Avant de perdre le match, éduquer
Cap’Com, c’est trente ans de communication publique, trente ans de débats entre les professionnels qui composent le fameux « copil’ ». Trente ans au cours desquels la compublique a vécu – toujours de plein fouet – les évolutions que lui commandaient les bouleversements du monde. Et là, il se passe à nouveau quelque chose !
Par Christophe Devillers, directeur adjoint de l'agence d'attractivité Mulhouse Sud Alsace et membre du Comité de pilotage de Cap'Com.
Depuis que le réseau existe, Cap’Com réunit régulièrement des professionnels de terrain au sein d'un Comité de pilotage. C'est la formule gagnante que d'avoir su rassembler, régulièrement et informellement, des spécialistes de tous les secteurs de la communication publique et du marketing territorial de la France entière. Ils livrent une parole libre, qui correspond aux tendances (et non à l'air du temps). Cette parole est écoutée et recueillie par l'équipe de Cap’Com qui l'exploite au quotidien dans son offre de formation, dans l'organisation de ses événements et, au premier chef, du Forum annuel de décembre.
Pour y participer depuis quelques lustres (un lustre, c'est officiellement cinq ans), j'ai vu les débats du Comité de pilotage se déplacer progressivement, au gré de l'évolution de la société et des préoccupations des élus, des citoyens, des pouvoirs publics. S'y sont succédé année après année des questions encore inexplorées qui devenaient soudain centrales : la réforme institutionnelle, suivie de l’irruption du numérique puis la « participation citoyenne », puis encore le dérèglement climatique, la sobriété financière d'après-Covid...
Cette année, nouvelle donne : les discussions portent sur l'international (plus qu'avant), mais surtout – et ça a un lien – sur l'intelligence artificielle et son corollaire toxique du moment, la désinformation, massivement générée par des systèmes informatiques structurés, qui organisent les attaques ciblées, quelquefois depuis l'étranger.
Comment reprendre la main et trouver de la crédibilité dans la poursuite de leurs missions d'intérêt général ?
Depuis trente ans, les communicants publics avaient à cœur de promouvoir leur formation, spécifique à leurs métiers, leur professionnalisme, leur expertise, leur capacité de neutralité utile, leur technicité et leur savoir-faire pour traiter et dispenser une information adaptée à leur public comme à la commande politique. Ils sont aujourd'hui confrontés à un mécanisme totalement inversé : comment endiguer, comment empêcher l'explosion de ces détritus déposés sur toile – numérique – par millions, comment reprendre la main et trouver de la crédibilité dans la poursuite de leurs missions d'intérêt général ?
Comme à chaque fois, en plus des techniques particulières de débunkage, on en appelle aux fondamentaux : l'exercice du doute salutaire et du libre arbitre (eh oui, toujours les Lumières !), le discernement éclairé, et une approche la plus civique possible dans le traitement et l'analyse des téraoctets de données, images et textes, qui nous parviennent.
Dès lors, il n’y a plus qu’un mot d'ordre, encore et encore, pour tout communicant engagé : l'éducation, en filigrane de toutes leurs actions, à la lecture fine, à la compréhension et au décodage, des mots et de l'image dans l’univers digital, pour que le poids des mots et le choc des photos ne nous fassent pas perdre le match.