Affligeant ou encourageant, coup d’œil sur les valeurs des Français
La nouvelle vague de l’étude « Fractures françaises » nous montre la société telle qu’elle est, pas comme nous voudrions qu’elle soit.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
La vérité… et la brutalité des chiffres sont, une nouvelle fois, mises à notre disposition avec la 10e édition (septembre 2022) de l’étude Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). C’est du solide avec un échantillon de 12 044 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, et interrogé par internet.
Le passé, l’autorité
Dans cette brassée de données, prenons le parti de mettre d’abord l’accent sur des réalités que nous pouvons être tentés de laisser de côté.
- Pour 69 % des personnes interrogées, « en France, c’était mieux avant » et autant disent « Dans ma vie je m’inspire de plus en plus des valeurs du passé ». 62 % des moins de 35 ans pensent de même.
- 62 % des Français considèrent qu’« aujourd’hui, on ne se sent plus chez soi comme avant ».
- Selon 79 % des Français, « on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre » et, pour 83 % d’entre eux, « l’autorité est une valeur trop souvent critiquée aujourd’hui ».
Autant d’états de fait à même de susciter une réflexion inédite… quoique peu enthousiasmante, chez les communicants publics.
Mourir pour des valeurs ?
Un chiffre suscite la surprise. Dans une société où le sens du collectif semble s’être délité au profit de la sphère personnelle, 52 % des Français pensent qu’« il y a des valeurs qui méritent que l’on meure pour elles ». Opinion plus fortement exprimée, à 61 %, par les moins de 35 ans. Jérémie Peltier, le directeur des études de la Fondation Jean Jaurès, avance quatre explications : « La guerre en Ukraine, qui montre des individus qui prennent les armes pour défendre leur pays ; l’attitude “Si d’autres peuvent donner l’exemple avant, tant mieux” ; un patriotisme et un héroïsme qui ne demandent qu’à s’exprimer si l’occasion se présente et enfin la défense d’un mode et d’un style de vie que les Français estiment mis à mal par différentes mutations, ces dernières années. C’est donc la référence au passé qui apparaît. »
La place des femmes, le changement climatique
Sur deux grands sujets actuels, que dit l’étude ?
- La société dans laquelle on vit est jugée patriarcale, « c’est-à-dire une société où le pouvoir est détenu par les hommes ». Plus des deux tiers (68 %) des Français le pensent, soit 62 % des hommes et 75 % des femmes. L’étude ne dit pas s’ils jugent que c’est positif ou négatif.
- Seulement 61 % des Français considèrent que le changement climatique est principalement dû à l’activité humaine. Pour 16 % c’est « principalement dû à un phénomène naturel, comme la Terre en a toujours connu dans son histoire ». 8 % pensent qu’« on ne peut savoir » et 8 % que « nous ne vivons pas de changement climatique ».
Alors, que faire ? 68 % des personnes interrogées sont d’accord (33 % « tout à fait » et 35 % « plutôt ») avec cette opinion : « Ce n’est pas aux Français de faire des efforts. Ils en font déjà assez. C’est aux entreprises et à l’État d’agir principalement. »
Mais, dans leur implication dans la lutte contre le changement climatique, les Français sont ambivalents : 69 % pensent : « Il faut que le gouvernement prenne des mesures rapides et énergiques… même si cela signifie de demander aux Français de modifier en profondeur leurs modes de vie. » Et ils sont 46 % à dire « même si cela signifie de demander aux Français des sacrifices financiers ».
Un certain espoir
Est-ce une lueur d’espoir pour la communication publique, engagée dans de multiples actions en vue de changements de comportement ? On peut en voir, prudemment, confirmation avec ce qu’affirment 46 % des Français, un taux pas massif mais considérable : « Quand je pense à la France dans les années qui viennent, je me dis que son avenir est plein d’opportunités et de nouvelles possibilités. » Cet optimisme est partagé par 50 % des moins de 35 ans. Enfin, voilà un point d’appui.