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Distribution du magazine : l’Aisne en avance

Publié le : 15 mai 2024 à 17:30
Dernière mise à jour : 16 mai 2024 à 16:21
Par Yves Charmont

On se pose mille questions sur la manière de distribuer nos revues territoriales : adressées ou toutes boîtes ? À quel prix et comment rester sobre ? Comment gérer des abonnements ou des points de distribution ? Que faire lorsque les prestataires jettent l’éponge ? Parmi les collectivités qui ont pris ces problèmes à bras-le-corps, ce sont encore une fois les départements qui innovent. Dans l’Aisne, l’heure est déjà au bilan après une année à l’avant-garde.

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Depuis deux mois, notre infolettre se fait l’écho des interrogations concernant les modes de distribution de la presse territoriale. Les collectivités locales se sont en effet retrouvées dans une situation tendue ! Certaines avaient changé la formule de leur magazine pour qu'il soit plus accessible et sobre, mais risquaient de ne plus pouvoir le distribuer dans les boîtes aux lettres de l’ensemble de leurs habitants. Le péril était dans la demeure.

Sur plusieurs articles (voir « À lire aussi » en fin d’article), Point commun a recueilli les paroles de prestataires en distribution, d’une juriste et bien évidemment de communicants publics. Ces derniers ont fait état de leurs expérimentations et des nouvelles méthodes, comme la distribution adressée sur abonnement, complétée par d’autres formes de mise à disposition (ville d’Annecy par exemple).
Une collectivité était souvent citée, parce qu’elle avait pris de l’avance sur ces sujets : le Département de l’Aisne. Point commun s’est donc rapprochée de cette équipe qui, à point nommé, venait de préparer le bilan de la première année de ce nouveau mode de distribution du magazine. Nicolas Fricoteaux, président du conseil départemental, le notait d’ailleurs en marge de la présentation qu’il en faisait en séance, le 8 avril dernier : « Notre territoire est précurseur en la matière, et ce n’est pas le président qui vous le dit mais les professionnels de la communication territoriale. En effet, Cap’Com a souligné dans son dernier article du 4 avril 2024 – “Magazines : tourner la page du toutes boîtes ?” – l’initiative innovante du Département de l’Aisne, en termes de diffusion de l’information institutionnelle et nous sollicite à nouveau pour un retour d’expérience afin d’en faire bénéficier d’autres territoires en plein questionnement. »
Aujourd’hui, c’est donc Annie Beauvillain, directrice de la communication du Département de l’Aisne, et Laure Michaux, rédactrice en chef de AISNE'Mag’, qui répondent à nos questions.

L'information institutionnelle est très importante, parce que c'est la parole du territoire et de ses projets, de façon partagée et volontaire. C’est notre devoir d'informer.

Point commun : Le magazine d’un territoire est souvent présenté comme la colonne vertébrale de l’information territoriale car il est accessible, mis à disposition de toutes et tous, et qu’il est en phase avec le rythme des validations des services et des élus. Mais ce support est également coûteux et difficile à maintenir. Cela a-t-il été un facteur de changement pour vous ?

Annie Beauvillain : Comme vous le disiez, l'information institutionnelle est incontournable et indispensable pour une collectivité telle que la nôtre, même si elle est moins évidente pour un Département que pour une commune (le journal communal est souvent très attendu par les habitants qui se sentent concernés parce que cela les touche directement, localement). Mais c'est notre devoir, notre rôle d’informer les Axonais des dispositifs mis en place par le Département, pour l’aide aux plus fragiles mais aussi pour l’insertion ou pour la culture, le sport, qui a la part belle cette année, et bien entendu les projets de développement des territoires.

Point commun : Alors revenons-en donc à vos choix. Vous avez modifié la méthode de distribution du magazine de l'Aisne. Cette modification remonte à quand ?

Annie Beauvillain : Le point de départ de cette démarche est une commande du Président du Conseil départemental de l’Aisne, à la suite de l’adoption en décembre 2021 d’une délibération cadre pour l’accélération de la transition écologique et solidaire.

Dans ce cadre, il nous a demandé de faire une étude pour savoir si notre magazine était, justement, écoresponsable. Et nous avons répondu à cette question en prenant en compte d'autres facteurs concomitants : l'augmentation exponentielle des prix du papier à cause de la guerre en Ukraine, les questions d’approvisionnements, de transport et le coût de l’énergie.

Point commun : Donc ce fut une approche écoresponsable qui a été quelque peu précipitée par les événements.

Annie Beauvillain : Oui, comme je vous le disais notre assemblée départementale avait adopté une délibération visant à l'accélération de la transition écologique et solidaire. Et dans le même temps, la présidence nous posait des questions quant à l'évolution du magazine. Cela se passait alors que la collectivité faisait son bilan énergétique, avec le bilan carbone, la question des gaz à effet de serre etc. et le magazine du département avait été identifié comme un des leviers d’action.

Il nous fallait nous adapter de tous côtés, pour faire des économies financières et énergétiques. Je me suis dit : « d'accord, faisons pour commencer le constat chiffré et objectif pour l’année 2021 ». Et comme je l’ai dit, j’ai ajouté au bilan des sujets propres à notre service et à nos métiers : les pénuries, les prix des matières premières, l’arrivée prévue du OuiPub...

Point commun : Comment avez-vous étayé ce bilan ? Avez-vous également consulté les lecteurs ?

Laure Michaux : Nous avons lancé la réflexion via une enquête sur le Mag, en avril 2022 (plus de 1 000 personnes ont répondu au questionnaire) et nous avons travaillé sur une enquête quali par courriel et téléphone réalisée en interne par nos propres moyens. Nous avons également consulté d’autres Départements et rencontré de nombreux partenaires et professionnels de la filière (imprimeurs, distributeurs, agences de com). Enfin, nous avons pu échanger en direct avec les Axonaises et Axonais sur divers salons : nous avons constaté une adhésion massive à la volonté du territoire de réduire sa consommation de papier et plus généralement son impact environnemental.

Tout cumulé, hors coût agents, le prix unitaire d’un magazine est passé de 4,54 € à 1,02 €.

Point commun : Et ensuite, vous proposez donc un nouveau magazine écoresponsable qui sort en janvier 2023 ?

Annie Beauvillain : Oui, le plan d'action de 2023, était de commencer par deux numéros toutes boîtes comportant un bulletin pour s'abonner. Nous avons donc fait des campagnes d'abonnement, bien-sûr via le Mag’ mais aussi via les réseaux sociaux, des campagnes d’affichage... C’était une période de transition. Nous avons démarré l’année, forcément, avec un tirage aussi important que d'habitude puisqu’il s’agissait d’inciter les lecteurs à s'abonner. Mais à partir du mois de mai 2023, là, le tirage a été considérablement réduit.
Laure Michaux : Nous sommes passé, en termes d'impression, de 262 000 exemplaires (pour le toutes boîtes) à 11 000 ex. (pour près de 7 000 abonnés, plus les institutions et organismes publics). Nous avons également réduit le coût. Tout cumulé, hors coût agents, le prix unitaire d’un magazine est passé de 4,54 € à 1,02 €. Annie Beauvillain : Souvent, on nous demande « on a combien d'abonnés maintenant ? ». Je réponds que, ce qui compte, ne ce n’est pas tant le nombre d’abonnés mais plutôt la diversité et l’offre d’accès à la lecture de l’information départementale car les modes de lecture ont évolué. Nous avons alors vérifié et comptabilisé le nombre de personnes touchées, par nos articles du mag mais via l’ensemble de nos supports numériques, et les résultats sont très encourageants.

C'était le moment de leur dire « Aisne Mag’ parle de sport, abonnez-vous ». Et ça, ce sont des campagnes qui ne coûtent rien du tout et qui nous permettent de mieux diffuser le magazine.

Laure Michaux : D'ailleurs, quand nous avons lancé la campagne d'abonnement, nous avons eu assez rapidement 6 à 7 000 abonnés. Les gens ont vraiment adhéré à la démarche multi-support. Nous avons constaté qu’ils étaient très sensibles à l’utilisation de l’argent public, mais aussi au « gâchis de papier » du toutes boîtes. Nous avons voulu faire nous-mêmes les enquêtes, et les campagnes sur le terrain, parce que nous produisons et diffusons nous-même le magazine, parce que nous rédigeons les contenus, et nous avions besoin de ce contact direct et sans filtre avec nos lecteurs ou nos « non lecteurs » … C'était vraiment enrichissant..
Annie Beauvillain : Nous avons nos abonnés mais aussi une liste d'institutionnels auxquels nous diffusons systématiquement le magazine. Mais nous sensibilisons aussi, et au fur et à mesure, d’autres cibles selon l’actualité et les sujets. Là, par exemple, nous avons édité un numéro qui était orienté sport et JO (notre fil rouge de l’année, avec le relais de la flamme olympique). Et nous avons fait de la com' pour le Mag’ en adressant un exemplaire à toutes les associations sportives et comités départementaux (soit 1 200 contacts), accompagné d’un petit courrier : c'était le moment de leur dire « AISNE’mag parle de sport, c'est le moment, abonnez-vous ». Et ça ce sont des campagnes qui ne coûtent rien du tout et qui nous permettent aussi d’atteindre de nouvelles cibles, de nouveaux lecteurs.

Point commun : Donc vous en êtes à six numéros par an, dont un hors-série, ce qui vous a ainsi permis d’augmenter la périodicité de votre support !

Annie Beauvillain : Oui, nous étions sur un rythme à peine trimestriel (3 numéros par an) et nous sommes désormais bimestriel, sur abonnement donc, mais nous avons gardé le principe d’un numéro hors-série par an. Néanmoins la distribution de ce hors-série prévue toute boîtes cette année est très compromise à cause de la situation financière du Départements. Notre premier hors-série sortira donc bien en juillet 2024, il aura le même format mais sera à 32 pages (au lieu de 24), avec plus d'articles et une diffusion élargie avec un tirage plus important pour alimenter, les premiers points de dépôts dont le déploiement sera très progressif.

Point commun : Ce changement de formule vous a-t-il mis au défi de vous synchroniser autrement ?

Laure Michaux : Sortir AISNE’mag tous les quatre mois était assez difficile, finalement, d'un point de vue organisationnel, parce que les numéros n’étaient pas calés sur les saisons. C'était très compliqué de préparer un numéro à l’avance, sans savoir si les dispositifs pilotés par nos services pourraient être opérationnels à la date de sortie du mag. C’est souvent trop tôt ou trop tard quand on est sur des périodicités longues. En fait nous étions à 3 numéros de 48 pages, et nous sommes désormais à 6 numéros de 24 pages (sans compter le hors-série), ce qui fait le même volume d’information, mais avec une présence plus récurrente, plus régulière.

Point commun : Parlons des autres modes d’accès et commençons par les points de dépôt. Avez-vous développé un dispositif spécial, comme un présentoir, pour ces 300 points ?

Annie Beauvillain : Non. C’était bien dans notre projet mais ces PLV n'ont pas pu être mis en place pour des raisons de coût, comme je vous le disais tout à l’heure, nous n’abandonnons pas l’idée mais allons procéder à ce déploiement très progressivement. Nous avons aussi la problématique liée au nombre de communes dans notre département 800 dont 3/4 sont très rurales, il faut réfléchir à la meilleure façon de donner accès au magazine, notamment pour les personnes isolées ou âgées, choisir avec soin et presque au cas par cas, où implanter nos points de dépôts, puis organiser la logistique de manière pérenne, puis informer et communiquer...

Point commun : Et pour l’accès en ligne ?

Laure Michaux : L'information en ligne est elle aussi variée. Il y a d’abord l'abonnement numérique par e-mail pour chaque numéro. Donc chaque destinataire reçoit un e-mailing réalisé par notre service, comprenant la couverture d’AISNE’mag, un texte incitatif, des photos, et un lien menant au magazine directement feuilletable en ligne..
Annie Beauvillain : Depuis de nombreuses années, AISNE’mag est évidemment disponible sur notre site internet www.aisne.com. Dès la sortie du magazine, il est téléchargeable en PDF feuille à feuille et en feuilletage gratuit via Calaméo. Nous proposons diverses solutions, parce que le feuilletage marche bien quand vous avez un bon réseau. Mais certaines personnes ne sont pas forcément bien équipées en informatique - on pense à nos seniors aussi par exemple. Calaméo ne fonctionne pas pour eux parce qu'ils utilisent encore, par exemple, Internet explorer. Donc nous avions déjà l’habitude de mettre à disposition sous différentes formes.
Après, évidemment, il y a notre page Facebook (25 000 abonnés) : nous y faisons des zooms sur les articles et à chaque fois, évidemment, il y a un lien cliquable qui renvoie vers l'actu sur notre site. Et les gens peuvent la télécharger, la lire, etc.
Nous annonçons la sortie de chaque mag dans notre newsletter mensuelle dans laquelle sont d’ailleurs repris certains articles du mag. Enfin il faut parler de la signature de mail pour les agents du Département. Elles renvoient aussi vers le magazine en ligne. Pour conclure, nous informons bien évidemment nos agents via l’intranet : une actu sur la sortie du mag est publiée avec un lien pour le consulter. Ils peuvent ainsi lire ce qui les intéresse aussi, puisqu'ils sont directement concernés par toutes les actions qu'on présente.

Nous avons aussi revu notre manière d'écrire avec des articles plus courts, plus de visuels, plus de pédagogie. Donc, on a… on a tout changé en fait.

Point commun : Votre témoignage est intéressant parce qu’il montre qu'il faut trouver des réponses très vite et que les communicants sont amenés aujourd'hui à faire avec les moyens du bord, voire avec moins…

Annie Beauvillain : … et ça ne veut pas dire qu'on communique moins bien. Et ça peut être même inclus dans une vraie dynamique. Pour cette nouvelle formule, nous nous sommes vraiment appuyés sur les nouvelles habitudes de lecture. On a changé la maquette, on a changé la pagination, on a changé la périodicité, on a changé le mode de distribution, on a créé un mode d'abonnement multicanaux... Nous avons aussi revu notre manière d'écrire avec des articles plus courts, plus de visuels, plus de pédagogie. Donc, on a… on a tout changé en fait. Vraiment.

Point commun : Pour l’envoi adressé aux 11 000 destinataires par voie postale, comment procédez-vous ?

Laure Michaux : Pour l’instant, nous faisons appel à un routeur local, économiquement intéressant et pratique. Beaucoup de gens nous suivent sur les différents supports numériques, ce n'est pas le même public, et on s'en rend bien compte, nos abonnements augmentent, et sont en progression constante.
Annie Beauvillain : Nous avons d’excellents ratios. Mais nous ne sommes pas au bout de la démarche, parce que cela ne fait qu’une année et il y a encore beaucoup de gens qui n'ont pas pris conscience qu’ils ne recevaient plus le magazine dans leur boîte aux lettres. Ils le voient sur des affichages (on a fait un peu d'affichage de ville), ils le voient passer dans des mails, sur Facebook, etc. Mais ils ne se rendent pas forcément compte que cela fait déjà un an que le dernier magazine a été déposé dans leur boîte aux lettres, au mois de mars 2023 ! Donc je pense qu'il va falloir multiplier des campagnes très ciblées. Il faut aussi sensibiliser les élus locaux des communes rurales, qu'ils sachent qu’ils peuvent susciter l’abonnement des seniors. Même chose dans les centres sociaux ou les autres espaces intermédiaires. La transition, c’est aussi une question de temps : il faut du temps pour changer les habitudes. .

Un déploiement progressif en 2023

  • Janvier : 1er numéro toutes boîtes + bulletin
  • Mars : 2e numéro toutes boîtes + bulletin
  • Mai : 3e numéro sur abonnement
  • Juillet : 4e numéro sur abonnement
  • Septembre : 5e numéro sur abonnement
  • Novembre : 6e numéro sur abonnement

Autres moyens d’accès :

  • 300 points de dépôt (en cours de déploiement très progressif)
  • Abonnement numérique (réception version feuilletable par mail)
  • Consultation depuis Facebook
  • Consultation en ligne sur aisne.com
  • Lettre mensuelle d’information par mail
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