La folie du chapelier
Vous connaissez le chapelier fou d’« Alice au pays des merveilles » : ce doux dingue, bloqué à l’heure du thé avec ses compères, qui propose des jeux insensés à ses invités. Parfois, j’ai l’impression d’être lui.
Par Pauline Moussalli, responsable de la communication interne de la ville de Mulhouse et de Mulhouse Alsace Agglomération.
Comme lui, j’invente des jeux, je propose des moments festifs, sers du thé et des petits-fours. D’ailleurs, j’adore le concept du « non-anniversaire », partant du principe que se réjouir collectivement d’être ensemble se suffit à soi-même. Et je peux toujours compter sur quelques indéfectibles collègues comme le Loir et le Lièvre de Mars, toujours prêts à répondre à mes invitations.
Mais comme pour lui aussi, ma table est parfois quasi vide, soigneusement évitée par des nuées de lapins blancs tous plus en retard les uns que les autres. « Pas le temps, pas le temps, pas le temps ! », crient-ils d’un air désolé en regardant leur montre gousset agenda Outlook. Sans parler des quelques reines de cœur acariâtres et bornées assenant leur habituelle sentence : « Très peu pour moi, je préférerais qu’on me coupe la tête ! »…
Alors, plus lucide (et moins barrée quand même) que ce brave chapelier, je me sens parfois anachronique, un peu envahissante, déçue malgré moi.
Prendre du temps au temps de travail
Le problème, c’est qu'un des rôles de la com interne, c’est bien de se glisser dans les interstices des projets, tâches et autre « vrai travail » pour proposer des parenthèses d’échanges, convivialité et partage. De prendre du temps au temps de travail. De proposer des moments de respiration, de recul, de pause même, soyons chapelier fou.
En plus, finalement, tout le monde aurait vraiment envie de jouer au criquet, si les règles du jeu le permettaient ! Quand ça commence à coincer, c’est que le temps s’est déréglé. Rétréci à l’essentiel, submergé de rendez-vous, d’échéances, d’urgences et d’inquiétudes. C’est que l’organisation elle-même invalide ce vivre-ensemble, privilégiant le courir-ensemble à la poursuite du tout, tout de suite.
Et, en attendant que le temps se libère, le chapelier reste fou, continuant de fêter les non-anniversaires, car c’est bien tout ce qu’il peut faire.