L'intelligence artificielle aura-t-elle la peau du communicant ?
Invité à participer à une table ronde sur "l’intelligence artificielle à l’écoute du citoyen", rapidement la question m’a été posée sur l’avenir du communicant public face aux perspectives offertes par la puissance des algorithmes. Les robots vont-ils bientôt remplacer les communicants ? Plongeons au cœur de la machine avec une clé de 12.
Par Marc Cervennansky
@Cervasky
Des robots plus intelligents, plus rapides, plus rentables que des êtres humains ? Beaucoup de fantasmes circulent autour de l’intelligence artificielle : de la vision apocalyptique de ce qui se passe déjà en Chine où des citoyens sont filmés, fichés, notés, au transhumanisme qui promet l’Homme augmenté et immortel.
Saint-Graal de la deuxième décennie du 21ème siècle pour certains, l’intelligence artificielle est considérée comme une rupture technologique majeure qui va bouleverser notre société. « Qui maîtrisera l’intelligence artificielle dominera le monde », prophétise même Vladimir Poutine. Excitant, non ?
Des systèmes capables de penser plus vite que l’humain, d'agréger et d’analyser en quelques microsecondes des milliards de données générant une multitude d’applications : détection anticipée de maladies, transactions financières automatisées générant joyeusement des kracks boursiers de quelque 1/1000e de seconde, véhicules autonomes sans conducteur, reconnaissances faciales et vocales permettant la surveillance de la population, hyper ciblage des comportements d’achat, robots tueurs… la palette est large.
Les enjeux stratégiques et économiques sont immenses. Un secteur dominé aujourd’hui par les États-Unis et la Chine. D’accord, mais la communication dans tout cela ?
Heliograf a déja rédigé plusieurs centaines d’articles pour le Washington Post
Des applications sont déjà opérationnelles : le présentateur de télévision virtuel, toujours disponible, jamais malade, présente le journal 7j/7, 24h/24. Génial pour les chaînes d’info en continu qui nous saoulent déjà au quotidien… Et que penser de ce Barack Obama récitant un discours qu’il n’a jamais prononcé ?
Depuis deux ans, le Washington Post a confié la rédaction de plusieurs centaines d’articles à une intelligence artificielle, intitulée Heliograph : elle a déjà couvert les jeux olympiques et les élections américaines.
Le patron de Bloomberg estime pour sa part que 30 % de la production actuelle d’informations de son agence est issu de l’intelligence artificielle. Elle facilite ainsi le traitement de l'information répétitive : les publications de résultats d’entreprises ou les indicateurs économiques.
L’intelligence artificielle dans le bureau d’à côté ?
Le journaliste territorial sera-t-il donc remplacé par une intelligence artificielle qui rédigera toute seule le magazine municipal ? Peu probable à court terme, car cela signifie être en capacité de disposer d’énormes bases de données structurées et régulièrement mises à jour, capables d’alimenter votre journaliste virtuel.
Quand nous avons déjà du mal à obtenir une mise à jour de Photoshop auprès du service informatique, nous ne devons pas encore trop nous inquiéter de la mise en place d’une intelligence artificielle dans le bureau d’à côté.
Mais ne nous voilons pas la face. L’intelligence artificielle aura des conséquences sur la communication publique, comme elle en a déjà avec les algorithmes de Facebook qui nous obligent à bien réfléchir sur comment atteindre une partie de nos abonnés qui ne voient jamais nos publications. Il y a quinze ans, imaginions-nous comment le mobile allait influencer notre manière de communiquer, avec des usagers connectés en permanence, le nez collé sur l’écran et une capacité d’attention réduite à quelques secondes ?
Pour conclure, posons-nous les bonnes questions. L’intelligence artificielle ne doit pas être une fin en soi mais un outil. Quel problème peut-elle résoudre et a quel besoin de communication va-t-elle répondre ? Qu’avons-nous à y perdre et qu’avons-nous à y gagner ?
Et comme le dit si bien le Chat de Philippe Geluck : « L’intelligence artificielle c’est bien. Sauf quand elle se met au service de la connerie naturelle ».
Illustration : photo tirée du film Planète Interdite