Aux Rencontres de la com numérique, des communicants engagés, soucieux d’utilité et de justesse
C’est en terres rennaises, fortement engagées en faveur des transitions socio-environnementales et empreintes d’une exigence d’utilité en matière de communication publique, que se sont déroulées les Rencontres nationales de la communication numérique du secteur public les 10 et 11 octobre derniers. Plus de 250 professionnels s’y sont retrouvés dans une ambiance vivante, stimulante et bienveillante pour réfléchir aux problématiques d’actualité qui traversent le métier, et partager connaissances et bonnes pratiques pour dynamiser la communication numérique de leurs organismes.
La sobriété féconde : faire face à la dissonance cognitive avec « techno-lucidité »
Héritière des transitions et avec une image d’austérité qui lui colle à la peau, la sobriété – et particulièrement la sobriété numérique – s’oppose aux impacts et au foisonnement des possibles proposés par les avancées technologiques, notamment l’intelligence artificielle. Comme l’a résumé Inès Slama, intervenante lors de la table ronde d’ouverture dédiée aux opportunités des métiers de l’IA : « On vit actuellement une dissonance cognitive majeure entre d’une part la nécessité d’aller vers un numérique plus sobre, et de l’autre l’injonction d’utiliser l’intelligence artificielle dont l’impact social et environnemental est très préoccupant. »
L’édition 2024 de ces Rencontres était justement le reflet de cette dissonance, de ce tiraillement qui s’impose aux communicants numériques. Comment revenir à l’essentiel pour créer du lien tout en étant efficace et en ouvrant de nouvelles voies ? C’est ce qu’a tenté de résumer le concept de sobriété féconde qui a été travaillé tout au long de ces deux jours. Un concept qui appelle à agir avec « techno-lucidité », selon les mots d'Inès Slama.
Il n’y a pas de déterminisme technologique. Pas plus aujourd’hui qu’hier ; le monde sera ce que nous en ferons.
Jean-Gabriel Ganascia – chercheur au CNRS – cité en ouverture des Rencontres par Yves Charmont, délégué général de Cap’Com.
Tester, puis agir avec méthode et principes
Expérimenter, évaluer, ajuster
Que ce soit pour affiner sa maîtrise du prompt, du sponsoring sur les réseaux sociaux et de ses impacts, ou encore pour mettre en place des outils et des techniques de collaboration efficaces en interne, nombreux sont les intervenants et les témoignages qui ont préconisé de pratiquer le « test and learn ». Expérimenter puis ajuster, avant d’intégrer une pratique dans une stratégie globale et cohérente. Non pas dans l’objectif de suivre une tendance pour elle-même. Mais pour viser une approche d’efficacité et de cohérence des dispositifs avec les missions de service public.
Prioriser la clarté et l’utilité
En ce sens, la recommandation sans cesse partagée et selon laquelle il faut fixer des objectifs clairs en fonction des contextes et des cibles devient une maxime pour renforcer la portée et l’impact des actions de communication publique.
Quand bien même ce n’est pas chose facile, intégrer sobriété et écoconception dans ces objectifs vient renforcer la clarté des dispositifs, leur accessibilité pour toutes et tous, ainsi que leur cohérence avec une réglementation qui évolue beaucoup.
Ce sont entre autres les enseignements proposés par le partage d’expérience de Rennes Métropole, qui a su évaluer l’impact énergétique d’une campagne et qui invite à penser l’ensemble du cycle de vie de sa communication mais aussi de tous ses supports. Ou encore, ceux partagés par Noureddine Lamriri, VP product marketing chez Everteam, qui suggère de mettre en place une gouvernance de l’information claire et utile, avant de se lancer dans des arbitrages en matière de stockage/déstockage des données.
Mise en commun, partages et collaborations
Les solutions numériques favorisent le partage, les collaborations efficaces et le gain de temps. Plusieurs intervenants comme François Guillome, responsable de l’information transmédia de Nantes Métropole, ou Baptiste Bruzel, chargé de communication à Bordeaux Métropole, ont en ce sens partagé leurs trucs et astuces sur Asana ou encore Looker Studio. Pour autant, c’est sur le terrain des communs numériques que ces Rencontres ont invité à s’aventurer. Des « communs » qui désignent des ressources numériques partagées, accessibles à toutes et tous (logique du « libre de droits »), gérés de manière collective dans une vocation de souveraineté numérique qui s’oppose aux logiques de marché ou de propriété individuelle. Des communs qui favorisent la coopération plutôt que la compétition, l’intérêt général plutôt que la recherche de profit.
Si leur mise en œuvre n’est pas évidente dans le secteur public, plusieurs exemples convaincants ont été partagés en conférence de clôture par Dorie Bruyas, présidente de la MedNum, et Anastasiya Moshak, cheffe de projet communication numérique de la ville d’Échirolles, tels que RDV Service public (une solution de prise de rendez-vous pour les mairies), Pretix (une solution de billetterie pour les événements) ou encore Polotno (outil de création graphique). De même, et dans sa démarche engagée de sobriété numérique, Rennes Métropole s’est vu attribuer un prix lors de la cérémonie de remise des Hashtags 2024 de l’Observatoire de la #compublique numérique, et pour son site dédié à la coopération pour une communication numérique plus soutenable : comnum.rennes.fr.
Le numérique libre est un enjeu politique et un enjeu de service public.
Anastasiya Moshak, cheffe de projet communication à la ville d'Échirolles
Si le 100 % libre n’est un pas un objectif en soi, la démarche de communs numériques ouvre néanmoins la voie de l’innovation, tout en renforçant la solidarité et l’éthique des pratiques.
Un écrin convivial et bienveillant
La réflexion collective, le partage d’expertises et de bonnes pratiques dans un objectif de transmission des savoirs et d’apprentissages mutuels sont la principale vocation de ces Rencontres nationales de la communication publique. Pour Océane Connan, chargée de communication apprentie à l’École des hautes études en santé publique, qui témoigne sur son compte LinkedIn : « Ces retours d’expérience de professionnels venus des quatre coins de la France et de diverses structures publiques ont rendu cet événement particulièrement formateur. »
Cet état d’esprit bienveillant et cette volonté de partager en toute simplicité pour mieux avancer sont allés jusqu'à prendre corps lors d’un atelier - certes audacieux mais essentiel - sur la santé mentale des community managers. À cette occasion, Audrey Busardo, du musée d’Arts de Nantes, et Jonathan Noble, président de Swello, ont invité les communicants numériques à parler pour mieux réagir face à la violence de certains propos sur les réseaux sociaux, à s’organiser pour mieux déconnecter, à être alignés et à lutter contre l’addiction induite par le fonctionnement des algorithmes.