Les priorités de la com interne à l’heure des nouveaux mandats
Si le rôle essentiel de la communication interne a été reconnu pendant le confinement, il faut désormais capitaliser sur l’après-crise et sur l’arrivée de nouvelles équipes pour transformer cette reconnaissance en légitimation. À ce titre, réaffirmer la communication interne comme une fonction stratégique au sein des organisations est l’une des priorités des communicants internes à l’heure des nouveaux mandats.
Rassemblés le 8 septembre 2020 à Paris, dans le cadre des Rencontres nationales de la communication interne, les professionnels du réseau ont fixé leurs priorités. Alors que les nouveaux mandats représentent un moment privilégié pour légitimer la fonction, les communicants internes ont dressé leur feuille de route pour amorcer cette nouvelle période. Retour sur les principaux points abordés lors de leurs échanges.
Auprès des nouveaux élus : repositionner la com interne comme un pilier à part entière de la communication globale
La période postélectorale est une opportunité pour expliquer le rôle de la communication interne et la repositionner auprès des nouveaux élus non pas comme un simple relais d’informations RH, mais comme un pilier à part entière de la stratégie globale de communication. Plusieurs actions et arguments de base viennent soutenir ce positionnement.
Ne pas oublier que la communication interne influence (aussi) l’opinion publique
Pour Didier Rigaud, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, il est important de revenir aux fondamentaux « en faisant comprendre aux élus et à la direction générale – sensibles à l’opinion publique – que l’interne est un véritable relais d’information et d’opinion vers les publics externes. (…) Il faut expliquer que, lorsqu’on diffuse des informations en interne, cela impacte un quart de la population. Car chaque agent a un réseau social (voisin, famille, etc.). S’il est satisfait et fier de travailler pour sa collectivité, s’il a compris le projet global et les politiques mises en place au moins dans son domaine, il va en parler et donc influencer l’opinion de son entourage. Cela a été renforcé avec les réseaux sociaux numériques. Cela veut dire que la com interne reste de la communication globale. »
Interpeller les élus en leur présentant « le triangle de la communication »
En début de mandat, plusieurs dispositifs peuvent être mis en place pour acculturer les élus. Des conférences d’experts ou bien des formations à destination des nouveaux élus peuvent expliquer ce qu’est la communication publique au sens large. Mais pour Didier Rigaud, « les élus ont très peu de temps pour vous écouter, même si vous faites une note argumentée et synthétique de quelques pages ». Aussi, pour les interpeller efficacement, il recommande de leur présenter « le triangle de la communication ».
Ce triangle montre que – sur le territoire et dans le cadre de la stratégie globale – trois publics sont en interaction : les élus, la population et les services de la collectivité. Pour chaque public, une fonction de la communication est adaptée : communication politique, communication externe ou d’accompagnement des services, communication interne. « Ce triangle interpelle généralement les élus et ils prennent conscience de l’importance de l’interne. Les trois pieds de la communication sont là, s’il en manque un, s’il n’y a pas les trois dimensions, la stratégie est bancale ou dissonante », précise Didier Rigaud.
Auprès des autres services et directions : affirmer le rôle stratégique de la com interne et augmenter ses moyens
Si la crise a révélé toute l’importance de la communication interne, elle a surtout interrogé le métier, sa fonction et son positionnement au sein des collectivités et organismes publics. Pour Jean Breillat, responsable de la communication interne de la ville de Tours et de Tours Métropole Val-de-Loire, « la crise a révélé que la communication interne n’est pas superfétatoire et qu’elle a besoin de davantage de moyens. Il faut désormais affirmer un rôle stratégique qui est sous-valorisé et sous-estimé, et j’en veux pour preuve les budgets respectifs entre com interne et com externe qui, en termes de proportion, sont très déséquilibrés (…) ».
Travailler son plan de com interne
Pour lui, le plan de communication interne est l’acte concret à travailler pour aborder plus sereinement le nouveau mandat : « Pour convaincre par des actes, il faut penser plan de com. Tout comme le plan de com externe est l’outil indispensable du dircom, le plan de com interne et les moyens qui lui sont alloués sont à réinterroger sur la durée du mandat. Il faut être capable non pas de répondre à l’immédiateté de la crise Covid par exemple, mais de se projeter sur trois ou quatre axes forts de communication interne à long terme qui pourraient être : comment toucher l’ensemble des agents, comment renforcer le sens et la culture commune, etc. »
Revendiquer de participer aux comités de direction et d’être en lien avec le cabinet
Pour ne pas se retrouver confronté à des messages incohérents avec les préoccupations quotidiennes des agents, ou bien pour leur assurer la primeur des annonces importantes, « il n’est pas inutile de revendiquer de participer aux comités de direction – sans toujours intervenir – au moins pour écouter et anticiper », rappelle Didier Rigaud. « Il faut être présent en amont et avoir des relations avec le cabinet pour savoir quel est le projet politique et comment cela va se traduire concrètement dans le quotidien des agents. Il est important de transmettre le projet en interne, sans être partisan, mais pour rapporter les choix. » Même constat pour Jean Breillat, pour qui « la communication interne doit être au cœur de l’accompagnement des changements, de toutes formes de crises, de l’évolution du climat social. Elle doit sans doute être en lien permanent avec la communication externe, la DRH, la DSI et aussi avec le cabinet. La com interne, lorsqu’elle s’adresse à des agents avec des sujets structurants et stratégiques, doit être en lien avec le cabinet. »
Renforcer le rôle de médiateur du communicant interne pour accompagner la construction du dialogue
En outre, l’un des enjeux forts pour les communicants internes est de retrouver un rôle pivot, de médiateur, qui vient nourrir le dialogue permanent entre toutes les composantes d’une collectivité. Cela passe notamment par le fait de replacer les services au centre de l’action et de travailler en transversalité avec eux. Christine Hiaumet, responsable de la communication de l’hôpital Montfermeil, en a fait l’une de ses priorités stratégiques : « Alors qu’avant, l’intégralité des grandes orientations était descendante, nous avons retravaillé une stratégie qui place véritablement les services au centre de l’action. Et cela va aider la communication interne à mieux se positionner dans l’organisation générale, il faut capitaliser là-dessus. »
Pour Jean Breillat, et à l’échelle d’une collectivité, « ce qui est important c’est d’animer un réseau d’agents qu’on accompagne et qu’on valorise. C’est parce qu’un contenu est co-produit, qu’il est approprié. C’est parce qu’on n’est pas les seuls à décider autoritairement de ce que l’on va dire qu’il sera reconnu comme reflétant les agents. Dans nos outils, il faut avoir l’obsession demain de faire en sorte que les gens puissent s’exprimer mais surtout qu’ils aient la possibilité de se retrouver vraiment. Il faut être sur un mode projet avec une dynamique de co-production et de partage d’information ». Selon lui, « ce rôle de médiateur permet de véhiculer du sens commun tout en étant la garantie d’une certaine transparence. Et ce rôle-là pose la fonction communication interne en électron libre, assez indépendante du système, qui doit rendre des comptes mais être assez libre ».
Maintenir le lien avec les agents et adapter les supports
Plus que le développement des supports numériques, c’est surtout leur valeur ajoutée et leur accessibilité qu’il faut travailler. Comme le précise Anne-Claire Dubreuil, directrice de la transformation numérique du Sicoval, lors de son retour d’expérience sur l’inclusion numérique, « il faut avant tout faire comprendre les enjeux du numérique aux agents, avant même de les former à utiliser les outils ». Mais l’innovation n’est pas toujours technologique, et l’adaptation des supports en communication interne passe beaucoup par les dispositifs mis en place pour maintenir le lien et le contact physique avec les agents, comme le souligne Jean Breillat : « Il faut réinventer des moyens de communication qui ne sont pas seulement numériques. Il faut se déplacer physiquement, et c’est l’une des leçons principales de cette crise. Cette obligation de maintien du contact humain est à réinterroger, à réinventer sous des formes parfois très simples, qui peuvent paraître anecdotiques : ateliers, déjeuner, pique-nique organisé, visites de chantiers proposées en primeur aux agents, accueils des nouveaux recrutés, sessions de découvertes de musées, petits cafés com où on va les rencontrer, aller à la rencontre aussi des N-1… c’est faire en sorte qu’ils aient aussi l’occasion de se retrouver, sans nous. Tout ça n’est pas en soi de l’innovation, mais ce sont ces actions qui nous permettront d’avoir un accompagnement permanent pour être à l’écoute des agents, et reconnus comme cela. »