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Fake news : Comment se fabrique l’information ?

Publié le : 19 novembre 2017 à 11:34
Dernière mise à jour : 7 avril 2020 à 14:30
Par Cap'Com

L’information est entrée dans l'ère des fake news et de la post-vérité. Car tout monde est producteur d’information, et le métier et son éthique sont malmenés. Comprendre comment aujourd’hui se fabrique l’information, c’est permettre aux communicants de mieux rendre audible la parole institutionnelle et de soutenir une déontologie de l’information. Retour sur les débats et réflexions menés par les communicants publics au Forum Cap'Com de Marseille autour de quatre conseils.

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La production de l’information a profondément changé. Aujourd’hui, tout citoyen peut devenir un informateur, une véritable source d’information. Le traditionnel schéma de l’émetteur envoyant son message via un canal donné à un récepteur ciblé, a été complètement « dynamité et dynamisé ». Cette abondance, rendue possible par les réseaux sociaux, pose un véritable problème tant pour les communicants que pour les internautes. Car toutes les informations, celles plus ou moins erronées comme cellesplus ou moins vérifiées, y sont présentées au même plan.

Cette mutation est accentuée par le contexte de défiance, forte et persistante, de la parole publique qui semble être symptomatique d’une « société du doute ». « Si le citoyen n’a plus confiance, il reste néanmoins éminemment curieux, reconnait Philippe Moreau Chevrolet (*), c’est-à-dire qu’il cherche à s’informer autrement. Il n’est pas complètement hostile ou réfractaire à l’information, même celle du communicant, mais de fait, l’information va se mêler, s’entremêler d’avis et de rumeurs glanés sur les réseaux. »

Cette facilité qu’ont les citoyens à puiser dans les canaux « moins sûrs »

Jean-Baptiste Soufron, professeur à Sciences-Po Paris, ancien secrétaire général du Conseil national du numérique.

« Partout se répand ainsi la "mal-information" », prévient Alain Doudiès (), animateur de la table ronde du Forum de la communication publique sur « L’information échappe-t-elle au communicant ? ». « En effet, renchérit Jean-Baptiste Soufron (), cette facilité qu’ont les citoyens à puiser dans les canaux « moins sûrs » des réseaux sociaux facilite le développement de toutes les informations, les rumeurs jusqu’aux croyances dans le complotisme .»

Ce double phénomène, mutation de l’information et défiance, représente pour les journalistes comme pour les communicants une vraie révolution. Ils ne sont plus les « gardiens de l’information ». Journalistes et communicants ont été des professions dans le sens des corporations des siècles derniers, qui s’assuraient du monopole de la production, garantissait la qualité du travail et l’honnêteté de ses membres, et réglementait la formation et l’accès. Aujourd’hui le métier a explosé et chacun peut s’approprier la mission.

Premier conseil : respecter les règles du métier

« Face aux réseaux sociaux qui regorgent d’informations et d’images dont les sources ne sont pas explicites, les journalistes comme les communicants doivent continuer, explique Sophie Nicholson (*), à respecter les règles du métier et notamment du journalisme classique (qui, quoi, où, quand, comment, pourquoi). Il doivent aussi utiliser tous les moyens techniques disponibles pour vérifier les informations, ce qui va jusqu’au contact direct avec les protagonistes : la plus efficace des authentifications des informations. »

Second conseil : ne plus penser l’efficacité en terme de quantité mais de stratégie

« Pour le communicant public, constate Vincent Lalire (*), le réflexe est généralement de sur-communiquer pour tenter d’émerger de la masse. » « Il s’agit d’arrêter de réfléchir en terme de quantité mais plutôt en terme de stratégie », reconnaît Jean-Baptiste Soufron. Il explique : « Pour de nombreux sites, leur efficacité, c’est d’avoir un nombre de gens très restreint mais qui sont très motivés », avant de rappeler : « le community manager, c’est quelqu’un qui est censé gérer la communauté et ce qu’apporte le numérique, c’est de rentrer plus efficacement en contact avec les gens, d’être plus proche d’eux ». Pour lui, le community manager n’est pas seulement la vitrine de la collectivité ou de l’institution, sa responsabilité est de plus en plus forte. Il doit faire transparaître les valeurs de l’organisation dans la communication numérique. Et si les citoyens sont de plus en plus conscients de la façon dont on s’adresse à eux, il faut « être d’autant plus attentif et il faut réfléchir à la fois sur la forme et le fond ». En un mot : bâtir une stratégie.

Troisième conseil : ne pas hésiter à dénoncer les mauvais usages

Le web est loin de partager une éthique de la responsabilité. Aujourd’hui tout le monde peut faire de la désinformation et personne n’est vraiment réprimandé. Il faudrait que les communicants puissent contribuer à responsabiliser les usagers du web. « Le communicant doit apprendre à manier "la carotte et le bâton", souhaite J-B. Soufron. Il faut savoir envoyer des messages positifs et relayer l’activité de sa collectivité, mais lorsqu’elle se fait attaquer, il faut aussi savoir se défendre et il est important de savoir comment le faire. « Si les fake news existent, poursuit P. Moreau Chevrolet (*), c’est qu’il y a un quelqu’un pour les produire » et derrière lui, il y a des intérêts politiques, économiques ou diplomatiques, de la propagande et de la contre-propagande. Un coup d’œil sur les élections américaines et l’on voit bien que beaucoup d’informations qui relevaient de la désinformation ont été produites par des serveurs identifiés avec des objectifs précis. Cela signifie : « qu’on peut combattre et qu’on peut gagner, parce que c’est aussi une bataille politique ».

Quatrième conseil : organiser sa veille sur les réseaux sociaux

Pour être pertinent face à ces nouveaux phénomènes, il faut renforcer la veille de l’information. Elle permet aux communicants de mieux appréhender ce que disent les citoyens, de mesurer l’importance d’une information, d’identifier ses cheminements voire son émetteur. Ces remontées d’information permettent d’anticiper et de réagir plus facilement. La rapidité de la circulation de l’information impose une réactivité à tout épreuve.

Article rédigé à partir des propos recueillis par les étudiants en Master Communication publique et politique de Université Bordeaux Montaigne lors du débat "L’information échappe-t-elle au communicant ?" au Forum de la communication publique de Marseille en décembre 2016 avec :

  • Vincent Lalire, enseignant en communication politique et publique à Paris 1 Sorbonne, directeur de la communication interne d’une collectivité, administrateur du Club de la Presse de Normandie, membre du Comité de pilotage du réseau Cap’Com.
  • Phillipe Moreau Chevrolet, président de MCBG, agence conseil en communication personnelle et stratégie d’influence, chroniqueur à l’Obs ;
  • Sophie Nicholson, social média editor à l’Agence France Presse ;
  • Jean-Baptiste Soufron, professeur à Sciences-Po Paris, ancien secrétaire général du Conseil national du numérique.
  • Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste PQR et PQN et ancien directeur de la communication d’un département. Membre du Comité de pilotage du réseau Cap’Com