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Faire sobre sur les réseaux sociaux, c'est possible

Publié le : 27 juin 2024 à 07:23
Dernière mise à jour : 27 juin 2024 à 16:47
Par Nastassja Korichi

À l’heure où les questions de sobriété sur les supports numériques de communication s’imposent aux communicants publics, les réseaux sociaux n’échappent pas à ces enjeux. Les grands principes de la sobriété semblent à contre-courant du fonctionnement même des réseaux sociaux. Est-il pour autant possible de trouver un équilibre avec une stratégie éditoriale plus sobre sur ces médias, en cohérence avec un dispositif global de communication responsable ? C’est le travail qu’a récemment réalisé Rennes Métropole.

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Dans un contexte général de crises et de transitions, la collectivité a fait le choix de revoir l’intégralité de son écosystème d’information locale. Avec la refonte du journal papier en 2023 et celle du site web en cours, les réseaux sociaux entament – eux aussi – leur cure. Accessibilité, sobriété énergétique, et proximité avec les citoyens, décryptage de la stratégie éditoriale réseaux sociaux de Rennes Ville et Métropole, aussi innovante qu’inspirante.

Une méthode et des outils documentés sur un site de partage

Rennes Métropole a ouvert un espace de coopération en ligne dans le cadre de la mise en place de sa stratégie pour un numérique responsable. Sa vocation est de partager une méthode de travail et des réflexions pour construire une communication numérique en biens communs dans un contexte de transition.

De nombreux outils et documents cadres – dont les nouveaux positionnement et plan éditorial pour les réseaux sociaux – sont mis en ligne et consultables librement.

Toutes ces ressources sont diffusées sous licence libre Creative Commons Attribution et Partage dans les mêmes conditions (CC BY-SA) pour encourager le partage, l’amélioration et le ré-usage.

Les principales orientations stratégiques

Mise en œuvre au début de l’année 2024, cette nouvelle stratégie éditoriale pour les réseaux sociaux intervient dans une conjoncture particulière et pour répondre à un certain nombre d’enjeux forts : contraintes financières, engagements de la collectivité en faveur de la transition écologique, nécessité de proximité et d’élargissement des publics, lutte contre les fausses informations, infobésité, et la charge mentale des agents.
Elle intervient à la suite d'une analyse détaillée de la place des supports d’information de la collectivité au sein de l’écosystème local.

Dans ce contexte, le nouveau plan éditorial rennais pour plus de sobriété et de proximité sur les réseaux sociaux a pour principales orientations :

  • une réduction drastique du nombre de publications (de 150 à 80 publications par semaine, de 489 à 320 par mois) ;
  • l’éditorialisation et la réutilisation des contenus ;
  • une communication claire et lisible ;
  • des informations pratiques, utilisables et proposant des solutions.

Un diagnostic fait dans la dentelle

Le point de départ est donc une enquête de lectorat qualitative et quantitative pour comprendre la perception qu’ont les usagers du rôle de la collectivité dans le système d’information locale. L'étude permet dans un premier temps d’identifier les attentes des habitants : des informations pratiques et utiles, des idées de sorties, des informations disponibles sur support mobile et qui favorisent la transparence de la prise de décision.

Puis, après avoir mis en place une stratégie plus globale pour un numérique responsable, la définition du nouveau positionnement éditorial pour les réseaux sociaux passe par un audit fin, réalisé en interne par une cheffe de projet dédiée.
Chacun des cinq réseaux sociaux sur lesquels est présente la métropole rennaise est passé à la loupe et ses caractéristiques principales sont analysées :

  • audience détaillée ;
  • horaires d’affluence ;
  • moyen de connexion ;
  • sujets qui fonctionnent ;
  • ton à aborder ;
  • direction artistique ;
  • et fonctionnement de l’algorithme propre à chaque réseau.

Ces fiches d’identité détaillées sont analysées et mises en relation avec les besoins d’information exprimés par les habitants d’une part, et les thématiques de la rédaction compatibles d’autre part. Cela, afin de définir une nouvelle ligne éditoriale propre à chaque réseau.

Publier moins, mais mieux, pour rester audible dans un paysage saturé d’informations

À l’opposé de ce à quoi appellent les réseaux sociaux, cette nouvelle ligne éditoriale fait le pari de publier moins, mais mieux. Et cela passe par le respect systématique d’un certain nombre de critères.

Veiller à la sobriété énergétique pour contribuer à la réduction de l’empreinte écologique

Le nouveau plan éditorial pour les réseaux sociaux de Rennes Métropole s’appuie sur une diffusion raisonnée puisqu’il fixe une diminution du nombre de publications : de 150 à 80 par semaine et de 489 à 320 par mois.
En outre, le poids des images est réduit, la définition des vidéos et leur durée sont amoindries.
Dans un objectif de durabilité, les contenus sont également réexploités. Les articles publiés sur le site web, une vidéo ou un Reel par exemple sont largement réutilisés, permettant ainsi la réduction des « déchets » numériques.

Éditorialisation des contenus pour chaque réseau social

Chaque contenu est éditorialisé en fonction du réseau social pour lequel il est destiné. L’objectif : mieux capter l’attention en s’adaptant à l’audience et aux caractéristiques de chaque réseau, son algorithme notamment. De ce fait, tout un chacun peut accéder à l’information par sa « porte d’entrée » préférée.
Ainsi :

  • le compte Facebook informe didactiquement sur les politiques publiques et dernières actualités en mettant en avant – une fois par semaine – les pages « froides » du site web ;
  • le compte X s’appuie sur une communauté-relais de partage d’informations (élus, influenceurs, etc.) et diffuse rapidement des alertes ;
  • le compte Instagram fait œuvre de pédagogie sur la vie locale, institutionnelle et sur celle des services en proposant un contenu divertissant et humain ;
  • le compte LinkedIn a pour but de montrer l’attractivité de la collectivité en tant que marque employeur et de mettre en valeur le territoire sous toutes ses formes ;
  • quant au compte YouTube, il a pour vocation d’expliquer concrètement et aux plus jeunes ce que font la ville et la métropole pour les citoyens tout en valorisant les projets de ses habitants.

Renforcer l’accessibilité et la clarté des contenus

Que ce soit en termes d’écriture, de description des images, mais aussi pour les vidéos, l’objectif est de réaliser des publications pédagogiques, courtes et simples. Elles doivent apporter une information publique pertinente et des services tant accessibles qu’utiles. Selon le réseau social et son audience, le ton est travaillé de manière à capter les lecteurs, et les hashtags, finement choisis.

En complément, une charte graphique a été définie pour chaque réseau social. Cette charte, qui fait écho à la marque média Ici Rennes, a également été pensée de manière à être accessible aux personnes atteintes de handicap visuel et de troubles dys (couleurs, police, etc.)

Lutter contre l’infobésité en répondant aux attentes concrètes des usagers

Dans un contexte de fatigue informationnelle, d’anxiété et de charge mentale, mais aussi pour encourager l’appropriation des démarches et des nouvelles pratiques, le nouveau plan éditorial prévoit de se concentrer sur les besoins des lecteurs, pour réduire les informations inutiles, solliciter le moins de données et de ressources possibles. Les informations publiées sur les réseaux sociaux doivent donc être pratiques, utiles et proposer des solutions. Ainsi, avant toute publication sur n’importe quel réseau social, la règle des trois « U » est appliquée :

  • utile : la publication nourrit-elle le besoin en information de l’usager ?
  • utilisable : l’information facilite-t-elle le passage à l’action ?
  • utilisée : la publication est-elle consultée régulièrement ?

Une charte graphique sur les réseaux sociaux pour plus de clarté, d’accessibilité et d’identité

Réalisée en interne, la nouvelle charte graphique pour les réseaux sociaux est une déclinaison de la marque média Ici Rennes. Elle a pour ambition d’assurer une identité forte et reconnue, mais également de participer à la lisibilité de l’information.
À l’image d’un magazine papier, cinq rubriques ont été créées :

  • le saviez-vous ;
  • le conseil municipal en bref ;
  • les actus d’Ici Rennes ;
  • les podcasts ;
  • et les idées sorties.

L’objectif du rubriquage est également de créer des communautés en ligne et des rendez-vous avec les habitants. « Le conseil municipal en bref » par exemple est une nouveauté qui a pour but d’intéresser les jeunes avec de petites actualités courtes et des carrousels sur Instagram.
Chaque rubrique se voit attribuer un code couleur ainsi qu’une police générale pensés pour être accessibles aux personnes en situation de handicap visuel ou porteuses de troubles dys. La charte graphique a récemment été déclinée sur les réseaux sociaux – notamment sur Instagram – et est également déclinée sur les vidéos.

Accompagner le changement en interne

Quand bien même une telle planification éditoriale porte – parmi ses objectifs – l’enjeu de la réduction de la charge mentale de toutes et tous, elle suppose des changements de pratiques en interne, pour la dizaine de journalistes multimédias de la direction communication comme pour les chefs de projets dans les différents services.

La sobriété éditoriale, c’est pour les citoyens mais c’est aussi pour les journalistes car il y a moins de publications à faire finalement. Ça redonne aussi du sens à leur travail car le dispositif amène à se reposer la question de la pertinence de l’information. 

Aurianne Latrémolière, cheffe de projet responsable de l’actualité en ligne et sur les réseaux sociaux

Un travail de pédagogie pour redonner confiance aux journalistes

La direction communication de Rennes Ville et Métropole compte sur une dizaine de journalistes multimédias et une cheffe de projet responsable de l’actualité sur les réseaux sociaux, véritable tour de contrôle du dispositif. Chaque journaliste est spécialisé dans une ou plusieurs thématiques de la collectivité et rédige sur l’ensemble des supports : journal papier, site internet et réseaux sociaux. Un tableau de programmation est mis en place pour assurer un équilibrage des thématiques du plan média. Les journalistes sont accompagnés par la cheffe de projet chargée de superviser la bonne mise en œuvre du planning éditorial et de le piloter grâce à un outil de planification des publications. Ils ont également été formés aux réseaux sociaux : leur fonctionnement (culture des réseaux sociaux au sens large, fonctionnement des algorithmes ou encore de l’engagement), les techniques d’écriture propres aux réseaux, listes de hashtags, mais aussi formation et mise à disposition d’outils de création graphique ou vidéo, etc. Au quotidien, ils sont également accompagnés et ont par exemple la possibilité de demander des relectures ou des conseils si nécessaire.

Par la réponse, on fait preuve de transparence et de pédagogie pour réaffirmer la qualité et la véracité de l’information.

Incarner la proximité et la véracité de l’information

Parce qu’ils ont une vraie connaissance du terrain, les journalistes contribuent – au travers de leur activité sur les réseaux sociaux – à recréer le lien entre les citoyens et la rédaction. Ils sont en effet invités à répondre aux très nombreuses questions que les usagers posent sur les réseaux. Ce qui leur apporte une connaissance encore plus fine de leur public en donnant à voir ce qui intéresse concrètement le lecteur, tout en répondant à ses besoins. Les réponses qualifiées et systématiques permettent également de ne pas laisser la place au silence, aux polémiques et à la propagation des fausses informations.

Des réseaux sociaux plus qualitatifs, plus sobres, mieux modérés, pour plus de proximité

Cette nouvelle stratégie éditoriale a été récemment et progressivement mise en œuvre sur les réseaux sociaux. Son évaluation se fera donc sur un temps long, avec plus de recul. Pour autant, certains effets se font d’ores et déjà sentir. La diminution du nombre de publications a en effet été intégrée par les journalistes, dont les pratiques métier s’adaptent progressivement. Avec, pour eux, un allégement de la charge mentale ainsi qu’une réinterrogation de la vocation de leur métier permettant de redonner du sens aux agents. La diminution de la quantité va de pair avec l’amélioration de la qualité : une augmentation des réactions, des commentaires et du trafic est désormais observée. De plus, la modération plus encadrée et surtout plus fine des commentaires permet d’incarner concrètement la proximité et de renforcer le lien entre les citoyens et l’institution.

Pour la suite, c’est justement sur ce besoin de proximité que le travail sera renforcé. Avec la création et l’animation de communautés en ligne, au travers notamment de groupes WhatsApp.

Communication numérique : la sobriété féconde

Qui a dit que la sobriété numérique menait nécessairement les communicants à une vie d’ascètes ? Qu’elle soit graphique, technique ou éditoriale, la sobriété peut être joyeuse. Et l’écoconception, féconde ! Pour leur 16e anniversaire, les Rencontres nationales de la communication numérique s’implantent à Rennes, territoire en pointe de la réflexion et des actions en matière de numérique responsable. L’occasion de s’inspirer, de partager réflexions et bonnes pratiques.

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