons en compte le féminin » nous entraînerait loin de notre propos…
Tir groupé
Invitations, recommandations, exhortations pleuvent. Par exemple, dans notre univers professionnel. Ainsi, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, souligne, au sujet du « dernier kilomètre des politiques publiques », qu’il faut « remettre l’humain au centre du service public ». Il en est de même au sein de Cap’Com.
Tir groupé, récemment, dans Point commun. Didier Rigaud-Dubaa décrypte les tendances de la presse territoriale : « L’humain et la proximité, angles territoriaux plébiscités. » Nastassja Korichi rend compte des Rencontres du marketing territorial et de l’identité des territoires : « L’humain au cœur des démarches pour des expériences sensibles. » Yves Charmont, le délégué général de Cap’Com lui-même, quand il présente le prochain Forum, annonce « un programme tourné vers l’humain et le collectif ».
Ces trois remarques ne sont pas des piques. Enfin, à peine… Je ne me gausse pas de mes voisins de rubrique, ni ne raille l’équipe de Cap’Com qui me donne toute liberté en m’accueillant dans Point commun. Mais j’entends identifier ainsi une situation qui dépasse l’anecdote.
Constatons que les palpeurs de Cap’Com fonctionnent bien. Nul n’échappe complètement, sinon à de fugaces effets de mode, à d’éphémères engouements, en tout cas à un certain mimétisme. Nous devons aller au-delà : capter l’air du temps, saisir une tendance, mieux encore, repérer un enjeu actuel, un impératif émergent. Du moins le tenter. Ce mélange de flair et d’analyse est une part de notre métier.
De chair et de sang
Alors, « l’humain » ? C’est le contraire d’inhumain, de déshumanisé : la froideur administrative et technocratique, l’épreuve d’une démarche en ligne, le discours surplombant dit sur un ton faussement patelin, le ton comminatoire des consignes de tri, de circulation, de consommation d’eau, la campagne aussi belle qu’incompréhensible par la plupart de ses destinataires, la primauté, absolue, aveugle… inhumaine, du règlement, de la procédure. Tout simplement, c’est oublier que nous nous adressons, non pas à des « administrés » anonymes, ni à des « cibles » marketées, mais à des personnes de chair et de sang, de pensées et de sentiments. Bref, c’est une forme particulière, concrète, pour donner vie à la « proximité ». Voir ma précédente déambulation dans les mots.
Si l’on croit l’objectif qui nous est répété, nous aurions laissé l’humain de côté. Je ne le pense pas. La volonté et la capacité de tisser des liens, respectueux et respectables, avec les publics, les personnes qui les composent, nous animent, elles sont la raison d’être de notre engagement professionnel. Alors, pas de découverte soudaine de l’humain, pas de révélation saisissante, mais le salutaire rappel, presque banal, de notre… cœur… de métier.