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Communiquer pour le bien commun

Publié le : 28 novembre 2024 à 07:49
Dernière mise à jour : 28 novembre 2024 à 15:02
Par Nastassja Korichi

L'analyse des 214 campagnes présentées au Grand Prix Cap'Com 2024 met en évidence les défis d’une société incertaine. En réponse, porteuses d'un intérêt général affirmé, les campagnes de communication publique de l'année valorisent la santé, la solidarité et l’inclusion pour faire société. Tout en usant d’outils innovants, de stratégies de diffusion maîtrisées et de tonalités engageantes pour atteindre les citoyens. Elles montrent que la communication publique cherche à être, au-delà d'un outil d’information, un levier pour construire un avenir commun et durable.

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Inclusion, transition écologique, santé publique, fiabilité de l’information et cohésion sociale : les grands enjeux du moment nécessitent pédagogie et réponses collectives. Les campagnes candidates pour le Grand Prix Cap’Com 2024 illustrent bien cette volonté de communiquer pour le bien commun. Au-delà d’un effort manifeste pour diffuser une information de qualité et accessible à toutes et tous, les actions de communication publique présentées au concours cherchent à faire sens, à mobiliser et à engager pour une adhésion large aux causes communes. Elles incarnent, donnent à voir et à comprendre, portent haut et fort leurs missions d’intérêt général dans toutes leurs dimensions. D’un point de vue plus « technique », elles usent d’un mix-média tant équilibré que maîtrisé pour se placer à la portée de tous les citoyens. Comment les collectivités territoriales œuvrent-elles à la confiance citoyenne et font-elles de la communication publique un moteur d’engagement au service de l’intérêt général ? Et quels sont les outils qui émergent des campagnes présentées pour ce cru 2024 ?

Le Grand Prix Cap’Com : un observatoire au service du réseau

Chaque année, le Grand Prix Cap’Com récompense les campagnes de communication des collectivités locales et organismes publics. Au-delà de la reconnaissance de la qualité du travail des communicants publics, le Grand Prix est un véritable observatoire des tendances du métier. Pour cette édition 2024 du concours, 214 campagnes étaient candidates. 30 d’entre elles ont été nommées par un premier jury et représentent les meilleurs dispositifs de communication de l’année. Ces campagnes nommées sont en lice pour obtenir un prix de catégorie ou bien le Grand Prix Cap’Com 2024. Le palmarès final sera dévoilé le jeudi 12 décembre après-midi, en clôture du Forum Cap’Com de Lille.

La pédagogie de l’institution et de ses actions comme projet

Avec près d’un quart des dossiers candidats présentés cette année dans la catégorie « Communication institutionnelle », les campagnes de communication publique réaffirment une priorité essentielle : rendre l’institution et ses actions intelligibles et accessibles. L'accent porté sur la pédagogie des démarches est notable, avec des dispositifs qui :

  • usent d’un langage clair et de gimmicks astucieux pour expliquer des enjeux complexes ;
  • vont sur le terrain à la rencontre des habitants pour favoriser la compréhension des projets, leur appropriation et pour ouvrir le dialogue ;
  • développent des récits émotionnels et incarnés comme le slam pour mettre en lumière l’impact concret des actions et des politiques publiques ;
  • et – parfois même – vont jusqu'à mettre en avant certaines valeurs portées par la collectivité au service du bien commun, dans un contexte de crises.

La pédagogie devient ainsi un levier clé pour renforcer la compréhension et l’appropriation de l’action publique, contribuant par là même à soutenir confiance et mobilisation citoyenne.

La ville et métropole de Nantes développe un récit institutionnel autour des décisions prises en conseils ; les élus de la ville de Villeurbanne vont dialoguer avec les habitants sur le terrain.

Des experts pour renforcer la fiabilité de l’information et enrichir le débat public

Dans un contexte de défiance et de désinformation, la crédibilité des messages est un enjeu qui préoccupe toute la profession. L’une des solutions qui émergent cette année est la mobilisation d’experts. Les collectivités font ainsi appel à des spécialistes issus du secteur académique, technique ou associatif local ; ou bien des vulgarisateurs scientifiques reconnus, comme Jamy Gourmaud. En mobilisant ces professionnels qualifiés pour apporter des données vérifiées et objectives, fondées sur des faits, la communication publique renforce ainsi la légitimité de ses messages.

La CA du Pays basque organise des conférences grand public autour d’experts académiques pour lutter contre les idées reçues sur les eaux de baignade ; la région Occitanie s’appuie sur l’influenceur scientifique Jamy Gourmaud pour parler transitions.

Au-delà de la transmission de l’information, ces experts viennent enrichir le débat public en apportant des perspectives éclairées sur des sujets parfois complexes. Certaines collectivités ou certains organismes publics peuvent même se saisir de cette approche en organisant des cycles de conférences grand public par exemple. Non pas pour imposer une vision ou une vérité absolue, mais pour encourager l’esprit critique, le partage et l’accessibilité des connaissances. Ce faisant, elles contribuent à la compréhension collective des enjeux complexes, luttent contre les manipulations ou simplifications excessives, et favorisent la vitalité du débat d’idées.

La ville du Kremlin-Bicêtre organise l’université populaire permanente, un cycle annuel de conférences pour démocratiser l’accès aux savoirs ; l’université Sorbonne Paris Nord organise des décryptages des vidéos d’experts pour combattre les idées reçues.

La promotion des droits et de la solidarité : l’inclusion au service de la cohésion sociale

Lutte contre les stéréotypes de genre ou vis-à-vis des handicaps, mise en avant des « aidants », lutte contre le non-recours aux droits chez les jeunes, valorisation des actions citoyennes solidaires, etc. : plus du tiers des campagnes présentées au Grand Prix Cap’Com 2024 mettent en avant l’inclusion et la solidarité. Si la tenue des Jeux olympiques, et surtout des Jeux paralympiques, a impulsé de nombreuses campagnes de sensibilisation et de pédagogie autour des handicaps, on observe une vraie volonté et une attention particulière à la valorisation de l’inclusion pour réduire les fractures sociales. Au travers de récits d’usagers, de visuels mettant en scène la diversité ou encore d’événements récompensant les initiatives solidaires, ces campagnes inclusives participent à déconstruire les stéréotypes, encouragent le changement de regard, créent des imaginaires plus ouverts et renforcent l’idée d’un destin collectif partagé.

Le département d’Ille-et-Vilaine récompense les actions solidaires lors d’une cérémonie, le département de la Gironde sensibilise aux handicaps, le département des Pyrénées-Orientales dit stop au sexisme au travail.

Des positions de plus en plus affirmées en faveur de la lutte contre le sexisme et contre les violences faites aux femmes

Que ce soit en communication interne ou externe, pour lutter contre les violences conjugales ou contre le sexisme ordinaire, un très grand nombre d’actions de communication portent sur la lutte pour l’égalité des genres. Alors qu'elles sont de plus en plus récurrentes depuis le mouvement #MeToo, l’évolution cette année est marquée par le positionnement intransigeant des collectivités et organismes publics sur ce sujet. S’il est encore parfois question de déconstruire des stéréotypes, la grande majorité des campagnes affichent en effet un message de tolérance zéro.

Communication santé : de la prévention à la promotion de pratiques responsables

C’est la principale tendance de l’année : la diffusion massive et multisectorielle des campagnes de communication autour des enjeux de santé publique. Ainsi, les campagnes autour des Jeux olympiques de Paris et du passage de la flamme dans les territoires positionnent bien souvent leur message sous l’angle des bienfaits du sport pour la santé. Mais le sujet est également abordé sous l’angle de la prévention, et ce, à destination de toutes les cibles. Avec par exemple des dispositifs de prévention des risques liés à l’usage du protoxyde d’azote à l’intention des jeunes, des sensibilisations sur le dépistage du cancer des testicules à destination des adultes ou encore la mise en avant du réaménagement d’une Maison d’accès aux droits pour faciliter une prise en charge humaine et accessible à tous.

Au-delà de la prévention et de la sensibilisation, la santé apparaît également comme une préoccupation centrale pour certains territoires qui développent des projets d’alimentation durable et positionnent le « manger sain » pour leurs habitants au même niveau que la valorisation des producteurs pour redynamiser l’économie locale.

Enfin, dans un contexte de transition écologique, la santé est mise en avant pour l’évolution des pratiques, en matière de transports notamment.

Les ARS Hauts-de-France et Île-de-France sensibilisent aux risques liés à la prise de protoxyde d’azote, le CHU de Lille sensibilise au dépistage du cancer des testicules, Rennes métropole communique sur son plan d’action sur le bien-manger.

Loin d’être anecdotiques, les dispositifs de communication publique autour de la santé ne visent pas seulement à prévenir ou sensibiliser, ils mobilisent également les citoyens autour de pratiques plus responsables et réaffirment le rôle des collectivités et institutions publiques comme garantes d’une santé accessible à toutes et tous.

Outils, tonalités et créations graphiques au service de l’efficacité

Pour toucher leurs cibles avec efficacité, les communicants publics s’appuient avec habileté sur des outils, tonalités et codes graphiques qui portent leurs fruits. Petite sélection des tendances les plus marquées.

Une tonalité très optimiste

Elle traduit une volonté de valoriser les solutions et actions concrètes comme moteur du changement. Cette posture positive vise non seulement à réaffirmer le rôle des institutions dans la construction d’un avenir souhaitable, mais aussi et surtout à mobiliser les citoyens autour de cette vision collective.

La ville de Pantin illustre les possibles effets du plan climat ; Clermont Auvergne métropole met en avant les bénéfices des grands chantiers de territoire.

La maîtrise du mix-média

En combinant presque systématiquement, et de manière équilibrée, les supports papier traditionnels (affichages, brochures, flyers, magazines, etc.), les médias numériques, l’oralité et les réseaux sociaux, les communicants publics s’adressent à la diversité de leurs cibles et maximisent l’impact de leurs campagnes. Une maîtrise qui témoigne de la modernité et de la capacité des communicants publics à s’adapter aux pratiques de consommation de l’information, tout en conservant un lien de proximité.

Le QR code, l’outil central et incontournable

S’il faut mettre en avant une spécificité de ce cru 2024, c’est bel et bien l’usage du QR code qui ressort massivement ! Simple et accessible, il permet justement de faire le lien entre les supports imprimés et les ressources numériques. Alors qu'il est présent dans un très grand nombre de campagnes, son utilisation répond au double objectif d’information rapide et d’augmentation de l’engagement. Une approche interactive qui permet en outre de limiter les impressions papier tout en offrant une mise à jour continue des informations en ligne.

Des créations ancrées dans une chromie complexe

Plusieurs campagnes montrent un vrai souci esthétique sur des choix de couleurs pensés, signifiants et naturels. Loin des radicalités primaires, des tendances acides ou fluo qu’on a pu connaître, les couleurs prennent cette année de la profondeur et se nuancent : les bleus tendent au vert ou au fuchsia, les reflets de lumière ou les ombres modulent les densités, la nature, par la terre ou la végétation, inspire de belles palettes dans lesquelles les créatifs trempent leurs éléments graphiques. Cette tendance est le signe d’une volonté d’illustrer et d’expliquer la complexité en utilisant des gammes de couleurs mélangées, structurées et raffinées.

L’intelligence artificielle, aux abonnés absents ?

Sur les 214 campagnes de communication publique présentées au concours, aucune ne fait jamais mention de l’intelligence artificielle, quelle qu’en soit la finalité (formations en interne, création d’image, aide à la rédaction de contenu, assistant de conversation en ligne ou autres). Alors qu’un sondage réalisé à l’occasion des dernières Rencontres nationales de la communication numérique du secteur public montrait que 38 % des communicants utilisaient l’IA de manière régulière, cette absence de l’IA dans les campagnes de communication publique est peut-être le signe que la pratique est en cours d’expérimentation et de structuration au sein des collectivités et organismes publics. 

Des situations budgétaires qui poussent à l’innovation et au décloisonnement des frontières

Contrairement aux années précédentes, le recours aux agences et prestataires pour la réalisation des campagnes de communication publique est moindre. La tendance met en lumière la professionnalisation des directions communication, qui parviennent à internaliser de nombreuses réalisations. Mais elle témoigne des restrictions dans les collectivités. Focus sur quelques leviers identifiés pour renforcer et mutualiser les moyens, une source d’inspiration pour les années à venir au vu des débats budgétaires de cette fin d'année.

Le mécénat d’agence de communication

À l’instar de l’agence Trigger, qui réalise bénévolement une campagne de sensibilisation pour le baluchonnage (un dispositif qui permet aux aidants de longue durée d’être remplacés à domicile pour bénéficier de quelques heures de répit), le mécénat permet de mettre en avant ses compétences tout autant que son engagement pour l’intérêt général.

Le renforcement du partenariat public/privé

Auparavant identifiés comme un signal faible mais étant restés jusque-là assez anecdotiques, plusieurs dispositifs ont mis en place des partenariats pertinents et efficaces avec des structures privées. Pour faire gagner des lots dans le cadre de jeux-concours, bénéficier d’une diffusion sur des supports propriétaires ou encore pour créer des objets promotionnels, la pratique tend à se démocratiser.

Le CHU de Lille réalise un slip avec une entreprise locale pour le dépistage du cancer des testicules, le Loiret organise un jeu-concours avec de nombreux partenaires ; l’eurométropole de Strasbourg monte une opération de diffusion avec la SNCF notamment.
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