Les 5 missions prioritaires du communicant public en 2021
Subtil exercice d’équilibriste pour les dircoms en cette année qui sera certainement aussi singulière que 2020. En cette première année post-municipales, année des élections départementales et régionales et seconde année de pandémie mondiale, quelles peuvent être les priorités du bon communicant public ? Des éléments de réponse dressés par vos collègues laissent entrevoir l’équilibre à trouver.
Il va falloir prioriser, c’est ce que les élus attendent des stratégies de communication qu’ils demandent à leur communicant. Mais les missions des communicants publics sont larges. En privilégier certaines, c’est là toute l’expertise du communicant public qui prend en compte son territoire et l’état de l’opinion.
Selon les dircoms interrogés en 2018 sur leurs missions du moment, celles du monde d’avant, le classement était sans surprise.
- D’abord, informer sur les politiques publiques, les réalisations, les projets, la gestion de l’institution.
- Ensuite, apporter des informations pratiques sur les services publics aux usagers.
- Puis, promouvoir le territoire et contribuer à son développement.
- Viennent ensuite des missions jugées moins essentielles comme animer la vie locale et favoriser la participation des citoyens à la vie démocratique.
- En queue de peloton, contribuer à faire évoluer les comportements.
L’année 2020 est venue redéfinir ces priorités. Le dernier Comité de pilotage de Cap’Com, qui a réuni une quarantaine de dircoms en visioconférence, a pris le temps d’un débat pour entrevoir la stratégie du communicant public en cette nouvelle année. Cinq priorités se dégagent pour l’année.
1. Informer sur la réalisation des projets politiques
Le début des mandats locaux 2020-2026, déjà amputé de deux mois pour les 30 000 élus au premier tour et de trois pour les élus au second – et pour ceux des intercommunalités –, a été confisqué par la crise. Difficile de parler de projet de mandat ou de territoire (quand ceux-ci ont pu être votés) entre deux vagues pandémiques et dans une situation sociale et économique tendue. Pour les communicants, il a fallu jongler ces derniers mois entre prise en compte des premières orientations de l’exécutif et communication sanitaire. Et pour certains, entre deux postes. Le mercato des communicants se poursuit et en ce début d’année un certain nombre de dircoms arrivent dans leur nouvelle collectivité. Juste au moment où les maires prennent la parole pour les premiers vœux du mandat et en profitent pour parler – enfin – des projets au long cours et de leur choix pour leur territoire.
Accompagner l’adaptation de la prise de parole politique
Pour cette première prise de parole politique de l’année, le maire, élu de proximité, reste à distance dans la majorité des cas. Si certains élus maintiennent la cérémonie des vœux, nombre d’entre eux s’adressent à leurs concitoyens sur le web et en vidéo. La plupart se sont adaptés à vitesse grand V à la nécessité d’utiliser les outils numériques sous la pression de la situation sanitaire. Et leurs administrés aussi. Quelle que soit l’évolution de la pandémie en 2021, cette accélération des usages numériques a porté un coup fatal à la communication verticale. Elle a changé durablement les modalités du dialogue entre le politique et le citoyen. Un citoyen toujours en attente de proximité, qu’elle soit physique ou numérique, mais aussi d’authenticité et de transparence. Mais si la crise provoque une évolution des pratiques et des comportements, elle accélère aussi une prise de conscience : celle des inégalités numériques. Sur les messages comme sur les usages, les communicants auront à cœur de guider les élus afin qu’ils trouvent le bon équilibre pour rendre audible et lisible leur projet politique du plus grand nombre.
Trouver l’équilibre entre volonté politique et attente des habitants
Ils devront aussi être les garants d’un juste milieu entre le souhait de porter le discours politique et les attentes des citoyens. « La priorité de l’équipe municipale est de parler du programme politique et du plan de mandat. Mais les habitants veulent savoir quand sont ramassées les poubelles », explique un communicant.
En début de mandat, le politique fait forcément pression auprès des dircoms. Mais très vite les équilibres vont se réguler au profit d’une communication plus ouverte aux citoyens.
Un décalage habituel lorsque de nouvelles équipes arrivent – sans doute exacerbé par le voile posé par la covid sur les premiers mois en mairie – entre une volonté politique des élus et des demandes plus pragmatiques des usagers. « En début de mandat, le politique fait forcément pression auprès des dircoms. Mais très vite les équilibres vont se réguler au profit d’une communication plus ouverte aux citoyens », explique une communicante. « Ce n’est pas forcément contradictoire mais révélateur de deux populations très différentes. Il ne faut pas forcément suivre les demandes des habitants. Un dircom peut se donner des objectifs plus politiques et pédagogiques. L’important est de regarder le produit de sortie, consensus entre satisfaction des attentes et l’accompagnement d'une com de projet politique », appuie un autre.
2. Favoriser la participation des citoyens
La participation citoyenne est à l’ordre du jour. L’année passée l’impose et la mission, qui pouvait sembler secondaire, se positionne dorénavant comme essentielle.
Les promesses électorales ont été nombreuses en matière de concertation. Mise en place d'un budget participatif, instauration d’un référendum local d’initiative citoyenne, tirage au sort pour inclure des habitants au cœur des processus de décision… les idées et les engagements ont été foisonnants mais pas forcément faciles à mettre en place. Maintenant, il va falloir que les nouvelles équipes municipales passent rapidement à l’action.
La période covid a aussi manifestement représenté un frein aux dispositifs de concertation. Bien évidemment toutes les réunions publiques, qui restent la base de la concertation, ont été limitées. Mais les dispositifs numériques qui permettent de recueillir les avis, de proposer des actions, de concerter sur des projets, ont parfois été mis en veilleuse. Les préoccupations liées à la pandémie ont pris le pas et l’ambiance n’était pas là.
« Il faut noter l’envie de participation des citoyens au-delà de la période particulière des élections municipales sous covid », reconnaît un dircom du Comité de pilotage de Cap’Com. En effet, les habitants sont aujourd’hui dans l’attente, comme nous le rappelle aussi la dernière édition du Baromètre de la communication locale de juillet. Les citoyens souhaitent que les dispositifs de participation citoyenne se développent, nous indique ce sondage. D’une manière générale, ils jugent très favorablement les dispositifs de participation et estiment qu’ils peuvent permettre d’améliorer la gestion locale.
Faciliter l’engagement des citoyens et faire vivre les dispositifs de concertation
La communication publique doit donc être à ce rendez-vous. Il va s’agir à la fois de faciliter l’engagement des citoyens dans les dispositifs de concertation et ensuite de faire vivre ces dispositifs dans la durée.
Le Baromètre de la communication locale nous le signale fort justement : deux tiers des Français n’ont pas vraiment connaissance des dispositifs de participation qui leur sont proposés. Une meilleure information s’impose donc. Mais favoriser la connaissance des dispositifs commence par l’identification des publics les plus éloignés de cette offre. Les jeunes, les précaires, les nouveaux arrivants.
Il va falloir se battre pour remettre le citoyen au cœur des échanges.
Il revient aussi à la communication d’accompagner les dispositifs mis en place. Car nous savons que c’est dans la durée que la concertation fonctionne et donne des résultats. Mais elle demande un fort engagement de la communication pour maintenir le dynamisme des démarches. L’avenir nous dira, par exemple, si les nombreux budgets participatifs se confortent avec les années ou périclitent faute du maintien d’une communication adéquate. « Nous regrettons tous l’infantilisation que nous venons de vivre, au détriment du débat et du dialogue », déclarait un communicant public. « Il va falloir se battre pour remettre le citoyen au cœur des échanges. »
3. Contribuer à faire évoluer les comportements
Les communicants publics ont conscience de leur responsabilité dans l’accompagnement de la transition socio-écologique. Ils cernent de mieux en mieux ce que l’on va attendre de la communication et ce que cela va changer dans leur métier. Contribuer aux changements de comportement devient une des missions fondamentales du communicant public.
Les mutations en profondeur dans l’organisation de la société, la consommation, le travail, les loisirs vont s’avérer indispensables et pas forcément évidentes. Les nouveaux élus sont engagés dans la construction de territoires résilients et attendent que la communication accompagne cette transition. Et les habitants sont aussi dans l’attente, ils ont pris conscience de la nécessité de changer leurs modes de vie, mais ils estiment qu'il appartient aux pouvoirs publics de les aider à passer à l’action.
La transition environnementale a besoin d’une parole publique forte et audible. Pour le communicant public, cela veut dire qu'il va devoir se donner trois objectifs.
Sensibiliser aux enjeux de la transition
La construction d’un discours sur la transition est à élaborer sur chaque territoire. Au-delà du catastrophisme, de l’injonction, de la culpabilisation, pour que la parole publique soit audible il faut que le discours territorial porte un imaginaire positif. La transition est un passage mais le monde d’après doit être désirable. Il faut faire apparaître la ville, le territoire de demain et ses atouts. La déclinaison de la vision qu’en ont les élus est à positiver.
Expliquer les politiques publiques nouvelles et parfois contraignantes
Les citoyens sont en mesure de décrypter la sincérité de la parole publique et identifier les dissonances dans les discours autour de l’environnement.
ll est de la responsabilité de la communication publique d’être transparente, cohérente et pédagogue dans les discours sur l'environnement.
Il est donc de la responsabilité de la communication publique d’être transparente, cohérente et pédagogue. Cohérence entre les annonces politiques des élus et les mesures prises, entre le message et son support, entre la communication des différents émetteurs publics. Transparence dans les sources, dans l’accessibilité des données, dans les objectifs, dans les résultats et l’évaluation. Pédagogue avec des messages adaptés aux différents publics cibles, capables de tenir dans la durée, ne refusant pas la complexité des sujets en se donnant les moyens d’expliquer, voire de former.
Induire les changements de comportement
« Aujourd’hui, 85 % des personnes interrogées déclarent que l'environnement est vraiment important mais seulement 15 à 20 % agissent », expliquait Erwan Lecœur, lors d’un récent webinaire de Cap’Com. « Il faut mettre en adéquation ce que les gens pensent et ce que les gens font, et donc, pour un communicant public, travailler sur les ressorts des changements de comportements. » Pour contribuer à faire évoluer les comportements et les attitudes, l’apport des sciences humaines sera essentiel. De même que la capacité de la communication publique à conseiller et à entraîner les parties prenantes, en interne comme sur le territoire. De nouveaux champs pour une stratégie de communication qui devra tisser des relations avec le monde culturel et artistique local – qui crée de nouveaux imaginaires –, avec le monde économique – qui innove, produit et engendre les besoins – et avec les citoyens sans lesquels la transition ne se fera pas.
4. Acculturer les nouvelles équipes d'élus
Les élections municipales de 2020 ont conduit à changer la majorité municipale dans près de 25 % des communes de plus de 15 000 habitants. Le communicant va devoir poursuivre l’accompagnement de ces nouvelles équipes et de tous les nouveaux élus dont c’est le premier mandat politique. Et éviter ainsi le mélange des genres entre communication politique et publique. « Certains élus font le choix peu pertinent de politiser complètement la communication : le maire en photo et en citations sur toutes les pages dans le futur magazine local, par exemple », explique un dircom. « On peut certainement parler de péché de jeunesse des élus », abonde un autre. « J’ai le sentiment que ce phénomène de communication politique partisane est courant et habituel pour toutes les nouvelles équipes lors d’une alternance », ajoute un troisième.
C’est reparti pour la pédagogie
Pour rétablir l’équilibre entre communication politique et publique, le communicant devra (re)prendre et garder en main son bâton de pèlerin et acculturer les élus aux différents dispositifs : notes, conférences d’experts, formations. Mais pour Didier Rigaud, consultant en com publique, les élus ont très peu de temps pour vous écouter. Pour les interpeller efficacement, il recommande de leur présenter « le triangle de la communication ».
Ce triangle montre que – sur le territoire et dans le cadre de la stratégie globale – trois publics sont en interaction : les élus, la population et les services de la collectivité. Pour chaque public, une fonction de la communication est adaptée : communication politique, communication externe ou d’accompagnement des services, communication interne. « Ce triangle interpelle généralement les élus. Les trois pieds de la communication sont là, s’il en manque un, s’il n’y a pas les trois dimensions, la stratégie est bancale ou dissonante », précise Didier Rigaud.
Fixer le cadre de collaboration
Pour les dircoms qui prennent tout juste leur fonction (et pour ceux qui ne l’auraient encore pas fait), c’est aussi le bon moment pour caler les règles de fonctionnement et de validation avec les élus, de la prise de commande à la validation finale. Un cadrage particulièrement utile dans le domaine numérique, qui évitera des allers et retours incompatibles avec la temporalité du web en général et des réseaux sociaux en particulier. Autre priorité qui n’en était pas une en 2014 dans toutes les collectivités : clarifier les processus relatifs à la com de crise.
Au-delà de l’aspect opérationnel, « les responsables communication doivent être en capacité de proposer leur vision de la communication. Et cette étape définira le positionnement de la communication que vous proposerez à vos élus : vous aurez à leur faire faire le choix entre une fonction stratégique et une fonction ressource », explique Pierre Chavonnet, maire de Gerberoy et directeur du pôle Marques et transformation chez Occurrence.
Accompagner les élus des régions et départements en période électorale
Même si la date précise devrait être annoncée très rapidement, les scrutins régionaux et départementaux semblent prévus pour juin 2021. En attendant, parmi les priorités du premier semestre des communicants de ces collectivités figureront en bonne place l’acculturation des élus aux règles de communication en période électorale et le suivi de la jurisprudence. En la matière, des enseignements peuvent être tirés des contentieux des dernières municipales. Des conclusions fort utiles pour ce qui sera sans doute la deuxième campagne électorale française en temps de pandémie.
5. Promouvoir autrement son territoire
En 2020, les collectivités n’ont pas ménagé leurs actions de promotion pour soutenir les acteurs de leur territoire : les commerces et les entreprises locales pendant et après les phases de confinement, ou les acteurs touristiques pendant la saison estivale. Bon nombre de professionnels du marketing territorial ont su saisir l’occasion de mettre en avant des caractéristiques territoriales devenues des atouts avec le confinement et la situation sanitaire pour attirer des touristes et de nouveaux habitants aux aspirations renouvelées. Ils doivent maintenant transformer l’essai pour soutenir efficacement et dans la durée des acteurs locaux face aux dommages collatéraux de la crise.
Repositionner sa démarche d’attractivité
Pour réussir cette transition, les professionnels du marketing territorial ne peuvent passer outre aux grands enjeux de société et à l’évolution des comportements pour adapter son positionnement, et le valoriser. Le jeu territorial a durablement changé avec la crise, renforçant des tendances déjà perceptibles dans le « monde d’avant ». Début 2020 déjà, la notion d’identité des territoires revenait au cœur des échanges lors des Rencontres du marketing territorial, soufflant le froid sur des concepts éculés de marques de territoire d’apparat vides de sens. Avec en creux l’impérieuse nécessité de l’authenticité.
Il faudra concevoir autrement les démarches de marketing territorial, plus durables et plus éthiques pour être plus en phase avec les attentes et la demande des usagers.
Les enjeux environnementaux et sociétaux eux non plus ne sont pas arrivés comme par magie dans le cahier des charges de la promotion territoriale. Mais la crise en a accéléré la prise en compte. Slow tourisme, tourisme responsable, de proximité, mobilité douce…, il faudra concevoir autrement les démarches de marketing territorial, plus durables et plus éthiques pour être plus en phase avec les attentes et la demande des usagers.
Jouer collectif en dedans et au-delà
Là encore, l’enjeu n’est pas nouveau. Mais en tant que révélateur des capacités de mobilisation, la crise représente un véritable tremplin pour entamer des réflexions collectives sur ce que veulent les collectivités et acteurs locaux pour le développement de leur territoire... au singulier ou au pluriel. Pour plus de cohérence et d’efficacité, pourquoi ne pas envisager la destination comme un bassin de vie réel, peu importe les collectivités et structures administratives qu’il chevauche ? Mais attention dans ce jeu collectif, des participants récurrents ne doivent pas rester sur le banc de touche : les habitants. Ce public est impacté dans son quotidien par les démarches d’attractivité : qui dit touristes dit risque de pollution, de saturation des équipements ou encore d’élévation des prix et, en ces temps de pandémie, de contamination. Sa prise en compte passe par l’intégration des notions d’acceptabilité et de valorisation en interne de l’impact positif des démarches d’attractivité dans les actions. Un marketing territorial plus soutenable, dont la construction mobilisera les échanges des premières Rencontres de l'année, celles qui réuniront, en présentiel pour la majorité nous l'espérons, les professionnels du marketing territorial à Annecy les 25 et 26 février.