Émotion et solidarité
Au sein du réseau de la communication publique, une vive émotion fut partagée début juillet. Le geste ultime d'un collègue est venu montrer encore une fois que ce métier, tout entier tourné vers le soin aux relations, tourné vers les autres, n'épargnait pas ceux qui l'exerçaient. Après vingt mois de crise, une alerte avait été lancée au Forum de Rennes. Plusieurs témoignages ont attesté de la dureté de la période. Nous n'avions pas besoin de ce tragique rappel mais il s'est imposé à nous.
Il y eut de très nombreuses réactions, sur les réseaux sociaux ou par courriel, à la disparition le 25 juin dernier d'un collègue. Ses amis professionnels, notamment le réseau des communicants de Sénart qui le retrouvaient chaque année au Forum Cap'Com, nous ont alertés. Ils nous ont fait part de leur tristesse.
Et pourtant, le mal couvait depuis longtemps. En regardant les chiffres de l'étude Cap'Com sur l'état d'esprit des communicants publics réalisée il y a un an, nous avions tous été surpris. Une collègue déclarait illico, dans les couloirs du Forum de Rennes : « Avec de tels résultats, n'importe quelle grande entreprise aurait déjà lancé un plan interne de soutien, au niveau des ressources humaines. » La moitié des répondants confiait leur épuisement, leur lassitude, leur perplexité et leur inquiétude. À cela il faut ajouter les nombreux témoignages d'une forte pression exercée par le management et la gouvernance : recrutements interminables, compressions de personnels et de moyens.
La profession a certainement beaucoup donné, depuis deux ans maintenant, dans la tourmente, les ordres et les contre-ordres, la défiance grandissante, la violence verbale sur les réseaux, les tensions et les injonctions... Nous le savons, nous avons l'habitude de canaliser cela. C'est une partie de notre métier. Mais il faut croire qu'un petit dépôt se fait. Lentement. Un poison indicible qui doit bien agir un peu. Beaucoup de collègues le sentent, ils nous le disent. Ils le gèrent. D'autres ne le disent pas.
Nous repensons à la présence de Mémona Hintermann, il y a plus d'un an, au Prix de la presse et de l'information territoriales. Elle venait de sortir un ouvrage, Je n'ai pas su voir ni entendre. Nous l'avions alors chroniqué dans les colonnes de notre infolettre. Elle y racontait son histoire, celle de son époux et de sa tentative de suicide. Nous écrivions alors : « Pourtant, c'est bien dans une période de naufrage collectif, à cause de la pandémie, que certains destins individuels ont basculé. » Nous n'imaginions pas qu'un an plus tard, la catégorie professionnelle qui est la nôtre allait elle aussi voir le destin commun et les histoires personnelles se télescoper tragiquement.
Nous avons lu, reçu et partagé de nombreux messages de solidarité à ce sujet. Nous en retenons un large appel au réseau, à sa force, à son soutien pour ceux qui se sentent seuls. « Je fais partie de ces centaines de "souris grises" qui n’interviennent pas à Cap’Com mais qui prennent plaisir à être là, plaisir à échanger avec d’autres, de ces centaines de communicants qui tentent de faire leur boulot correctement… de ces centaines de communicants qui ont douté au moins une fois de leur valeur, de leur légitimité… », nous dit une dircom. Mais cela ne cache pas l'urgence que l'on a entendue ces jours-ci : « Combien d’entre nous ont souffert d’un arrêt pour burn out cette année ? […] Nul n’est à l’abri. »
Personne ne devrait être seul dans un réseau.