La communication publique doit-elle investir Netflix ?

Communiquer sur les réseaux sociaux, c’est has been : perte de visibilité, 5 % à peine de vos abonnés voient vos publications, le niveau d’engagement en berne. Plus personne ne réagit ou ne commente. Ou alors c'est pour râler. De toute manière vous ne répondez jamais aux commentaires. Alors si vous voulez faire passer vos idées, convaincre que le pot de yaourt doit se jeter dans le bac jaune et pas dans le noir, devenez producteur de séries TV.

D’où me vient cette idée saugrenue ? C'est en écoutant la journaliste Sonia Devillers sur France Inter poser cette question : « Netflix va-t-il remplacer les partis politiques et la démocratie ? » En effet, de nombreuses célébrités, parmi lesquelles Michelle et Barack Obama, le prince Harry et Meghan Markle ou le footballeur Kylian Mbappé, se lancent dans la production audiovisuelle. Leur objectif ? Faire bouger la société en infusant leurs idées dans des films, séries ou documentaires destinés aux plateformes de streaming comme Netflix, Amazon Prime ou Apple TV.

Car une série diffusée sur Netflix et visionnée par 100 millions de personnes dans le monde a potentiellement plus d'influence sur la scène politique que les moyens traditionnels tels que la presse, les partis politiques ou les syndicats.

Shonda Rhimes, productrice noire, en a pris conscience en lançant sa série Grey's Anatomy. Depuis, elle a créé Scandal et La Chronique des Bridgestone mettant en avant les personnages noirs, y compris dans des séries historiques où ils n’existaient pas dans la réalité.

Aborder des sujets qui ont du mal à susciter l'intérêt du grand public

Faire passer des idées politiques ou sociétales dans les séries TV, c’est plutôt malin : ces dernières sont un moyen efficace pour atteindre un public large et diversifié et aborder des sujets qui ont du mal à susciter l'intérêt du grand public. Pas mal pour parler des politiques publiques ou des questions écologiques, non ?

Mais je sens que je vous ai déjà peut-être perdu. Une vaste blague, mon idée ? Qui en effet a les moyens parmi les communicants publics de produire une série pour Netflix ou Disney + ? En réalité, une idée peut-être pas si farfelue que cela, si on y réfléchit bien.

Non, il ne s’agit pas d’investir les plateformes internationales de streaming. Mais, à une échelle beaucoup plus modeste, je vous renvoie vers les médias sociaux dont je décriais l'inefficacité grandissante en début de chronique. Il y a du potentiel à imaginer des miniséries qui pourraient trouver leur place sur des plateformes plus abordables comme TikTok ou YouTube.

Cinq conditions pour réussir sa série

Avant tout, il faut bien cerner son sujet et le travailler pour l’adapter à un format qui se décline en plusieurs épisodes. Mais cela ne suffit pas. Pour intéresser son public, il y a un minimum de conditions à remplir. En voici au moins cinq.

1. Abandonner le style institutionnel que l’on retrouve dans la plupart des vidéos de collectivités.
2. Incarner les messages à faire passer avec des personnages authentiques et crédibles.
3. Faire en sorte que vos publics puissent s’identifier à ces personnages.
4. Soigner le storytelling et la psychologie des personnages. On doit en apprendre plus sur eux au fil des épisodes.
5. La fin de l’épisode doit donner envie de voir le suivant.

Certains s’y sont déjà essayés, parfois il y a fort longtemps, avec plus ou moins de succès. Mais soyons honnête, à ma connaissance et à ce jour, rien qui n’aille encore dans le sens d’une véritable série qui porte les valeurs du service public.

Photo de Nabil Saleh sur Unsplash