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La Tuque : vraie dehors comme dedans !

Publié le : 5 septembre 2024 à 07:53
Dernière mise à jour : 5 septembre 2024 à 12:25
Par Yves Charmont

Elle a décroché la Grande Plume d’or, l’équivalent du Grand Prix Cap’Com au Québec, avec brio et assurance. La petite ville de La Tuque a tout d’une grande : un territoire immense, plusieurs langues et une identité forte qui combine la simplicité et la puissance. Car ce nouveau positionnement vient du cœur, celui des habitants comme des visiteurs, qui ont attesté de cette authenticité lors de la phase de création de cette marque territoriale.

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Interview d’Hélène Langlais, cheffe de service aux communications de la ville de La Tuque.

Point commun : Quel a été le déclencheur pour la création de cette image de marque ?
Hélène Langlais : L’élément déclencheur de ce projet est notre volonté d’attirer de nouveaux travailleurs pour combler la pénurie de main-d’œuvre dans nos entreprises. Nous voulions aussi du même coup augmenter le sentiment de fierté de nos citoyens en réalisant une nouvelle image de marque en étroite collaboration avec eux pour qu’ils sentent que ça leur ressemble, donc qu’ils en soient des ambassadeurs. Nous voulions également par la même occasion contribuer à rajeunir notre population vieillissante en attirant de nouveaux citoyens et par la bande en faire un outil touristique.
Notre projet a donc trois volets : municipal, attractivité et tourisme, qui utilisent la même image de marque, mais qui ont des couleurs associées qui sont différentes, le bleu pour le municipal, le rouge pour l’attractivité et le jaune pour le tourisme.

Il a fallu convaincre que ce projet était un investissement et non une dépense.

Point commun : Comment votre travail a-t-il été perçu au départ ?
H. L. : Au départ, il a fallu convaincre nos dirigeants que ce projet était un investissement et non une dépense. Il a fallu démontrer le sérieux de notre démarche et faire comprendre notre vision. Nous avons réalisé beaucoup de choses dans cette démarche à l’interne en réunissant les forces de notre équipe des communications, ainsi que celles du développement économique, du tourisme, de l’immigration et des loisirs. On a aussi joint à nous l’équipe de « Choisir La Tuque », administrée par le Carrefour Emploi La Tuque, et qui s’occupe chez nous de l’accueil des nouveaux arrivants et des séjours exploratoires pour les jeunes en recherche d'un emploi en région. Nous avons aussi consulté l’équipe de la chambre de commerce et d’industrie du Haut-Saint-Maurice pour certains aspects de la démarche. C’est cette force d’équipe qui a permis à une petite ville de 11 000 habitants comme la nôtre de réussir un projet aussi ambitieux.

Point commun : Comment cette marque « Vraie dehors comme dedans » prend-elle place aujourd’hui ?
H. L. : Pour le déploiement de la marque, nous voulions faire preuve d’originalité, donc l’un des éléments qui ont plu au jury de l’Association des communicateurs municipaux du Québec est celui-ci : au départ du projet, nous avons travaillé en collaboration avec un professeur de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) qui a réalisé pour nous avec ses élèves une étude auprès des étudiants pour savoir comment ils percevaient La Tuque et quels éléments ils associaient à La Tuque. Dans ce sondage, il est ressorti que les jeunes consultés connaissaient tous la bière de la microbrasserie latuquoise La Pécheresse, qui est l’un des seuls produits du terroir de La Tuque. Nous avons négocié une entente avec les deux propriétaires de la microbrasserie qui nous a permis de mettre notre nouvelle image de marque, avec un QR code qui permet de voir différentes vidéos, sur les cannettes de quatre des bières principales de l’entreprise qui portent des noms associés à notre territoire :

  • la Wayagamac, qui est le nom du lac qui approvisionne en eau notre municipalité ;
  • la Rapide-Blanc, nom de l’une de nos centrales hydroélectriques ;
  • la Windigo, qui est à la fois le nom d'une légende autochtone et le nom d’un site de villégiature ;
  • ainsi que la Poudre noire, qui fait référence aux anciennes mines et à la construction du chemin de fer.

Comme ces bières sont distribuées dans 350 points de vente différents au Québec, cela permet à la marque La Tuque de voyager dans toutes les régions. Ensuite, nous avons déployé la marque très largement, de façon plus classique (voir encadré).

Point commun : Vous avez mis en avant le mot « vrai » (Du vrai bon monde – De vraies bonnes jobs), pourquoi ?
H. L. : Le mot « vrai » nous vient des citoyens que nous avons consultés. Pour créer la nouvelle image, nous avons réuni des groupes de citoyens qui comprenaient des gens qui ont toujours vécu à La Tuque de génération en génération, ont choisi de venir s’installer à La Tuque il y a quelques années, des jeunes nés à La Tuque, qui ont quitté la ville pour leurs études et ont décidé de revenir s’installer ici, des gens arrivés il y a peu de temps, et des gens originaires de La Tuque qui ont vécu des années dans une autre ville et qui, après leur carrière, ont décidé de revenir. Il y avait des gens de tous les groupes d’âge et quelques personnes des Premières Nations. C’est dans le cadre de ces rencontres que le mot « vrai » a été prononcé à maintes reprises. « La Tuque – Vraie dehors comme dedans » représente ce que nos citoyens pensent de leur ville. C’est aussi simple que cela et, avec le succès que notre nouvelle image de marque remporte, nous pouvons aujourd’hui affirmer que l’ensemble de la population s’y est très bien identifiée.

Point commun : Vous avez travaillé en trois langues, anglais, français et atikamekw. Comment l’avez-vous géré ?
H. L. : Ce n’est pas simple de travailler des outils de communication en trois langues, surtout lorsque l’une d’elles est une langue autochtone. Il faut comprendre que les langues autochtones sont d’abord sonores et il n’y a pas toujours un consensus sur la façon de les écrire. C’est beaucoup plus compliqué de traduire du français à l’atikamekw que du français à l’anglais, car la langue atikamekw raconte une histoire et n’a pas nécessairement un mot unique pour désigner une chose, comme c’est le cas en français et en anglais. Heureusement, nous avons dans notre communauté des gens qui maîtrisent bien la langue atikamekw et qui ont accepté de collaborer avec nous. Sans leur contribution exceptionnelle, nous n’y serions pas arrivés. Dans ce type d’exercice, on travaille avec le Centre d’amitié autochtone de La Tuque et le Conseil de la Nation Atikamekw dont les bureaux sont situés à La Tuque.

La langue atikamekw raconte une histoire et n’a pas nécessairement un mot unique pour désigner une chose.

En ce qui concerne l’anglais, c’est une langue qui est parlée chez nous parce que notre ville est née après l’installation d’une usine de pâtes et papier américaine en 1911. Nous avons une école anglaise, La Tuque High School, et bien que nos citoyens parlent majoritairement le français, ils apprécient qu’on garde cette tradition de plus de 100 ans d’offrir une place à l’anglais à différents endroits dans notre municipalité qui sont surtout des lieux touristiques, car nous recevons chaque année beaucoup de visiteurs américains et européens. L’atikamekw, le français et l’anglais, ce sont trois langues qui font partie de notre histoire.

En terminant, j’aimerais porter votre attention sur un point qui intéressera certainement les gens de chez vous : La Tuque est la plus grande des petites villes du Québec en termes de superficie. Nous habitons un territoire avec deux communautés atikamekw de 30 000 km², ce qui est aussi grand qu’un pays comme la Belgique. C’est 58 fois la superficie de l’île de Montréal. Sur ce territoire, nous sommes 15 000 personnes à vivre de manière permanente, mais il y a 4 200 chalets de villégiature, 65 pourvoiries et 9 ZEC, donc beaucoup de Québécois viennent à l’occasion nous visiter une ou plusieurs fois par année. Nous sommes situés dans la région de la Mauricie, où se trouvent les villes de Trois-Rivières et de Shawinigan. La Tuque représente 80 % de la Mauricie. C’est un vaste territoire forestier où la nature prend beaucoup de place. Avec nos 16 000 lacs et nos rivières, nous sommes plus dehors que dedans, d’où notre nouvelle image. La Tuque, c’est aussi un paradis pour la motoneige, le quad, la chasse et la pêche, tout en étant un milieu urbain bien organisé et dynamique. C’est ce que nous voulions transmettre à travers notre nouvelle image de marque.

Une marque à déployer en vrai !

Cette marque a été installée de plusieurs façons :

  • avec des oriflammes installées au centre-ville,
  • sur les trois panneaux d’affichage numérique,
  • sur une grande affiche à l’entrée de la ville en bordure de la route 155,
  • à l’intérieur du chalet municipal de ski, site de loisirs fréquenté à l’année
  • dans les documents promotionnels touristiques,
  • dans toutes les communications citoyennes,
  • sur les médias sociaux, sur le site web de la ville,
  • avec des vêtements et objets promotionnels vendus aux citoyens et aux visiteurs,
  • avec des écocups qui sont données gratuitement lors des « Jeudis centre-ville »,
  • par un manifeste écrit et audio, traduit dans la langue atikamekw, qui raconte ce qu’est un Latuquois,
  • avec des bannières utilisées dans les événements publics ou en salons,
  • etc.

Le service des communications de La Tuque est en train de refaire tous les documents de la ville avec la nouvelle image de marque, incluant des dépliants sur différents sujets et des formulaires à compléter. Mais le déploiement n’est pas terminé : « Il nous reste encore plusieurs idées à mettre en place. Nous avons même une mascotte de la ville pour les fêtes avec des enfants et nous venons tout juste de lui faire fabriquer un nouveau costume avec la nouvelle image de marque. »

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