En période électorale, les vertus de la contrainte
Diminuer la voilure n’empêche pas de naviguer, mais de chavirer. Le respect des textes qui restreignent la communication institutionnelle en période électorale ne contraint pas les collectivités locales au silence, mais il empêche l’accident électoral. Il s’agit de trouver la marge de manœuvre… et d’arriver à bon port. L’action des communes et des intercommunalités continue, le mandat des élus se poursuit jusqu’à son terme. Il faut donc choisir la bonne route.
Par Alain Doudiès et Laurent Granger, consultants en communication publique et membres du Comité de pilotage de Cap’Com.
Entre l’excès de prudence et l’excès de confiance, il y a une voie. Ni celle de cette collectivité qui, bêtement, a inscrit dans son règlement intérieur la suppression du journal pendant cette période. Ni celle de ce maire qui, inconsidérément, n’en démord pas et entend projeter, lors de la prochaine cérémonie des vœux, la vidéo rétrospective habituelle avec les moments festifs de l’année… et les équipements et aménagements livrés, présentés avec force commentaires dithyrambiques. Exemples véridiques.
Donc, restons calmes, comme nous y invite la stimulante infographie de synthèse « Les 8 postures du communicant zen en période électorale », conçue par Cap’Com avec Rokovoko. Et tirons parti de cette situation particulière. Trouvons-y, peut-être pas du plaisir, ce qui friserait le masochisme, mais un véritable intérêt. De ce contexte, nous pouvons tirer avantage en consolidant notre fonction d’appui, exercée en toute responsabilité : « Je conseille. Je déconseille. » Nous pouvons aussi, dans un coude à coude particulièrement nécessaire, contribuer au renforcement de la coopération entre communicants, juristes et collaborateurs des élus. Nous pouvons, nous devons même, démontrer créativité et finesse professionnelle. Puis-je concevoir l’inauguration de la nouvelle médiathèque sans flonflons, mais pas sans impact sur les usagers ? La ville peut-elle prendre la parole avec une campagne, sans aucune présence des élus, sur un sujet d’intérêt général, comme la sécurité routière ou la prévention de la santé ? Etc.
Les élus arbitreront. Ou bien, crispés, ils choisiront une interprétation quelque peu paranoïaque des textes et se ligoteront. Ou bien ils prendront tous les risques, aveuglément confiants en leur capacité à être réélus avec un écart de voix qui décourage toute ouverture d’un contentieux par leurs adversaires. Ou encore, avec le concours de leur service communication, ils trouveront la bonne forme de l’expression, tant de leur commune que d’eux-mêmes.
Avec les règles du théâtre classique, Corneille et Racine ont conçu des chefs-d’œuvre. Avec les règles de la communication en période électorale… faisons notre métier. Et jouissons des vertus de la contrainte.