L'histoire de la communication publique en France
Cinq tableaux de la communication publique locale présentés par Bernard Deljarrie
La communication des collectivités locales est chose récente. S’il fallait situer la naissance, on pourrait la dater des élections municipales de 1977 et des lois de décentralisation de 1981. Car l’essor de la communication des grandes villes, des départements et des régions, est liée à la nouvelle vague d'élus et à cette profonde réforme institutionnelle.
Longtemps la communication des communes s’est limitée à l’édition d’un bulletin plus ou moins régulier. C’est à partir des années 1870 que ce support de communication municipal nait véritablement avec la publication de bulletin qui rompent avec les procès verbaux des conseils municipaux. Grenoble, Rouen ou Amiens sont parmi les premières villes à se doter d’une publication régulière. Puis, avec la loi municipale de 1884, qui pose les principes de l’organisation et des attributions des communes, de nombreuses municipalités suivent le mouvement comme Clermont-Ferrand, Lyon, Saint-Étienne, Montpellier, Tours, Béziers, Caen, Lorient, Nevers, Poitiers, Rennes. Paris se dote d’un bulletin municipal quotidien en juillet 1882. Mais il faut attendre les années 30 pour voir ces bulletins s’ouvrir à des articles journalistiques qui rendent compte de débats ou de l’actualité sur le territoire. Le bulletin municipal de Marseille, entre 1935 et 1939, se distingue en ce sens.
Pour retracer l’histoire récente de la communication publique locale, il est donc proposé de la présenter en grandes périodes décennales. La décennie avant la décentralisation, celle des « précurseurs » comme aimait le dire Rodolphe Pesce, ancien maire de Valence. La folle décennie publicitaire naît des libertés données par les lois de 1982. Les années 90 recentrées sur la gestion. Puis avec les années 2000, une période d’interrogation sur fond de crise du politique et d’invasion communicationnelle. Enfin les première décennie des années 2000 et leurs bouleversements sous les effets des reformes institutionnelles et de la situation économique.
Le temps des précurseurs : les années 1970
Nous sommes peu après mai 1968. Le mouvement social a mis sur le devant de la scène de nouvelles revendications : une meilleure qualité de vie, une plus grande liberté de l’information, la recherche de nouvelles formes de démocratie directe. La participation des habitants et la démocratie locale sont des sujets largement débattus par les politiques et qui ont eu leur place dans les débats sur la réforme institutionnelle proposée par le référendum d’avril 1969 sur la régionalisation.
C’est dans ce contexte qu’une nouvelle génération de maires est élue lors des municipales de 1971 et surtout lors de celles de 1977 qui voient de nouveaux élus de gauche s’installer aux commandes de nombreuses grandes villes.
La priorité de l’action municipale est alors aux grands équipements et à l’intégration de nouvelles populations, l’exode rural faisant pousser les banlieues. Puis, à partir de 1975, les élus sont confrontés aux conséquences de la crise économique, le million de chômeurs est atteint en 1977. Mais dans le même temps, les élus découvrent l’émergence de contre-pouvoirs locaux. Des groupes de citoyens s’organisent, s’investissent dans l’action municipale et portent parfois la contradiction aux élus comme le font alors les Groupes d’Action Municipale (GAM). Les mouvements associatifs d’éducation populaire deviennent des interlocuteurs obligés des élus et les premières associations de quartier apparaissent et revendiquent leur place dans les choix municipaux.
Certains élus, comme Hubert Dubedout, maire de Grenoble, placent alors au centre de l’action municipale la volonté de faire participer les habitants à la construction de leur ville. Cette participation passe prioritairement par une meilleure information municipale et s’appuie sur des relais associatifs forts.
Les premiers services de communication dans des villes apparaissent dans ces années, plus souvent dans les communes socialistes qu’ailleurs. Les journaux municipaux évoluent alors rapidement. D’anciens journalistes de la presse locale intègrent les services municipaux et transforment les bulletins en magazines d’information. La communication écrite devient une nouvelle préoccupation portée par les élus. Mais, dans la plupart des communes, la communication commence et s’arrête au magazine municipal.
Les élections municpales de mars 1977 consacrent une large victoire à l'Union de la Gauche qui remporte 2/3 des villes de plus de 30000 habitants. Les nouveaux élus se dotent de services de communication pour assurer une meilleure information des habitants. Ce souci se traduit aussi au plan législatif par le vote de la loi du 17 juillet 1978. Elle pose les bases d’un droit général à l’information des citoyens en permettant aux habitants d’avoir accès aux documents administratifs émanant des collectivités locales.
Toutefois, dans l’ensemble, les pratiques restent modestes et les budgets consacrés à la communication particulièrement faibles.
Le temps de la pub : les années 1980
Les lois de décentralisation vont transformer la communication locale. Deux nouvelles collectivités locales, le département et surtout la région, vont émerger. Le département prend alors en charge des compétences sociales importantes. La région, qui n’était depuis 1972 qu’un simple établissement public, accède au rang de collectivité locale avec les lois de 1982 et les élections régionales de 1986. Très rapidement ces « nouvelles » collectivités vont éprouver le besoin de se faire connaître. L’enchevêtrement des compétences entre les trois niveaux de collectivités locales va aussi créer un besoin de communiquer. Chaque échelon souhaitant faire reconnaître son action ou valoriser sa participation. Le mouvement de décentralisation stimule aussi la concurrence entre les collectivités. Les nouvelles régions rivalisent entre elles pour apparaître comme la meilleure terre d’accueil pour les entreprises comme pour les touristes.
En 1981 se constitue l'association Collectivités locales et communication, qui donnera naissance au Forum Cap'Com en 1988.
Porté par la première association de communicants publics et soutenu à l'origine par la ville de Valence et le Conseil général de la Drôme, le Forum de la communication publique est à ses débuts qu'un salon professionnel où les agences de communication rencontrent leurs clients des collectivités locales ou des ministères. Mais rapidement, avec l'implication croissante de l'association, le salon devient davantage un lieu et un temps de réflexion et de débats reflétant les enjeux qui envahissent les communicants à l'aube des années 90.
Il va alors s’agir de savoir vendre l’institution locale, la ville, le département, la région et de savoir valoriser son territoire. En matière de communication, c’est l’institution qui occupe alors le devant de la scène. La communication s’adresse d’abord aux habitants, auprès desquels elle doit construire le sentiment identitaire. Mais la cible est rapidement plus large, il s’agit de convaincre les acteurs économiques, voire les populations n’habitant pas la collectivité locale, des atouts d’un territoire. Une nouvelle dimension de la communication locale apparaît alors. Cette volonté de communiquer baigne dans un contexte favorable, celui très publiphile des années quatre-vingt.
C’est l’époque des Jacques Séguela, Bernard Brochand ou Maurice Levy, nouveaux grands maîtres de la publicité qui révolutionnent la réclame en explorant le registre de l’émotion ou de la provocation. En 1981 la campagne « demain j’enlève le haut » et « le bas » de Philippe Michel marque les esprits et l’époque. La communication s’installe dans la société. Les dépenses de communication des entreprises explosent littéralement. Le phénomène touche aussi la vie politique. Les campagnes publicitaires des élections présidentielles de 1981 – « la force tranquille » – marquent l’introduction de la publicité dans le champ politique.
C’est en 1986 que la publicité politique manque d’être autorisée à la télévision. Aux élections municipales de 1983 et plus encore à celles de 1989, les candidats s’emparent des techniques de la « pub » et s’entourent de publicitaires. Dans le même temps l’État développe de grandes campagnes publicitaires sur les questions de société comme la prévention routière, la sécurité domestique ou encore sur l’utilisation du préservatif.
Pour les collectivités locales, la grande communication publicitaire devient rapidement un modèle envié. Les Lois Defferre, en donnant une certaine autonomie budgétaire aux collectivités locales, rendront aussi plus aisé le basculement du secteur local dans la vague publicitaire en permettant un gonflement des dépenses de communication. En 1988, 95 % des communes de plus de 30 000 habitants disposent d’un service de la communication et plus d’un tiers d’entre elles l’ont doté d’un budget spécifique.
Villes, départements, régions se lancent alors dans la communication spectacle. Souvenons-nous de « Montpellier l’entreprenante » puis « la surdouée » (1982, Georges Frêche). « Toulouse, pour changer d’air » (1983, Dominique Baudis). « Europe des cerveaux, Lyon crâne ! » (1988, Michel Noir). « La performance à son département : les Hauts-de-Seine » (1987). « L’enfer du Nord » (Nord-Pas-de-Calais, 1984).
Grenoble, par exemple, avec l’arrivée à sa tête d’Alain Carignon, en mars 1983, se lance dans une communication publicitaire tous azimuts. Affiches et pages de publicité dans la presse régionale vantent, en 1986, les actions à mi-mandat du nouveau maire. Dans cette campagne « Grenoble marque des points », comme l’expliquait le directeur de l’agence qui l’a conçue, « nous avons eu l’idée de rapprocher ce qui allait être annoncé à la promesse. Indiquer que l’équipe travaillait et que la ville marquait des points ne paraît pas relever de la propagande ».
Le message publicitaire a surtout vocation à aider une collectivité à être reconnue tant par ses habitants qu’à l’extérieur.
Michel Giraud, président de l'Association des maires de France en 1989
Cette volonté de construire une reconnaissance s’accompagne du mouvement de création des logos de collectivités locales. En quelques années, la plupart des villes, des départements et des régions, vont faire appel à des agences pour créer leur logo et établir leur charte graphique. Les professionnels de la pub deviennent des collaborateurs réguliers des élus locaux ; les agences de communication sont sollicitées pour les campagnes des collectivités locales. Mais ceci n’empêche pas les services de communication des collectivités de s’étoffer. « Le message publicitaire a surtout vocation à aider une collectivité à être reconnue tant par ses habitants qu’à l’extérieur. Or l’identité mène à la conscience, qui inspire le civisme. C’est dans ce cadre que doit se situer l’action des publicitaires», explique en 1989 Michel Giraud, président de l’Association des maires de France.
La naissance, en 1988, de Cap’Com, le Forum de la communication publique, qui s’adresse aux directeurs de la communication des collectivités locales, révèle l’ambiance communicante de l’époque. Soutenu par la ville de Valence et le conseil général de la Drôme, Cap’Com est alors un salon où les agences de communication rencontrent leurs clients des collectivités locales. Mais rapidement, Cap’Com devient davantage un lieu de réflexion et de débats reflétant les doutes qui envahissent les communicants des collectivités locales à l’aube des années 90. En 1993, Cap’Com abandonne l’aspect salon pour se recentrer sur les débats qui portent, cette année là, sur « le renouveau de la citoyenneté, sur l’éthique de la profession » ou encore sur « la fin du marketing politique »
Le temps de la gestion : les années 1990
Les années quatre-vingt-dix voient la décrue de la communication des collectivités locales. Le contexte économique et social change et l’engouement pour la communication chute au regard des résultats. La situation financière des collectivités locales s’avère moins bonne en ce début des années 90. Bien qu’elles aient largement augmenté leurs impôts locaux les années précédentes, les collectivités locales souffrent de recettes économiques stagnantes et d’un endettement élevé. L’ambiance n’est plus à la dépense inutile. Dans le même temps, la révélation des affaires, dont celles de la ville de Paris, commence à entacher les discours des élus qui freinent, dès lors, la communication de leur collectivité.
La loi va sanctionner les dérives de communication locale des années précédentes. En 5 ans, de 1990 à1995, la communication des collectivités locales va connaître un cadrage juridique impressionnant. La loi du 15 janvier 1990 va distinguer la communication institutionnelle des collectivités locales de la communication électorale des candidats. Cette loi, votée sous le gouvernement Rocard dans une ambiance houleuse due à l’amnistie des élus qu’elle permettait, limite les dépenses électorales, instaure un financement mais aussi un contrôle de la communication électorale ce qui va, par ricochet, définir le cadre de la communication des collectivités locales.
- La loi du 6 février 1992, dite loi ATR ou loi Joxe (du nom du ministre de l’Intérieur), crée de nouveaux outils de participation des habitants à la vie locale. Dans ce cadre, elle renforce la loi de 1978 en garantissant l’information des citoyens sur les décisions des instances locales notamment au niveau intercommunal et en matière financière.
- La loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, va profondément modifier les relations entre les collectivités locales et leurs prestataires privés. Présentée par le Gouvernement Bérégovoy dans le but de lutter contre la corruption des élus, ce texte instaure une certaine transparence des prix et des pratiques entre les collectivités et les agences de communication.
- La loi de décembre 1994, en définissant le statut des personnels chargés de la communication territoriale, va progressivement limiter la confusion qui régnait entre les professionnels des collectivités et ceux qui sont attachés à la carrière politique de leurs élus. La loi de 1995, en mettant un frein aux rapports financiers entre la politique et les entreprises, va conforter les textes de 1990. Voté dans le contexte des affaires mettant en cause les plus grands responsables politiques, ce texte pousse surtout les élus locaux à être plus attentifs et plus modestes dans la communication de leur collectivité.
Les années 90 voient donc la communication des collectivités locales se recentrer sur la valorisation concrète des services locaux aux publics. La communication identitaire cède la place à une communication pratique de proximité. La gestion est alors la priorité de l’action locale, les élus se veulent moins des hommes politiques que de bons gestionnaires qui se préoccupent d’abord du quotidien de leurs habitants. La communication devient donc l’instrument par lequel il est possible de démontrer aux citoyens que la collectivité dispose des meilleurs services, avec des personnels disponibles et efficaces, et que tout cela est géré au mieux par leurs élus. D’une certaine manière, la communication se recentre sur l’explication, sur la pédagogie et vise d’abord à rendre plus lisible l’action publique.
Les services municipaux sont placés au centre de la communication. La proximité devient le maître mot de la communication locale, un mot que l’on verra apparaître, 10 ans après, dans le discours du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui était alors, comme élu local et comme spécialiste de la communication, l’un des initiateurs de ce nouveau positionnement de la communication publique. « En 1993, expliquait la directrice générale des services au public de la ville de Sotteville-lès-rouen, il fallait restaurer la lisibilité, rassurer et se préoccuper davantage du quotidien des habitants. Une longue réflexion et des remises en cause s’opèrent alors. Dès lors la communication ne fait plus seulement qu’accompagner les actions, elle en vérifie la lisibilité et l’adéquation aux attentes des habitants ». L’unité de la communication souffre quelque peu de ce nouveau positionnement. Certains services de communication éclatent pour rechercher une proximité plus forte dans le service aux habitants. D’autres deviennent de simples outils techniques, prestataires professionnels des différents services des villes mais sans maîtrise de la cohérence voire de l’identité.
Dans le même temps, la communication financière fait son apparition dans le champ des collectivités locales. Avant les années 90, la notion de « communication financière » n’appartenait pas encore à l’univers local. C’était alors un art exclusivement pratiqué par des entreprises. La communication financière était déjà devenue à cette époque, pour le secteur privé, un enjeu majeur, sous la pression d’actionnaires de plus en plus exigeants. Largement absente des lois de décentralisation, il faut attendre que se posent les premiers problèmes financiers des collectivités pour voir émerger une vraie réflexion sur la communication financière. En 1992, le feuilleton d’Angoulême venait de défrayer la chronique. En déclarant sa ville en faillite, le maire avait alors mis sur le devant de la scène médiatique des préoccupations de gestion et de transparence financière. L’affaire d’Angoulême a fait naître la nécessité d’une information financière à la hauteur des compétences exercées par les collectivités. Élus et responsables locaux se saisissent alors de cette nouvelle question.
En novembre 1991, Cap’Com organise pour la première fois un débat sur« les premiers actes de la communication financière ». Fin 1991, les Rencontres financières des décideurs locaux, organisées par le Crédit local de France et Le Courrier des maires, consacrent une partie de leur programme à « la communication sur les finances locales : une obligation nouvelle ». La loi du 6 février 1992 répond en partie à cette attente en créant l’obligation d’information sur les ratios financiers et en instaurant le débat d’orientation budgétaire. Cette même année, la communauté urbaine de Lyon publie le premier rapport annuel d’une collectivité locale. En 1994, sont lancés les Rubans de la communication financière des collectivités locales par l’Association des maires de France et le Crédit local de France. Les prix récompensent les premières actions de communication financière menées à partir de 1993. Enfin, c’est aussi au début des années 90, que quelques grandes collectivités locales découvrent l’exigence d’information des marchés financiers et les effets de leur notation par les grandes agences financières.
Le développement de la communication financière répond parfaitement au nouveau positionnement gestionnaire des élus locaux. C’est aussi le cas de la communication sur la collecte sélective des déchets ménagers, pour laquelle les communes vont s’investir fortement dans les années 1998-2002. En effet, la loi du 15 janvier 1975, modifiée en 1992, donne comme objectif aux collectivités locales d’organiser la collecte sélective avant juillet 2002.
En quelques années, ce sont 24 000 communes qui mettent en place d’importants plans de communication sur la collecte sélective avec l’appui des financements d’Eco Emballage qui apporte environ 1,5 euro par habitant pour la communication. De nombreux élus comprennent alors l’intérêt d’une communication de proximité sur le tri sélectif à une époque où les citoyens se déclarent particulièrement préoccupés par l’environnement et le cadre de vie de leur commune. La communication des communes sur le tri sélectif s’exprime « au plus près des habitants ». Les outils, parfois conçus par Eco Emballage – guide du tri, affiches –, sont centrés sur les aspects les plus concrets et les plus pratiques. C’est une communication par la preuve portée par les ambassadeurs en relation orale avec les habitants. Cette communication renforce l’image gestionnaire des communes appelées, aux cotés d’organismes professionnels et dans le cadre de grandes campagnes publiques, à mettre en place et à gérer un service nouveau.
Les années 90 sont aussi marquées par l’arrivée, progressive et sans engouement excessif, des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le monde des collectivités locales. Au début des années 80, avec la mise en place du Plan câble, les villes développent des projets télévisuels. Mais les démarrages sont lents en raison notamment du niveau élevé des investissements qui nécessitent des montages financiers complexes entre les collectivités et les opérateurs de câble. Fin1999, une centaine de télévisions locales existe, mais sous ce vocable les chaînes locales sont très différentes. Certaines télévisions émettent quelques minutes par jour. D’autres sont de véritables chaînes locales qui comptent en partie sur des ressources publicitaires.
Quoiqu’il en soit, le rôle des collectivités locales reste central dans l’économie d’une télévision locale en l’absence de fonds de soutien qui limite la possibilité de chaînes associatives. En août 2001, un nouveau cadre législatif est donné aux télévisions locales dont la mission de service public est reconnue et l’intervention des collectivités locales clarifiée. 32 chaînes locales nouvelles sont nées depuis l’an 2000 et le phénomène pourrait s’accélérer, notamment porté par les agglomérations.
La fin des années 90 voit aussi l’appropriation d’internet par les collectivités. En quelques années, les villes vont s’équiper de sites internet même s’il s’agit encore de présentations statiques des services et des équipes de la commune. Dans le même temps, la gestion des outils internet passe au sein des collectivités locales, des services informatiques aux responsables de communication. Et progressivement l’outil se décentralise dans l’ensemble des services et acquiert même, dans certaines agglomérations, une dimension intercommunale. La progression conjointe de la couverture ADSL et de la maîtrise de l’outil informatique va permettre dans les années 2000 un développement rapide de l’ensemble des outils liés à internet : l’usage interne de la messagerie électronique achève de se banaliser et les sites de collectivités locales se perfectionne et offrent des services en ligne. L’usage d’internet dans la campagne des municipales de 2008, conduit les nouvelles équipes municipales à s’investir davantage dans les nouvelles technologies et en tester de nouveaux usages comme les blogs territoriaux, précurseurs des réseaux sociaux.
Le temps des territoires durables : les années 2000
À l’aube du 21 siècle, la communication des collectivités locales s’engage sans complexe dans l’avenir. La place de la communication est alors faite au sein du monde local et peu nombreux sont ceux qui la rejettent. Les élus ont assimilé la coupure entre leur communication et celle de l’institution locale qu’ils gèrent. Les équipes de communicants se sont professionnalisées. Les outils de communication, notamment les bulletins municipaux, ont gagné en qualité et les nouvelles technologies sont progressivement domptées. La communication sur les réalisations et sur la gestion est compétée, par la communication identitaire et la promotion du territoire.
Mais dans les années 2000, les territoires semblent craindre un mouvement de reconfiguration avec l’acte II de la décentralisation du gouvernement Raffarin et la réforme territoriale lancée pas la présidence Sarkozy. Mais il faudra attendre la décennie suivant pour que s’engage, sous les coups de la crise des moyens publics, des reformes conduites par le nouveau président, François Hollande.
En 2003, le gouvernement Raffarin adopte plusieurs textes qui sont présentés comme l’Acte II de la décentralisation et qui comprennent la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003. Ces textes élargissent les responsabilités des collectivités et leur reconnaît notamment un droit à expérimentation. Elle renforce leur autonomie financière et aborde la démocratie locale en encadrant le droit accordé aux collectivités locales d’organiser des référendums décisionnels et le droit de pétition pour les électeurs.
L’accroissement des compétences, le droit d’expérimentation et la plus grande autonomie financière font renaître le besoin d’une communication territoriale. Mais le temps des slogans et des campagnes de pub semble pour un temps terminé. Comme l’exprimait alors le maire de Paris, Bertrand Delanoé, « ce que j’ai appris dans la communication c’est qu’on ne vend que ce qu’on a ». Et c’est sur cela que se construisent des stratégies de développement, plus que d’image.
La communication des territoires s’élaborent souvent autour de l’impératif du développement durable. L’investissement des collectivités locales en ce domaine est important. Sans attendre le Grenelle de l’environnement de 2007, elles ont cherché à sensibiliser les habitants et ont réorienté leurs politiques. La communication des collectivités locales prend alors une place modeste mais essentielle dans le développement durable des territoires. Modeste, car la communication doit privilégier le travail en réseau avec les différents acteurs, essentielle car il faut mobiliser, faire évoluer des comportements et partager un nouveau mode de vie.
« Renouer le dialogue avec les habitants ». Après les élections municipales de mars 2008, qui ont enregistré un record dans l’abstention (33 % au premier tour), les élus en appellent à la communication pour rétablir un lien civique avec les citoyens qui désertent la vie publique comme la vie municipale. La solution toute trouvée semble tenir en un concept à la mode depuis quelques années, « la proximité».
Services de proximité, police de proximité, démocratie de proximité… et communication de proximité. En quelques années ce mot a imprégné les discours autour des politiques publiques et la communication locale doit désormais se plier à cette nouvelle pensée. Mais la proximité n’est pas forcément synonyme de lien civique, de débats publics, d’innovations démocratiques. Ce n’est que trop souvent l’espoir, pour le pouvoir local, d’entrer dans un rapport direct avec les habitants, une sorte de démocratie d’opinion qui le conforte dans son rôle traditionnel. D’un côté, la communication exprime sa volonté de contribuer à la nécessaire implication des citoyens dans les choix locaux et souhaite participer à la reconstruction du lien social en portant aussi la parole de la société civile. De l’autre, elle est contrainte par les limites que lui imposent certains élus soucieux de ne pas remettre en cause la conception monarchique du pouvoir local.
La crise de la représentation politique et le fossé qui s’est creusé entre les citoyens et ceux qui les représentent, ne laissent pas indifférents les communicants publics. Les Forums Cap’Com de Saint Etienne en 2009 et de Reims en 2010, abordent la question de la confiance en ces termes : « Il faut inventer une nouvelle forme de démocratie plus interactive. En ce sens, la communication ne doit pas se limiter à la transmission d’un message mais doit s’attacher à faire remonter de manière permanente les attentes des citoyens. La démocratie se construit comme un mouvement permanent qui s’affirme moins dans la perfection du processus électoral que dans la démultiplication des formes d’expression des citoyens ».
Le temps des mutations : les années 2010
Au début des années 2010, les réformes institutionnelles et les effets de la crise économique vont faire bouger le paysage institutionnel local et sa communication. Les communicants publics sont face à de nouveaux défis que sont les redécoupages institutionnels, les réductions budgétaires et les nouveaux outils de communication numérique.
Progressivement, à la demande des communicants publics, l’activité de leur réseau professionnel s’élargit. Cap’Com conduit des études, propose des formations et organise des temps et des outils d'échanges de pratiques. Cap’Com, devient le Réseau de la communication publique et territoriale et fédère près de 25 000 professionnels de la communication publique. Le Forum, congrès de la profession, rassemble depuis les années 2010 autour de mille participants à chaque édition.
L’intercommunalité est née dans les années 2000 mais sa communication met de longues années à s’organiser et à prendre son ampleur. Dans le cadre de la loi Chevènement de 1999 et de la loi Voynet de 2000, de nouvelles collectivités intercommunales se mettent en place. Début 2007, les 2 500 groupements à fiscalité propre regroupent 90 % des communes et rassemblent 55 millions d’habitants. Le poids économique de ces communautés urbaines, communautés d’agglomérations et communautés de communes devient prépondérant. Mais la reforme de l’intercommunalité, lancée par le gouvernement Fillon et conduite par le gouvernement Ayrault en 2012 et 2013, va rebattre les cartes.
Fusion d'intercommunalités, agrandissement des périmètres, accroissement des compétences, les communautés deviennent des acteurs essentiels. Démocratie de second niveau, faiblement identifiée par le citoyen, la communauté ne peut rester enfermée dans une communication de service qui tente de justifier de l’existence même de l’intercommunalité. Alors que 20% des communautés préparent un changement de nom, nombreuses sont celles qui organisent la mutualisation des services de communication et remettent à plat l’ensemble de leur communication alors que se renforce l’enjeu politique des groupements et que se discutent les modalités de l’élection au suffrage universel des conseils de communauté.
Mais la compétitivité croissante des territoires pousse au marketing territorial. Certes il apparait davantage comme une démarche d’acteurs et moins comme une communication publicitaire. Il recouvre maintenant bien plus que l’action de promotion du territoire, c’est le résultat d’une démarche profonde, longue et cachée. La marque n’est même pas obligatoire pour réussir. Le marketing territorial est une boîte à outils au service de l’attractivité du territoire et de ses objectifs souvent économiques ». Mais le marketing, en cherchant à valoriser les atouts des territoires en oublie souvent les projets et les politiques conduites par les institutions. Une certaine banalisation s’en suit et les marques de territoire se multiplient et se recouvrent.
Durant ces années, la communication interne monte en puissance au sein des institutions publiques. De plus en plus identifiée comme une fonction à part entière, quittant parfois la DRH pour le service communication, elle a d’importants défis à relever. D'abord parce que les agents ont de nouvelles attentes avec l'arrivée dans les organisations de la génération Y, le développement de nouvelles pratiques et usages numériques... Ensuite parce que les évolutions des collectivités l'imposent avec la réforme des institutions, les mutualisations de services et les transferts de compétences. Et les effets de la crise se font aussi sentir sur les agents eux-mêmes en raison des restrictions des moyens publics, et sur leurs métiers