Les dircoms en campagne
À l’approche des élections municipales, les dircoms font valoir le côté politique de leur métier. Consultés pour le Forum Cap’Com, ils dessinent le rapport qu’entretient la communication publique avec le projet politique de leur collectivité. Confiance, loyauté, proximité politique, le positionnement de la communication doit-il reposer sur la relation personnelle que tisse le dircom avec son élu ?
Ce fut une des spécificités du Forum Cap’Com de Bordeaux. En décembre, à trois mois des élections locales, les communicants publics abordent frontalement une question qui les taraude depuis toujours : le rapport de la communication publique au politique.
L’étude (1) Cap’Com/Occurrence « La mandature sous l’œil des communicants publics » (octobre 2019) assoit le débat en ayant collecté les avis de plus de 100 dircoms de villes et d’intercommunalités. Un premier regard de leur part permet de dresser un bilan de la communication de la mandature municipale en identifiant les aspects positifs et les freins rencontrés.
Puis la question centrale vient avec des révélations issues de l’étude. 59 % des dircoms interrogés reconnaissent que leur métier est davantage politique que technique. « Je ne comprends pas vraiment ceux qui se positionnent comme principalement techniques », explique Laurent Riéra, directeur de la communication et de l’information de la ville de Rennes et de Rennes Métropole. « La politique c’est un projet et c’est la démocratie qui conduit à le réaliser dans l’intérêt public. »
« Le rapport de la communication publique au politique », grand débat du 31e Forum de la communication publique, jeudi 5 décembre 2019 à Bordeaux.
Le Forum Cap’Com a porté un regard sur le rapport au politique des directeurs et responsables de la communication territoriale.
Avec Sandrine Javelaud, directrice de la communication de la ville de Limoges, Béatrice Managau, directrice de la communication de la ville de Toulouse et de Toulouse Métropole, et Laurent Riéra, directeur de la communication et de l’information de la ville de Rennes et de Rennes Métropole. Débat animé par Alain Doudiès, consultant, ancien directeur de la communication, et Pierre Chavonnet, maire de Gerberoy et directeur du pôle marques et transformation du cabinet d’études Occurrence.
Le métier serait donc politique. Le regard des directeurs de cabinet des maires le confirme. Une grande majorité d’entre eux, selon une autre étude de Cap’Com datant de 2017, reconnaissent la dimension politique de la communication publique de leur collectivité.
Entre proximité politique et professionnalisme
Si le métier est politique, quelles relations doit tisser un dircom public avec ses élus ? Quelle proximité, voire complicité, doit-il entretenir ? La proximité semble être un impératif qu’expriment tous les dircoms. 87 % d’entre eux, selon l’étude, estiment que le bon positionnement de la communication dans la collectivité implique une proximité politique entre le dircom et son élu. Point de communication publique sans cette relation un peu particulière qui est ainsi tissée. « Il est clair que nous avons une proximité forcément politique », renchérit Sandrine Javelaud, directrice de la communication de la ville de Limoges. « Ceci n’empêche pas que mon maire est venu me chercher au regard de mon expérience professionnelle. »
Mais sur quoi doit reposer cette relation de proximité ? Sur un dévouement aveugle à la cause de son élu ? Sur une capacité à faire valoir avant tout son professionnalisme et les limites de la communication publique ?
Pour Béatrice Managau, directrice de la communication de la ville de Toulouse et de Toulouse Métropole, cette relation est empreinte de professionnalisme et de loyauté. « Mais loyauté n’est pas synonyme de soumission. » Ayant travaillé avec des maires différents, Béatrice Managau reconnaît que « c’est à la fois ma connaissance de la collectivité et du métier, et mon engagement loyal envers le maire et son projet qui sont les piliers de la relation de confiance que j’ai préservée ».
Le contrat de confiance
La confiance, l’assurance d'une personne qui se fie à une autre, serait-elle la base de cette relation tant recherchée ? « Je n’envisage pas mon métier sans cette confiance entre moi et mon élu, explique Sandrine Javelaud, et c’est cette confiance qui me donne des marges de manœuvre professionnelle. »
La confiance me donne des marges de manœuvre professionnelle.
Sandrine Javelaud, dircom de Limoges
Faut-il pour autant faire allégeance au projet politique de son exécutif ? « Il faut qu’il y ait un projet et que celui-ci nous embarque », reconnaît Laurent Riéra. « Oui, confirme Sandrine Javelaud, dircom de Limoges, mais je garde une certaine distance, ce qui me permet de dire à mon maire ce qui ne va pas et ce qui fait que je suis associée au projet dans le rôle qui est le mien. »
La pleine prise en compte du projet politique de la majorité municipale apparaît sans conteste comme un impératif, selon presque tous les dircoms interrogés. La légitimité et l‘efficacité de la communication en dépendent, reconnaissent-ils.
Rien d’étonnant donc si, dans la période préélectorale, alors même que la communication publique connaît des restrictions, les dircoms des communes et des intercommunalités se sentent « en campagne ». Pour un tiers d’entre eux, ils sont engagés à la fois professionnellement et personnellement. Pour un autre tiers, l’engagement est surtout professionnel.
Plus aucun doute, les élections municipales devraient donc conduire à un certain renouvellement des dircoms. Car tous ne pourront avec leur nouvel élu retisser cette relation de confiance qui s’impose. Cette fragilité est une caractéristique du métier que prennent en compte les dircoms et qui, fort heureusement, ne touche pas l’intégralité de l’équipe communication de la collectivité.
(1) Enquête réalisée par Cap’Com avec l’expertise de l’institut d’études Occurrence auprès de 113 directeurs de la communication de villes et intercommunalités. Questionnaire en ligne conduit en octobre 2019.