L’écriture inclusive, juste une histoire de points ?
« L’écriture inclusive, ça pique les yeux » : c’est la phrase lapidaire d’un collègue reçue par retour de mail, sans autre forme de procès ni formule de politesse, suite à l’envoi de mon premier message interne à la collectivité utilisant l’écriture inclusive sur quelques mots comme « tous·tes les participant·es ». Oui, je sais que les premières fois, ça peut surprendre, mais pourquoi cela dérange-t-il autant ?
Par Pauline Moussalli, responsable de la communication interne de la ville de Mulhouse et de Mulhouse Alsace Agglomération.
L’objectif de l’écriture inclusive est de lutter contre le sexisme de la langue française, en rendant leur visibilité aux femmes, et en désacralisant la règle du 19e siècle qui a définitivement érigé que le masculin devait l’emporter sur le féminin. Ce n’est pas qu’une question de points, de tirets, de contractions de mots, cela englobe aussi l’écriture épicène, qui préfère des termes mixtes comme « convives », « partenaires », « membres »… et tout simplement la féminisation des noms de métiers et des titres.
L’exercice amène souvent à se creuser les méninges pour trouver la bonne formule, cela demande un effort dans la rédaction, et de renoncer à certaines tournures qu’on avait l’habitude d’utiliser… sans parler d’adopter le fameux Alt+0183 pour écrire le point médian, mais l’enjeu me semble tellement essentiel !
Pour tout dire, le mail de la discorde lançait le défi interne « Au boulot à vélo », qui challenge chaque année des équipes de collègues (j’aurais pu écrire agent·es, mais un terme épicène s’y prêtait !). Brief créatif à la graphiste : mettre en avant l’esprit d’équipe en utilisant une illustration d’un tandem à cinq places. Banco, les banques d’illustration en regorgent, sous les termes « teamwork » ou d’autres mots-clés relatifs au management. Le hic : systématiquement, les images représentent uniquement des hommes, et quand des femmes sont mises en selle, c’est toujours avec un homme à l’avant… histoire de les guider sur le chemin de la réussite, j’imagine ? Hasard de banque d'images ou tendance inconsciente de fond, dans tous les cas ce dossier a été révélateur de bout en bout… ce qui me conforte dans mes efforts permanents d’essayer de déconstruire ces schémas sexistes, qu’il m’est aussi arrivé de véhiculer sans m’en rendre compte.
Alors, quel rôle la communication interne peut-elle jouer pour équilibrer les représentations femmes-hommes en interne, auprès des collègues et des élu·es, au-delà des campagnes ou actions événementielles et ponctuelles autour du 8 mars ? L’utilisation de l’écriture inclusive a l’avantage de permettre d’initier un mouvement de fond, qui peut toucher un grand nombre de lecteur·ices, de la rédaction des circulaires de recrutement à celle des mails, dans le magazine interne, sur l'intranet, les guides, ou encore sur les cartes de visite.
Se pose la question de la légitimité de la communication interne pour en faire un sujet global, à défaut d’être stratégique : se lancer seul·e dans la bataille fait courir le risque de passer assez inaperçu·e voire inaudible ; mais peut-être est-ce notre rôle d’initier la démarche en lançant le point dans la mare…
En tout cas, j’espère que la lecture de ce texte ne vous a pas piqué les yeux !