6 choses que j’ai, peut-être, aussi apprises en 30 ans
Il y a deux semaines, je commençais à partager avec vous ce que j'ai appelé « des choses que j'ai apprises ». En voici six autres. Évidemment, j'en ai appris certainement plus ; vous imaginez bien, en plus de trente ans ! Puissent-elles vous aider néanmoins à gagner du temps, même si l'expérience, paraît-il, n'éclaire que le chemin parcouru !
Par Marc Thébault.
7. Une indispensable clairvoyance
Dans toute communication humaine, l’empathie est essentielle pour tenter de comprendre l’Autre, son point de vue et sa représentation du réel. Mais elle est difficile à mettre en équation ou à enseigner. Idem pour les actions que vous préparez : pour certaines, vous aurez au fond de vous cette intuition qu’elles vont réussir, mais sans pouvoir le prouver par un argumentaire logique. Pour d’autres, parfois, c’est le crash dans le mur, avec son inéluctabilité et le niveau de douleur qui ira avec, qui sera votre plus grande certitude. Tout cela n’étant évidemment pas rationnel.
Ainsi, il va de soi que le développement d’un « instinct », d’un « pifomètre », d’un « 6e sens », peut être un vrai avantage. Il sera également bien utile à l’écoute de certaines réflexions, orales ou écrites, sur vous et votre travail, de la part de collègues ou, bien sûr, de votre hiérarchie. Alors, malgré parfois l’apparence anodine de certains mots, prononcés ou posés l’air de rien dans un mail, vous serez en mesure illico de faire basculer tous vos voyants vers le rouge, sur le mode « Là, ça va chauffer pour mes miches ! ». Pour cela comme pour le reste, quand on peut prévenir avant de tenter de guérir, cela peut être fort salutaire.
8. Le respect consenti de la hiérarchie
Jamais, je dis bien « jamais », on ne mord la main qui nous nourrit. Même si celle-ci n’est guère bienveillante. Et même si vous estimez être dans votre bon droit. Car, tout en portant la gamelle, cette main n’en est pas moins toujours proche du fouet. Et elle saura vous le rappeler promptement. Toutefois, sur un coup de folie, vous pourrez quand même passer à l’acte et oser mener ce combat. Mais sachez alors qu’il sera perdu d’avance. Cela relèvera d’une bien noble attitude ; suicidaire professionnellement, mais noble, je le reconnais.
Précision : n’attendez pas d’exception à cette règle vieille comme le monde et, en parallèle, contactez donc l’Apec. Et consolez-vous avec ce proverbe venu d’Afrique, dont j’ai mis parfois beaucoup de temps à juger du bien-fondé : « Si on t’a fait du mal, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord du fleuve et tu verras passer le cadavre de ton ennemi. » Je peux vous assurer que, de mon côté, il s’est chaque fois vérifié. Oui, les gentils gagnent toujours à la fin.
9. Avoir de la mémoire
En revanche, et sans aucune contradiction avec ce qui est écrit ci-dessus, conservez dans votre mémoire celles et ceux qui en valent la peine. Soyez fidèle à celles et ceux qui le méritent, qu’il s’agisse de collègues, de supérieurs, ou de prestataires. En disant cela, je n’évoque ni copinage ni renvoi d’ascenseur. J’évoque uniquement un réseau fiable de confiance et de relations humaines claires, sans équivoques et sans malsains calculs.
10. S’accommoder, forcément, du cabinet
La cohabitation entre dircab et dircom, c’est presque toujours entre « accommodements raisonnables » et « mariage forcé ». Pour le dire autrement, c’est l’improbable rapprochement de la glace et du feu, de celles et ceux dont le métier est de se méfier, a priori, de tout le monde et de celles et ceux qui sont amenés, par leur champ professionnel – et parfois par leurs propres convictions – à voir dans l’Autre plus souvent une opportunité qu’une menace. En somme, la gestion des risques versus la gestion des opportunités.
Il s’agit donc bien de deux métiers différents, certainement complémentaires, mais qui demandent de ne jamais mélanger les genres au risque de les voir fusionner. Sachant que, en général, cette fusion n’est jamais au profit de la communication. Sauf, bien sûr, si cette dernière le souhaite et considère cette subordination, après tout, bien naturelle, voire utile pour l’ego (relire le point 4) et la protection, car le rapprochement avec le pouvoir pourrait éviter de fâcheuses remarques sur de pourtant évidentes carences professionnelles.
11. Savoir cohabiter avec des experts autoproclamés
Malgré nos compétences et nos expertises, fondées sur une formation universitaire solide et/ou sur une expérience qui ne l’est pas moins, tout le monde, je dis bien tout le monde (élus et collègues notamment, plus leurs familles), est réputé plus compétent que vous et va donc vous expliquer ce qu’il faut faire ! Mais apprendre à écouter et subir des pseudo-experts rend humble, ce qui est une vertu humaine particulièrement appréciable et une qualité professionnelle absolument indispensable. Et retenez la loi de Brandolini (ou « principe d’asymétrie du bullshit ») : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter les conneries est d’un ordre de grandeur bien supérieur à celle nécessaire pour les produire. »
Notons enfin que, si toutes celles et tous ceux qui mettent autant d’énergie à repousser nos idées se servaient de la même pour nous soutenir (ou au moins pour se taire), nous aurions déjà sauvé le monde, non ? Mais reconnaissons que, mis à part ces guignols, nous allons rencontrer une multitude d’élus et de fonctionnaires compétents, sérieux, avec les notions de service public et d’intérêt général chevillées au corps. En somme, toutes celles et tous ceux qui m’ont confirmé régulièrement que je faisais bien d’agir dans le secteur public, plutôt que de vendre des petits pois ou des cuisines.
12. On ne sait jamais, on apprend toujours
Enfin, pour conclure, une dernière (mais non ultime) leçon : on ne sait jamais rien car, en réalité, on en apprend vraiment tous les jours. Plutôt, nous n’évoluons que dans un combat permanent entre nos savoirs et nos doutes. Sur cette ligne de partage, nous sommes éternellement « borderline ». Reste cependant la conviction. Car si le destin de nos certitudes est qu’elles soient souvent balayées, celui de nos convictions est appelé, quant à lui, à résister. C’est une jolie consolation.