Les professionnels du marketing territorial élargissent leurs horizons
Après plusieurs années de réflexions sur les moyens d’aller vers un marketing territorial plus durable et plus inclusif, les professionnels de l’attractivité sont passés à la vitesse supérieure. Réunis à Calais dans une ambiance studieuse et conviviale, ils ont défini quelques axes de travail concrets pour les années à venir. Retour sur les travaux de ces 10es Rencontres nationales du marketing et de l’identité des territoires.
C’est à Calais dans les Hauts-de-France que les Rencontres nationales du marketing et de l’identité des territoires ont fêté leur 10e anniversaire. Un événement placé sous le signe du dragon, riche d’expertise et de convivialité partagées par le territoire d’accueil. 150 professionnels de l’attractivité étaient réunis à la Cité de la dentelle et de la mode, lieu emblématique de la ville. Ensemble, ils ont dressé le tableau des nouveaux enjeux du marketing territorial et ont dessiné des pistes de travail. Marquante, l’édition a permis d’entrevoir de nouvelles manières de faire. L’occasion également de réfléchir à la structuration des identités locales mais aussi et surtout à la manière d’intégrer avec sincérité l’humain et le patrimoine dans les démarches d’attractivité.
Le recul d’une décennie pour aller de l’avant
En ouverture de ces journées, un panel d’experts était présent pour tirer le bilan de 10 années de marketing territorial, examiner les nouveaux défis du métier et envisager la feuille de route de demain. Une table ronde qui a détaillé et analysé les principaux points d’attention pour la mise en œuvre de stratégies d’attractivité durables. La synthèse de ces échanges fera l’objet d’une prochaine publication. Néanmoins, plusieurs messages portés par les intervenants peuvent être avancés.
- Le récit de territoire doit se fonder sur la réalité, en acceptant de se regarder objectivement, pour qu’il y ait un maximum de congruence entre l’argumentaire promotionnel et le vécu concret des cibles.
- La mise en marque du territoire nécessite une réflexion stratégique qui donne une place centrale au projet de développement territorial.
- La co-construction et la mobilisation des parties prenantes sont essentielles.
- Promouvoir une expérience réelle et véritablement vécue est l’une des valeurs fortes du marketing territorial aujourd’hui.
- Ensuite, on peut créer l’univers d’expression du territoire, son identité visuelle, le concept et la bannière de communication pour incarner la stratégie.
Une rétrospective intéressante et utile car elle permettra d’argumenter auprès de nos élus sur l’importance d’une démarche complète et sincère.
Retour d'un participant à ces journées
La valorisation du patrimoine, un réel levier d’attractivité
Après un coup de rétroviseur sur 10 ans de marketing territorial, coup de projecteur sur les patrimoines. Industriel, architectural, culturel ou encore paysager, le patrimoine a été abordé sous toutes ses formes. Pour autant, les propos tenus tout au long de ces deux jours vont dans le même sens : la valorisation du patrimoine – quel qu’il soit – doit se faire de manière sincère, en s’appuyant sur les réalités vécues.
Venu présenter la stratégie d’attractivité du Havre Seine Métropole, laquelle s’appuie sur la mise en lumière des particularités architecturales et sur l’art contemporain au sein des espaces publics, Jean-Christophe Blanc-Aubert, directeur de la communication de la ville du Havre et de Havre Seine Métropole, invite à déporter le regard tout en s’ancrant dans les réalités locales : « Le patrimoine nous façonne, il dit des choses sur le tempérament et l’identité du territoire. Parfois il faut le révéler, parfois il faut le transcender pour ne pas rester que dans le muséal. Avec la même réalité, il est possible de devenir une destination “tendance”. Ce qui importe, c’est d’asseoir les actions sur un projet de développement du territoire parce qu’il n’est pas possible de bâtir une stratégie d’attractivité que sur des slogans. Il faut un projet. Et ce projet doit être concerté dans sa méthodologie. »
Cette méthode de concertation et d’implication des acteurs locaux a notamment été détaillée par Manuella Cavaco, conseillère municipale déléguée au tourisme durable, qui est venue présenter la trajectoire singulière de la ville de Loos-en-Gohelle. Et c’est en offrant aux habitants de se réapproprier leur histoire au travers du patrimoine minier que la stratégie s’est avérée gagnante.
La valorisation juste et sincère des patrimoines locaux devient donc un élément constitutif des stratégies d’attractivité. Si elle questionne nécessairement l’identité du territoire et structure le faire-ensemble, elle replace aussi et surtout l’humain au centre des dispositifs.
L’humain au cœur des démarches pour des expériences sensibles
D’humains, il en a été question tout au long de ces Rencontres. Exit le tout-branding et les slogans non fondés ! L’heure est à l’authenticité et à la prise en considération de l’histoire, du vécu et de l’expérience sensible.
Ivan Kharaba – docteur en histoire et spécialiste du patrimoine industriel – l’a rappelé lors de sa conférence : « Le patrimoine industriel est partout, sur tous les territoires. Le mettre en lumière revient à révéler l’histoire des hommes, des gens. C’est très important pour les stratégies d’attractivité parce qu’à travers cela on vient signifier l’identité du territoire. Et cette question de l’identité, ce qui fabrique du commun, est essentielle. »
Quand on parle de patrimoine, on parle de l’histoire des humains. On ne peut pas révéler les territoires sans valorisation des patrimoines historiques et industriels.
Ivan Kharaba
Au-delà des questions de patrimoine, c’est l’ensemble des actions et réalisations – de l’univers graphique à l’aménagement urbain – qui s’inscrit désormais dans cette quête de sens. Camille Baudelaire et Olivia Grandperrin, directrices de création, l’ont par exemple présenté lors de l’atelier sur la mise en place d’un univers graphique : en s’appuyant sur le cas de Rennes Métropole, elles ont montré qu’il était possible et pertinent d’ancrer son univers de marque dans une histoire locale, des savoir-faire artisanaux et ancestraux. De même, les experts mobilisés en ouverture ont insisté sur la mise en conformité du projet, de ses réalisations avec le positionnement stratégique de la démarche d’attractivité. Comme le soulignait Anne Miriel, consultante en marketing territorial et fondatrice d'Inkipit : « On est bons pour raconter une histoire, mais on a du mal à connecter ce que nous faisons avec celles et ceux qui fabriquent les territoires pour améliorer l’expérience vécue. »
Nombre de professionnels et d’experts ont insisté sur cette congruence entre les objectifs et les moyens. Et ce, jusque dans les termes et notions utilisés par les professionnels du marketing territorial. À l’issue d’un atelier méthodologique sur l’attractivité des talents, Vincent Gollain – directeur du département économie de l’institut Paris Région – interrogeait le bien-fondé de la notion de « talent » : « Ne faut-il pas plutôt utiliser les termes de compétence ou de savoir-faire, qui renvoient une image moins élitiste et correspondent plus précisément aux objectifs fixés par les stratégies d’attractivité économique ? »
Un événement placé sous le signe du dragon et de la convivialité
C’est la convivialité d’un territoire accueillant et chaleureux, mais également l’implication et l’expertise de tous les professionnels mobilisés, qui ont permis de très nombreux échanges tout au long de ces Rencontres. Comme le précisait Yves Charmont, délégué général de Cap’Com, durant la clôture : « Cet événement a pris une nouvelle dimension à Calais, avec de très nombreuses discussions. Les professionnels n’hésitent pas à partager leurs points de vue, leurs problématiques et leurs réalités. » Outre ces échanges, c’est bel et bien la soirée des 10 ans, organisée en compagnie du dragon, qui a révélé toutes les compétences et toute la chaleur humaine propre au territoire d’accueil.