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Fausses marques ou nouveaux logos : sachez les reconnaître !

Publié le : 21 juin 2017 à 18:51
Dernière mise à jour : 16 juillet 2018 à 22:02
Par Marc Thébault

[ Juin 2017 ] « Excusez-moi si je vous demande pardon, mais si ça continue, faudra que ça cesse ! ». Empruntant à Alexandre-Benoit Bérurier une de ses célèbres répliques (ici, une référence que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître), du moins une de celles que je peux publier sur un site public qui se veut d’une certaine tenue, je veux dire ma vigilance du moment.

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par Marc Thébault

De quoi s’agit-il ? Depuis quelques années, s’engouffrant dans la brèche ouverte par de courageux pionniers, de nombreuses collectivités locales se sont emparées du marketing territorial. Toutefois, elles semblent n’avoir retenu que l’un de ses aspects les plus visibles, peut-être parce qu’il paraît être le plus glorifiant, je veux parler de la notion de "marque territoriale". Alors, sont annoncées à intervalles réguliers et resserrés de nouvelles marques de territoires. Et dans ce petit milieu qui se plaît à surfer sur les modes, on reprend, on annonce, on twette et on retwette, extatique, ces initiatives. Pourtant, à y regarder de près, ce que l’on nous dévoile, ce ne sont pas de nouvelles marques, mais uniquement des nouveaux logos. En soi et dans l’absolu, oui, il y a plus grave. Toutefois, et pour notre secteur professionnel, en nous vendant du design graphique alors qu’on attendait du branding, nous ne sommes pas loin de perdre nos repères et de confondre lanternes et vessies. Oui, tout ceci biaise une démarche spécifique pour la transformer en recette miracle, en un remède pseudo médicinal de charlatan. Fervent défenseur du marketing appliqué aux territoires, je veux faire en sorte de ne pas me faire biaiser itou …

Les mauvaises habitudes de la communication publique

Nous sommes habitués, dans le milieu des collectivités locales, aux glissements sémantiques et aux récupérations et autres amalgames. Ainsi, sortant de l’ère de la propagande et de l’information, on a voulu parler de "communication". Sans doute histoire de s’acheter une certaine virginité en affichant une démarche réputée moderne tout en se permettant, cependant, de faire perdurer les mêmes pratiques. Sous ce vocable devenu générique, on a collé la publicité, l’évènementiel, la concertation, l’information, la promotion, les relations publiques, les relations presse, l’édition, le web, la stratégie numérique, etc … En somme, tout est devenu "appellation d’origine communication" et ce label est venu, comme un étendard, garantir a priori les bonnes pratiques et rassurer sur les bonnes intentions. Bien sûr, les écarts divers de conduite repérés ici ou là ont vite jeté la suspicion et ont, on le sait, transformé le mot "communication" en un terme péjoratif, voire en insulte, quand ce n’est pas en signal d’alerte ou de résistance, appelant à se méfier d’office, de tout ce qui semblerait relever de cette pratique. Et si les communicants publics du gouvernement et des partis politiques ont été les premières cibles, les territoriaux ont vite été également raflés par ce mouvement de vigilance citoyenne et journalistique. Aujourd’hui, c’est le marketing territorial qui pourrait souffrir des mêmes maux en semblant totalement récupéré, dévoyé et, de fait, soluble dans la communication publique. En effet, désormais, pas une campagne d’une collectivité qui ne soit non plus qualifiée d’action publicitaire ou promotionnelle - ce qui n’est pourtant ni faux, ni dévalorisant – mais largement labellisée "marketing territorial" et qui ne soit accompagnée, sous la notion de "nouvelle marque territoriale", de ce qui n’est pourtant que simplement un nouveau logo, voire classiquement une nouvelle signature ou une nouvelle base-line.

Revenir aux fondamentaux

Il serait donc grand temps de revenir aux fondamentaux, pour parler comme un coach sportif, et de remettre chacun à sa juste place. Il deviendrait essentiel, avant qu’il ne soit trop tard, de rappeler les grandes différences entre ces deux pratiques, celle de la communication au travers des logos et celle du marketing au travers des marques, non pas pour établir une échelle de valeur, mais bien pour démontrer qu’il s’agit de deux axes de travail spécifiques qui doivent répondre chacun à des objectifs particuliers. Et rappeler que mélanger les deux mène à la confusion, donc à la perte d’efficacité. Bien évidemment, sur certains aspects, logos et marques vont se retrouver. Notamment, les deux vont se construire, on l’espère, après des phases d’études qualitatives et quantitatives et après une analyse sérieuse de la concurrence. Les deux ont des missions de valorisation de leur émetteur et d’amplification de sa notoriété et de sa visibilité. Les deux vont chercher à attirer des cibles. Les deux vont utiliser des moyens de communication similaires. Pourtant, à la base, c’est dans la construction des deux démarches qu’il convient de rechercher les vraies différences. C’est dans leurs fondements mêmes qu’il faut trier pour comparer.

Le tableau ci-dessus tente d’établir un comparatif afin de se repérer et afin de pouvoir mettre en œuvre tel ou tel axe, selon ce qu’il est et selon ce à quoi il peut répondre. Les principales différences se retrouvent dans de nombreuses lignes de ce tableau. Quand la marque veut être au service d’un territoire, le logo n’est, en général, qu’au service d’une institution. La première est le fruit d’une action collective et partenariale, le second est commandité par la seule équipe en place. Quand la marque cherche à devenir un repère mental, le logo recherche surtout la visibilité d’un repère graphique, avec une nette tendance à s’inspirer du design en vogue ; il pourra aussi utiliser les mêmes codes que d’autres institutions (bleu, vert et un effet de volume pour faire joli) alors que la marque va surtout chercher à se différencier de ses concurrents. La marque veut convaincre et fédérer, le logo veut persuader et séduire. La marque propose de partager des valeurs et une âme, le logo propose la promotion du projet de l’institution et un catalogue de performances. La marque se construit à partir de l’identité d’un territoire et de la perception que les cibles visées ont de cette identité (l’image), le logo va se construire sur ce que l’institution aimerait être et comment elle aimerait être perçue. La marque prend en compte la demande de ses cibles, le logo met en avant l’offre proposée. Le logo est dans le déclaratif, la marque est dans le narratif. Une marque réussie peut devenir un vrai signe collectif d’appartenance. Mais consolation, un logo réussi peut, peut-être, devenir une marque …

Il est clair que, même si j’ai annoncé qu’il n’était pas question d’établir une échelle de valeur, le lecteur pourra avoir le sentiment contraire. Ce n’est pas totalement faux. Mais l’essentiel est surtout de retenir que les deux démarches sont différentes. Si elles peuvent être complémentaires, elles ont néanmoins des fondements et des mécanismes qui leur sont spécifiques. L’erreur serait bien de les confondre, de les dissoudre l’une dans l’autre. Si elles peuvent s’alimenter et se soutenir, elles doivent rester chacune à leur place et remplir leurs missions propres. Au risque que les deux soient jetées un jour avec l’eau du bain, comme dirait un commentateur politique.