Magazine communautaire de Dunkerque : Grand Prix de la presse territoriale 2021
C’est un enfant du temps présent. Ce magazine a été refondu en pleine série de confinements, sur une commande de début de mandat, dans un contexte citoyen déstabilisé. L’équipe de la com de la communauté urbaine s’y est attelée et a accompli un travail plus que convaincant, aujourd’hui salué par le Prix de la presse et de l’information territoriale Cap’Com.
Au départ, et de façon somme toute classique, il s’agit d’une commande de Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque. Il a l’intuition qu’une répartition différente de l’information selon les supports permettrait plus de clarté. Ce qui relève de la proximité sera plutôt traité à l’échelle municipale, et les grands enjeux territoriaux, les dossiers structurants, seront abordés par la Communauté urbaine avec un angle pédagogique, un ton empruntant à « l’éducation populaire ». Il s’agirait de répondre à la question « Comment éclaire-t-on le citoyen pour qu’il puisse se forger son opinion ? ». C’était il y a presque un an. De son côté, Olivier Tartart, rédacteur en chef du mensuel communautaire, commençait déjà à réfléchir à de possibles évolutions, se sentant un peu à l’étroit dans la maquette d’alors. Le temps de la covid fut celui de la gestation, puis de la création.
Prix de la presse et de l'information territoriale 2021
Le magazine de la Communauté urbaine de Dunkerque a reçu, le 8 juin dernier, le Prix de la presse et de l'information territoriale 2021. Plus d'une centaine de professionnels de la communication publique, élus locaux et journalistes se sont retrouvés en ligne, pour découvrir les lauréats lors de la cérémonie de remise des prix. Huit autres publications ont été récompensées d’un prix de catégorie. Un palmarès à découvrir ici.
Repartir de zéro
Pour Olivier Tartart : « À partir du moment où l’on a reçu ces éléments de réflexion, l’ancienne formule du magazine devenait caduque : ton, maquette, format. On a donc fait table rase. Il fallait travailler différemment. » La revue était sans doute trop rigide, très structurée, page par page, avec des espaces pour des brèves, mais pas assez pour un traitement journalistique étendu sous forme de dossiers. Jean-Pierre Triquet, le directeur de la communication et du numérique, va dans le même sens : « L'ancienne maquette était dans la norme. Ni bonne ni mauvaise. Il fallait tout reprendre avec plus d’ambition mais aussi d’imagination. Le boulot que l’équipe a fait, c’est un “pas de côté” et cela s’est fait par étapes lors d’un processus rendu délicat par le distanciel. »
Un travail en interne, au départ avec l’équipe rédactionnelle, puis avec les graphistes, avec un leitmotiv : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui ils pourraient s’inscrire dans une forme de modernité ? Le rédacteur en chef, également responsable du pôle rédactionnel, reprend : « En juin, nous sommes allés voir ce qui se faisait ailleurs. » Ils se sont ainsi nourris pendant tout l’été, à partir d’autres publications des collectivités et surtout de nouvelles publications qui sortent du cadre, comme Zadig ou la revue XXI ou même des publications artistiques et expérimentales. Fin septembre, à trois journalistes, ils ont esquissé une structure en quatre temps (quatre cahiers). Après discussion avec Jean-Pierre et validation du président, ils se sont mis en mode projet avec les deux graphistes et le dessinateur « pour voir comment cela pouvait se mettre en musique », explique Olivier Tartart.
Un support assumé et porté, avec une dimension « plaisir », par des communicants publics qui ont eu une véritable marge de manœuvre.
Le résultat est un magazine qui se positionnait dans plusieurs catégories du Prix de la presse et de l’information territoriale, avec une cohérence d’ensemble, un souffle qui visiblement émanait de l’équipe, du territoire. Un support assumé et porté avec, sans doute, une dimension « plaisir » par des communicants publics qui ont eu une véritable marge de manœuvre. Cette revue a donc finalement remporté le premier prix à cause de la diversité des points sur lesquels elle était bien placée. C’est un ensemble qui a été distingué par le grand jury. Et, à feuilleter ces deux premiers numéros prometteurs (mars et mai), on se rend compte que le Magazine communautaire est intéressant sur quatre points au moins :
- le choix du volume, de la matière, de la périodicité ;
- la dimension du dossier en ouverture ;
- l’adjonction de témoignages et d’expertises venant de l’extérieur ;
- l’intégration des compétences en interne.
Le choix de la matière
Le défi à relever pour l’équipe a été de bouleverser le rapport du lecteur à ce support sans en changer le budget. La place nécessaire pour entrer dans une information détaillée, soignée, était incompatible avec le format mensuel précédent. Le magazine communautaire, qui succède au journal communautaire (58 numéros en tout) de 28 ou 32 pages, est bimestriel et fait plus que doubler de format en passant à 84 pages. Mais les changements ne s’arrêtent pas là : il y a plus d’espace, de respirations, et aussi un travail plus long pour façonner la revue et une qualité qui doit se sentir du regard comme au toucher. Olivier Tartart se souvient : « Il y avait un parti pris (couverture, épaisseur du papier) très net. Et nous avons sans doute réussi à faire sentir cette qualité dans notre production ; cela vient renforcer le fait que c’est un objet que tu as envie de garder. » Avec les 220 g du papier de couverture et les 110 g du papier intérieur, le Magazine communautaire a ce que l’on appelle « de la main ».
Pour le travail en mise en page, mes collègues font de la mise en scène de l’information.
Jean-Pierre Triquet, dircom
À Dunkerque on a, semble-t-il, tout fait pour renouer avec les codes historiques des magazines, loin des concentrés légers et consommables qui prévalent quelquefois dans la presse. Pour autant, le pôle rédactionnel ne s’est pas laissé aller en ce qui concerne la quantité de texte. Avec une limite de 2 500 signes par page, très rarement atteinte d’ailleurs, les éléments écrits sont volontairement disposés par touches dans un espace confortable, comme une série d’éléments (courts articles, encadrés, brèves, petites interviews…). Jean-Pierre Triquet confirme : « Pour le travail en mise en page, mes collègues font de la mise en scène de l’information, ils font sans arrêt l’aller-retour entre graphiste et journaliste. »
La dimension du dossier
C’est un choix politique, celui d’utiliser le support papier périodique de format magazine pour accompagner prioritairement la mise en place des politiques publiques de moyen et long terme. C’est un signe, d’ailleurs, que les deux premiers dossiers des deux premiers numéros aient été justement des sujets de présentation de démarches participatives ou consultatives. Comme si le Magazine communautaire était la première ligne de communication de la place dunkerquoise.
Le premier dossier portait sur « Changer la vie ensemble », une concertation ouverte sur une année complète (cette démarche est lancée pour plusieurs années). Une importante démarche qui mobilise différentes formes de dialogue et qui est largement présentée et expliquée dans le magazine, avec une sensibilisation aux enjeux et aux raisons qui ont poussé la collectivité dans cette voie. Le dossier annonce et couvre d’ailleurs la totalité de cette séquence.
Le second dossier, les « États généraux de l’environnement » (économie circulaire, biodiversité), est typiquement positionné à l’échelle de la communauté urbaine, comme le précise Olivier Tartart : « Il présente les enjeux du territoire, les préoccupations, comment on aborde ces questions, ces politiques publiques, comment le citoyen pourra prendre part à ces dynamiques-là. »
Ouvrir le magazine par un dossier d’une vingtaine de pages est donc un choix stratégique. Jean-Pierre Triquet précise : « On ne pouvait pas ignorer les nouveaux codes de lecture, le rapport fondamentalement différent au support de presse, qui a beaucoup évolué depuis quelques années. » Cette « requalification » de l’information territoriale dans son expression papier s’accompagne d’une série de choix concernant les autres parties du magazine, la place de l’illustration, et même de la photographie uniquement.
La revue se compose clairement de quatre cahiers, mais cette apparente rigidité laisse place ensuite à une grande liberté de composition. Le rédacteur en chef le confirme : « On voulait quelque chose d’assez aéré, en doubles pages, avec une variété de formes, on ne s’interdit rien. Il y a clairement plus de place à la création graphique. » On ouvre ainsi le magazine avec la partie dossier qui se nomme « Comprendre ». Puis vient ensuite « S’informer » sur l’actu de l’agglomération, dont les questions de transition (comment le territoire bouge), puis vient la partie « Surprendre », un portfolio photos radical (respiration, découverte du territoire), et enfin la rubrique « Partager » plus classique dans les thèmes mais innovante par le rubriquage (loisirs, culture : découverte patrimoniale, tuto, rubrique libre pour les photos des habitants…). Le choix de proposer un regard de photographe – en version sans commentaire – interpelle, certes. Mais il apporte aussi la preuve que la photographie, c’est plus qu’une illustration.
Dans le même esprit, le travail du graphiste habille cette revue, de la couverture aux pages d’ouverture intérieures, un travail qui prend du temps, qui s’anticipe : « C’est un journaliste de l’image, et nous dialoguons en amont pour qu’il comprenne l’esprit du sujet », ajoute Olivier Tartart.
Les témoignages extérieurs
C’est un point qui ne mérite pas de longues explications, mais c’est un parti pris qui mérite d’être cité à la hauteur des autres car il n’est pas commun, en tout cas à cette échelle, et montre une approche des journalistes territoriaux qui converge avec une vision commune de la presse. C’est à l’évidence un bon point et une des raisons qui ont séduit le grand jury. Jean-Pierre Triquet le dit simplement : « Nous avons voulu avoir des éclairages différents, nous avons systématisé la recherche de témoignages de personnalités et nous avons chaque fois un grand témoin qui n’est pas issu de la collectivité. » Cette recherche d’éclairages et d’expertise, sans rester confinée au territoire, apporte beaucoup à la revue, comme avec la longue interview d’une politologue, Chloé Morin, qui vient de publier un ouvrage chez Gallimard, et qui, dans le premier numéro, revient sur la notion de dialogue citoyen et de destin commun. Dans le même numéro, la thématique du dossier est étayée par quatre présentations de situations comparables dans quatre autres villes (en Alsace, au Québec, en Italie ou en Espagne).
Les compétences en interne
Enfin, il n’est pas possible de juger de cette nouvelle formule sans tenir compte du fait qu’elle a été entièrement imaginée, conçue et produite en interne, sur la base des compétences du service communication. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il ne s’agit pas là d’un travail laborieux, limité et manquant de panache. C’est plutôt l’inverse, mais ce n’est pas le fruit du hasard, comme l’explique Jean-Pierre Triquet : « C’est un des avantages de rester en place sur un temps assez long, car, à un moment donné, au fil des départs, on peut restructurer son équipe. J’ai eu la chance de pouvoir recruter ainsi un illustrateur, une photographe – qui a un œil – et bien d’autres talents et compétences. Olivier, par exemple, vient de la presse locale, avec un bagage qui nous intéressait. » La nouvelle formule du magazine de la communauté urbaine doit beaucoup à la richesse de cette équipe. Lorsqu’on les interroge, on découvre des profils variés, des collaborateurs qui ont, semble-t-il, trouvé et cultivé leur spécificité, qui ont « l’amour de leur métier et du service public ; une super équipe humainement », ajoute le dircom.
Avec passion, chacun contribue à l’œuvre collective et cette nouvelle version de la revue demande plus d’investissement. Par exemple, alors que le mensuel mobilisait pour sa mise en page quinze jours pour deux équivalents temps plein, la nouvelle formule, elle, en nécessite trois, soit un tiers de plus. Mais, pour Olivier Tartart, le rédacteur en chef, « on est plus réactifs. Hier, il y avait une forme de routine. Maintenant que nous avons une charte souple et adaptable, on s’éclate un peu plus dans la manière de fabriquer ce canard ! ».
Un prix qui objectivise
Pour résumer, le lauréat du Prix 2021 de la presse et de l’information locale est le fruit d’une commande politique claire, d’un travail en confiance, même à distance, et d’une équipe qui sait cultiver son ou ses talents. Pour Jean-Pierre Triquet : « Notre magazine ne serait pas ce qu’il est si chacun n’avait pu dépasser ses spécificités pour entendre les enjeux de l’autre. »
Il semblerait que la nouvelle formule ait eu de bons retours de la part de ses lecteurs, avec des témoignages qui montrent que le pari de la quantité et de la qualité est gagnant (« Trop beau ; je vais le garder »).
Mais l’obtention de la reconnaissance de la profession avec ce prix, pour Olivier Tartart, « est une récompense pour toutes les facettes de nos métiers. Nous, nous étions assez fiers, c’est vrai. Et puis il y a eu ces retours positifs du lectorat. Mais, le prix Cap’Com, cela objectivise. C’est important, c’est un peu la palme d’or du métier ».
C’est d’ailleurs un peu pour cela que le prix existe, pour soutenir les efforts d’une profession, de tous ces anonymes qui œuvrent pour faire une information territoriale de qualité, par conviction, par goût et avec un cadre le permettant (ce qui n’est pas toujours le cas). Tous les nominés pourront se reconnaître d’ailleurs dans ce profil, chacun ayant, en déposant son dossier, eu l’intuition d’avoir réussi quelque chose collectivement.