Maintenir le journal territorial pour conserver le lien
Comment continuer à concevoir et à diffuser le journal territorial en période de confinement ? Des communicants témoignent des choix qui ont été adoptés, de l’organisation mise en place et des modifications de contenus qui se sont imposées. Pour les collectivités, la crise sanitaire du coronavirus met en lumière deux vocations essentielles des supports papier : toucher un lectorat déconnecté et maintenir le lien avec les citoyens isolés.
La place des magazines de collectivités territoriales comme premier support d’information des citoyens n’est pas à prouver. De nombreuses études le montrent bien, dont le dernier Baromètre de la communication locale. En période de confinement – alors que les lecteurs ne sont pas tous égaux face à l’accès et à l’usage des outils numériques –, l’utilité première du support papier est renforcée : il permet de toucher les personnes déconnectées, de rompre l’isolement et de maintenir le lien avec tous.
L’enjeu réside surtout dans les modalités de conception, de fabrication et de diffusion des journaux. Quand les équipes sont en télétravail, quand les imprimeurs et distributeurs n'assurent plus – ou très rarement – les tournées et quand l’incertitude et le report des élections municipales viennent bousculer le traitement des contenus, la publication du journal est une gageure. « Les premiers jours, nous avions le sentiment d’aller sur la lune en Twingo », souligne Isabelle Berend-Schiltz, directrice de la communication de la ville de Meudon. Aussi, il semble que la question n’est pas « Faut-il ou non publier son journal ? », mais plutôt « Comment s’y prendre ? ». Le défi n’est pas impossible à relever : souplesse, adaptation et vigilance sont les maîtres mots.
Conception, fabrication, distribution : quelles organisations et quels dispositifs ont été mis en place depuis le début du confinement pour assurer la parution des magazines ?
Qu’ils soient attachés au maintien de leur publication ou aient fait le choix de réquisitionner leurs supports numériques, merci aux communicants du réseau qui ont accepté de témoigner de leurs expériences : Alexandra Asselin, ville de Bayeux – Isabelle Berend-Schiltz, ville de Meudon – Anne Constancio, ville et agglomération de Haguenau – Alice Daniou, ville de Lannion – Frédéric Dorville, ville de Voreppe – Patricia Durand, ville de Chevilly-sur-Larue – Sandra Laboutique, ville de Morestel – Karen Lafitte, ville de Chennevières-sur-Marne – Damien Pfister, ville de Trappes – Karine Portrait, métropole de Lyon – Mathieu Rouault, agglomération de Saintes – Alexis Rousseau-Jouhennet, Châteauroux Métropole.
Maintenir le lien et la proximité avec les habitants
Annulation pure et simple ou maintien de la publication dans un format révisé, les situations sont très diverses en fonction des types de collectivités, de la périodicité de leurs publications et des moyens dont elles disposent. Les intercommunalités ont plus de difficultés à entrevoir l’utilité de la diffusion d’un journal sur de grandes échelles de territoires, comme l'explique Anne Constancio, directrice de la communication de la ville et agglomération de Haguenau : « Nous avons conservé la parution du magazine municipal, "Haguenau Infos Mag", du mois d’avril, dans un format spécial (8 pages 100 % Covid-19). Par contre, nous ne pourrons diffuser le magazine de l’agglomération, faute de moyens de distribution à cette échelle. Nous nous projetons donc vers une reprise classique de ce support en juillet. Dans l’intervalle (…), nous nous appuyons sur les supports web et les relations presse, ainsi que sur les communes, qui relayent les messages. »
Les villes et communes s’organisent comme – et quand – elles le peuvent pour publier leur magazine et maintenir ce rendez-vous avec les habitants : « Nous voulions vraiment faire le maximum pour permettre à tout le monde d’avoir accès à l’essentiel de l’information relative à la crise sanitaire, surtout la part de la population potentiellement la plus à risque (nos aînés) qui est aussi la part la plus à l’écart des outils numériques », ajoute Anne Constancio.
Des formats allégés et des contenus recentrés sur la gestion de crise
De nombreux journaux initialement prévus à l’issue du second tour devaient revenir sur les élections, présenter les nouvelles équipes et aborder les défis d’avenir pour les territoires. Ces contenus sont naturellement reportés et les chemins de fer se focalisent sur la gestion de crise : « Nous avions prévu de publier notre magazine à l'issue du second tour, début mai. Nous maintenons ce magazine sauf que nous avons entièrement modifié le contenu », souligne Karen Lafitte, responsable de la communication de la ville de Chennevières-sur-Marne.
Une grande attention est portée à la crise sanitaire ; à la continuité des services publics (informations pratiques, valorisation des agents) ; au soutien aux commerçants et partenaires impactés ; à l’accompagnement des habitants confinés et des initiatives citoyennes.
L’incidence porte beaucoup sur la pagination et la périodicité. Les agendas étant supprimés, les formats sont donc restreints. « Toutes les animations ayant été annulées, de 24 pages nous sommes passés à 16 », explique Frédéric Dorville, directeur de cabinet, de la communication et des relations publiques de la ville de Voreppe. « Les élus ont d'un commun accord renoncé à la page "Tribunes/expression" pour laisser la place à de l'information pure et dure. » De même à Châteauroux Métropole : « On a bouleversé le chemin de fer, pour sortir un numéro spécial crise », nous dit Alexis Rousseau-Jouhennet, le directeur de la communication. « Le format du magazine est maintenu (moins 4 pages, passant de 32 à 28). Le dossier principal sera "Comment la ville et l'agglomération se mobilisent pour leurs habitants, avec leurs partenaires". »
En période d’incertitudes, la périodicité est également modifiée. Les choix vont du bulletin très fortement allégé avec une fréquence de parution plus régulière pour se rapprocher de l’information en temps réel, au numéro double mars/avril ou avril/mai pour laisser passer la crise.
Des organisations et des circuits de validation plus souples
Depuis le début du confinement, la situation de télétravail impose une grande adaptation des équipes de rédaction.
- Les comités éditoriaux s’organisent à distance, par le biais des outils numériques et téléphoniques. Les reportages et interviews sont également menés grâce à ces outils et une large part de remontée d’information est assurée par les agents encore mobilisés sur le terrain. La mise en pages quant à elle est souvent réalisée en télétravail par les maquettistes ou les agences prestataires.
- Pour ce qui est des illustrations, quelques photographes continuent de travailler sur le terrain. Mais le cas est rare et l’homogénéité des illustrations n’est plus la priorité. Aussi, beaucoup de collectivités exploitent leurs archives et/ou banques d’images, produisent elles-mêmes des illustrations ou font remonter les clichés par les agents de terrain, en s’assurant d’avoir tous les droits. À Haguenau par exemple : « Toute la préparation a pu se faire en télétravail à distance. S’agissant des illustrations, nous avons exploité des images de notre photothèque, produit des illustrations sur mesure et demandé à des collègues qu’on savait sur le terrain de nous faire quelques photos (notamment des rues désertes). La mise en pages a été externalisée à notre agence, comme d’habitude. »
- Ce sont surtout les circuits de validation qui sont modifiés, et allégés. Pour aller plus vite et éviter les anachronismes à la sortie du journal, raccourcir la chaîne de validation semble de mise. À Voreppe, « le circuit de validation est resté inchangé, quoique plus court puisque nous avons bouclé un peu plus tard que d'habitude pour avoir les toutes dernières infos dans cette période où tout va très vite ! ». Pour la ville de Bayeux, Alexandra Asselin, directrice de la communication, explique également : « La relation avec les élus est finalement assez simple : conférence téléphonique ou mail. Ils restent tous très disponibles et cela nous permet de trancher les décisions assez vite, vu le contexte, nous n'avons pas le choix. »
Des modes de distribution entièrement repensés
Alors qu’un certain nombre d’imprimeurs continuent de tourner, c’est certainement sur la question de la distribution que l’adaptation et « l’innovation » sont les plus palpables. Les principaux distributeurs ne pouvant assurer leurs prestations, et les modes de distribution en street marketing n’étant plus possibles : il n’y a plus de toutes boîtes, en période de confinement. Dans la grande majorité des cas, les journaux sont distribués par des agents volontaires dans les commerces ouverts et, parfois même, dans les structures d’accueil des personnes âgées.
« Les mesures de confinement nous ont obligés à revoir notre mode de distribution papier », précise Frédéric Dorville. « De 4 700 exemplaires toutes boîtes, nous avons décidé de passer à 2 500 exemplaires en dépôt dans les commerces restés ouverts et au foyer de personnes âgées. Un agent municipal, équipé de gants et masque, a fait une tournée de distribution (1 journée pour 20 points de dépôt). » « Notre imprimeur reste ouvert. Il sera en mesure de nous imprimer des exemplaires », explique Patricia Durand, responsable de la communication de la ville de Chevilly-sur-Larue. « Ceux-ci seront mis à disposition chez les commerçants par la police municipale qui les distribuera pendant sa tournée. » « À Haguenau, nous étions en discussion avec la Poste pour que les facteurs, à titre exceptionnel, puissent assurer notre diffusion mais ça n’a malheureusement pas pu se concrétiser. Ce sont donc nos agents municipaux qui vont endosser ce rôle. Ils sont 22 bénévoles, toutes fonctions confondues, qui nous permettront finalement d’aller au bout de la chaîne. »
Et le numérique dans tout ça ?
La plupart des collectivités qui publient un journal en période de confinement le mettent en ligne ou relaient simplement le magazine sur leurs sites, réseaux sociaux et newsletters. Selon les pratiques, les équipes et les organisations, les contenus sont plus ou moins adaptés. D’autres font le choix de se concentrer uniquement sur les canaux d’information numérique (sites, réseaux sociaux, webzines…).
Tous le font avec une seule et même conviction : assurer la continuité du service en informant l’ensemble des citoyens. Le numérique pour la force de frappe, l’interactivité et la réactivité ; le papier pour affiner ses cibles et maintenir le lien.
Des supports à réinventer
La crise sanitaire et le confinement bouleversent les comportements et les usages. Si le support papier fait aujourd’hui preuve de son impérieuse nécessité, la prise de recul sur la crise et l’arrivée de nouveaux élus dans les collectivités amèneront à repenser les magazines, et plus largement les systèmes d’information publique. Nul doute que les professionnels du journalisme territorial tireront les enseignements de la crise pour imaginer des supports toujours plus utiles et efficaces. « En fait, ce n’est pas une adaptation, c’est un changement total. Le journal de l’après-coronavirus ne ressemblera en aucun point à celui qu’on avait imaginé avant », entrevoit Karine Portrait, responsable des éditions de la métropole de Lyon.
Communication en période électorale : vigilance et respect des règles applicables
Nous sommes toujours en période de réserve préélectorale. Les communicants publics des communes dans lesquelles l’élection n’a pas été acquise le 15 mars 2020 doivent rester attentifs au respect des règles de communication applicables en cette période.
Sur la forme, les collectivités soumises aux règles de communication en période électorale doivent veiller à ne pas créer de nouveaux supports. Sur le fond, la communication relative au Covid-19 doit être neutre, informative, dénuée de caractère polémique ou partisan.
Concernant les tribunes et expressions politiques, les tribunes de l’opposition doivent être maintenues sur l’ensemble des supports au sein desquels elles ont l’habitude d’être publiées.