Le marketing territorial en quête de sens
La question de l’attractivité reste un enjeu majeur d'autant plus que les actions de marketing territorial sont impactées par la crise. La période actuelle représente l’occasion de repenser le sens des démarches et d’entamer la transformation du marketing territorial pour mieux anticiper l’après.
La mise à l’arrêt de l’ensemble des activités et les incertitudes qui pèsent sur les modalités du déconfinement ralentissent les actions de marketing territorial, sans pour autant marquer un coup d’arrêt. Les professionnels de l’attractivité des territoires font aujourd’hui face à de nombreuses problématiques : comment rassurer les publics ? Comment aménager son offre territoriale et assurer son attractivité à long terme ? Comment intégrer les enjeux actuels et se réinventer ? Pour y répondre, experts et professionnels du marketing territorial nous livrent leurs visions. Malgré les incertitudes, tous font part des mêmes convictions : la période que nous vivons est l’occasion d’engager un « pivot » dans la manière de concevoir les démarches d’attractivité. Identité des territoires, travail collaboratif et éthique sont les maîtres mots pour répondre aux défis qui se posent au marketing territorial de demain.
Merci aux experts du groupe de travail « Marketing territorial », qui accompagnent le réseau Cap'Com dans ses travaux autour des questions d’attractivité, pour avoir livré leur analyse des enjeux actuels qui se posent au marketing des territoires : Christophe Alaux – Chaire attractivité et nouveau marketing territorial ; Bertrand Bellanger – directeur adjoint tourisme ; Marie Bougeois/Xavier de Fouchécour et Étienne Vicard – Bastille ; Christophe Devillers – Mulhouse Alsace Agglomération ; Vincent Gollain – Institut Paris Région ; Benoît Meyronin – École de management de Grenoble ; Anne Miriel – Inkipit ; Marc Thébault – Caen-la-Mer ; Albine Villeger – Finistère 360°.
Réinvestir le sens commun
Identités locales : des valeurs à partager
« L’attractivité passe en priorité par un travail sur l’identité et l’image interne avant d’envisager d’influencer l’image en externe », souligne Christophe Devillers. Cette recherche de la personnalité du territoire pour redonner aux habitants du bien commun à partager est l’un des socles des démarches de marketing territorial. Car construire la carte d’identité de son territoire vient servir l’élaboration d’un récit cohérent et partagé. Cet axe de travail a fait l’objet de nombreux échanges en février dernier lors des Rencontres nationales du marketing territorial. Loin d’être dépassé, il est aujourd’hui renforcé, comme le souligne Marc Thébault : « Il convient certainement – plus que jamais – de retravailler ses valeurs intrinsèques et de préparer les arguments qui peuvent venir prouver le fait que tel ou tel territoire est à même d’offrir une alternative positive à tout ce qui a été vécu comme difficile pendant le confinement. »
La crise révèle par ailleurs un attachement fort au territoire et une grande capacité à se mobiliser pour y entreprendre des actions collectives. Selon Marc Thébault, « tous ces faits doivent être autant de preuves des valeurs portées par le territoire ». Dès lors, la collecte des initiatives locales valorisantes et ayant contribué à la résilience du territoire est un levier pour développer la fierté d’appartenance, faire communauté, marquer les valeurs et l’identité d’un territoire.
Préparer le rebond
Mobiliser les acteurs locaux et renforcer les démarches collaboratives
L’enjeu n’est pas nouveau. Les experts du marketing territorial ne cessent de plaider pour des stratégies d’attractivité collectives et réellement partagées. Mais « il y a encore des marges de progrès », comme le soulignent Vincent Gollain ou encore Christophe Alaux : « Le travail de fond de mobilisation transversale des acteurs constituera le cœur du marketing territorial de demain. » En tant que révélateur des capacités de mobilisation, la crise représente un véritable tremplin pour entamer des réflexions collectives sur ce que veulent les collectivités et acteurs locaux pour le développement de leur territoire.
Très fortement touchées, les destinations touristiques sont particulièrement concernées et devront « préparer le rebond en travaillant sur un plan de marketing partagé, tout en sachant que celui-ci sera difficile car étalé dans le temps », précise Vincent Gollain. Pour Marie Bougeois, « le rôle des collectivités sera d’être moteurs et chefs de file dans la mise en place de ces réflexions collectives de fond (…), cela nous oblige encore plus à nous poser la question du sens profond que l’on met derrière chaque démarche de marketing territorial ».
« En tout état de cause, pas de solutions miracles sans un travail collectif regroupant toutes les parties prenantes. L’heure est à l’écoute, à la concertation et à la coproduction avant toute velléité de plaquer des solutions toutes faites hors-sol », résume Marc Thébault.
Adapter son offre de territoire
La crise révèle le rôle central des services publics et infrastructures de qualité pour un climat local harmonieux, porteur d’attractivité. Pour Christophe Devillers, elle rappelle « combien ils sont essentiels à notre quotidien : implantation et accessibilité du service public, sécurité sanitaire, information ». Aussi, et comme le souligne Anne Miriel, « ce sont les solutions qui seront mises en place – autrement dit l’offre territoriale qui sera déployée pour favoriser la relance des activités et proposer les adaptations nécessaires aux nouvelles contraintes – qui pourront être porteuses d’image et d’attractivité (…). En conséquence, la période à venir devrait nous amener à privilégier les dispositifs d’information ciblée sur l’offre et les services, plutôt que la communication par des campagnes d’image ».
Étudier les nouveaux comportements
Les enjeux sanitaires, mais aussi sociaux et environnementaux, ont toutes leurs chances de modifier la manière dont un touriste appréhende ses vacances, un professionnel ses déplacements, un habitant son cadre de vie, etc. Une meilleure compréhension des nouveaux usages et comportements sera, elle, certainement capitale pour anticiper de nouveaux positionnements stratégiques et les traduire en réponses concrètes, comme le précise Marc Thébault : « Si le monde “d’après” doit exister, cela sous-entend des redéfinitions des priorités personnelles, familiales et professionnelles, pour ne citer que cela. Les nouvelles plateformes argumentaires, les nouvelles offres de services, etc. devront impérativement tenir compte de ces nouvelles attentes et envisager en quoi on peut y répondre, plus favorablement que nos concurrents. »
Rassurer les publics
En matière d’attractivité touristique notamment, la crise du Covid-19 impose de prendre en compte des règles sanitaires assez strictes. Les collectivités territoriales et agences de développement accompagnent déjà les acteurs socio-professionnels pour une reprise d’activité « sécuritaire », avec la définition de protocoles sanitaires et la distribution de masques par exemple. Avec cette question qui se pose aux professionnels de l’attractivité : comment rassurer les publics ?
Pour y répondre, le Portugal a par exemple créé son label « Clean & Safe », pour distinguer les opérateurs garantissant les exigences d’hygiène pour réduire les risques de contamination liés au coronavirus. Des initiatives de ce type sont également étudiées en France, en prévision notamment de la saison à venir : réflexion sur la création d’un label sanitaire par le département du Calvados ou encore mise en place de « SAVE V », le label sanitaire des sites événementiels.
Réinvestir le sens commun, mobiliser les acteurs locaux dans des démarches réellement partagées, anticiper des repositionnements plus éthiques et responsables… autant de pistes à approfondir pour redonner du sens aux démarches de marketing territorial. Car, comme le résume Christophe Alaux, directeur de la chaire attractivité et nouveau marketing territorial, qui vient de publier son 3e dossier spécial « Territoires, gestion de crise et résilience », « la période actuelle constitue surtout une excellente opportunité pour que le marketing territorial accélère les transformations qui avaient déjà été engagées avant la crise ».