Les dircoms aiment l’amour qui fait boum !
« Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny, envoie-moi au ciel … ». C’est en sifflotant ce tube de Boris Vian, que j’écris ce nouveau billet ! La raison en est simple. Elle réside dans la lecture d’offres d’emploi ou de stage.
Par Marc Thébault
En ce qui concerne l’emploi, j’ai en tête l’annonce d’une collectivité qui, recherchant un communicant, précise au chapitre des contraintes liées au poste, outre les horaires « irréguliers et avec une amplitude variable » et les « pics d’actualité » impliquant une grande disponibilité, qu’elle souhaite des candidats dotés d’une « capacité à travailler avec une forte pression ». Inutile de préciser que cette phrase m’a interrogé fortement.
D’emblée, écartons les jeux de mots approximatifs et déplacés qui voudraient tisser un lien entre communicants publics et plongeurs en eaux profondes, je ne pense pas que la pression évoquée dans l’annonce se mesure en bar. Sauf à imaginer qu’il s’agit alors de bières en pression bues, justement, au coin du bar. Le communicant public ne dédaigne pas la chopine, certes, comme il a appris depuis longtemps à se faufiler entre les requins, à se lester pour avoir du poids ou à cracher dans son masque pour tenter d’y voir clair. Mais je pense que la bonne interprétation n’est pas à rechercher de ce côté et je suis quasiment certain que les rédacteurs de l’annonce ont voulu sous-entendre bien autre chose. Par ailleurs, faut-il analyser par le Droit cette formulation, au nom du doute sur les fondements d’une annonce qui promet aux candidats d’en prendre plein la tronche, à l’heure où les politiques se remobilisent sur les notions de harcèlement au travail ? Je ne crois pas.
Bien au contraire, je pense qu'il convient de saluer l’honnêteté d’une telle rédaction (pour mémoire : « capacité à travailler avec une forte pression ») qui, pour une fois, écrit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : être communicant - public ou privé d’ailleurs - n’est pas toujours une partie de plaisir. Cette formule est donc la reconnaissance, désormais officialisée, du fait que ce poste n’est pas tout à fait comme les autres.
Parce qu’en réalité, il ne s’agit pas d’une pression, mais de plusieurs ! J’en imagine au moins 5 !
1 - Pression des délais. Vous le savez, le communicant n’est pas le maillon faible de la chaîne communicante de sa collectivité, il en est le dernier ! C’est donc à lui d’être dans la capacité d’absorber tous les retards accumulés en amont de sa saisie et de réduire, autant que faire ce peut, ceux qui surgiront au gré des étapes de fabrication et de validation. Le tout avec l’imprimeur pendu au téléphone qui veut savoir, là et tout de suite, s’il doit continuer à bloquer ses machines jusqu’à la Saint-Glinglin ? Sans oublier que, en général, c’est de préférence dans l’urgence et un vendredi en fin d’après-midi que l’on souhaitera le mobiliser pour un document à réaliser séance tenante. Un lundi matin, c’est nettement moins drôle.
2 - Pression du résultat. La tentation de considérer la communication comme un ensemble de trucs et de recettes magiques, apte à déclencher avec une seule affiche l’adhésion de tous sur un projet, ou capable de faire taire, avec un seul encart publicitaire, tous les récalcitrants : voici autant de croyances à combattre, en tous les cas à supporter.
3 - Pression budgétaire. Encore un constat à rappeler : en cas de crise ou de période de rigueur, c’est bien le budget communication qui devient la première cible des mesures d’économies envisagées, alors qu’il est le plus souvent le plus mince des budgets de fonctionnement d’une collectivité et que, histoire que tout cela reste drôle, c’est justement en période délicate que l’on demande aux communicants de communiquer plus.
4 - Pression créative. Avoir des idées … tout le temps … et des idées différentes à chaque fois … c’est épuisant, non ? Surtout si vous venez de réussir une opération, car vous savez qu’alors on attendra de vous encore plus la prochaine fois. Il faudra donc se renouveler sans cesse, régénérer sa créativité à chaque nouvelle action. En somme, être capable de poser un regard toujours vierge sur les commandes qui nous échoient.
5 - Pression humaine. Loin d’être une science exacte, la communication déclenche, chez les communicants s’entend, bien plus de doutes que de certitudes. On avance à tâtons, on apprend après coup, on expérimente en temps réel … autant de situations qui font que les nuits du dircom sont, bien plus que de raison, plutôt peuplées de questionnements récurrents, voire obsessionnels, que de rêves bleus et doux. Le tout, dans une ambiance générale que l’on pourrait baptiser "la logique floue", en empruntant cette terminologie à un maire qui mettait un point d’honneur à prévenir ses collaborateurs qu’ils auraient à subir ordres et contrordres, sodomisation de diptères (au niveau symbolique, dois-je le préciser ?) au moment des choix tactiques et coupage de cheveux en infimes parties à l’instant de la validation finale.
Mais, en définitive, outre le fait que l’inscription de cette condition, en forme d’avertissement, dans une annonce de recrutement est une forcément signifiante de ce qu’un employeur attend de son futur communicant, notons également qu’elle est à coup sûr révélatrice du penchant sado-maso des candidats qui s’empresseront de répondre. On aime l’amour qui fait boum, je vous le disais !