Managers, indiquez le sens de la communication interne !
La communication interne est en mutation permanente. Pas seulement parce que ses outils se digitalisent, mais surtout parce qu’elle a vocation à passer d’une transmission d’information à celle du sens du travail, sous la conduite des managers et tout particulièrement de la direction générale.
Par Yann-Yves Biffe.
La communication publique est régulièrement agitée de questions existentielles qui semblent vouées à rester sans réponses : le service communication doit-il être rattaché à la direction générale ou au cabinet ? Qui est apparu en premier : l’œuf, la poule, la communication publique, Dominique Mégard ? Marc Thébault tiendra-t-il plus de deux mois sans faire de nouvelles chroniques pour Cap’Com ? Y a-t-il une vie après la mort et, pire, y a-t-il une vie après la com ? Et tant d’autres…
Je souhaite ici m’attaquer à l’une d’entre elles : où la communication interne doit-elle être rattachée ? Ce qui revient à s’interroger : « De quoi la communication interne est-elle le nom ? »
Ça donne à se rappeler l’historique de la communication interne
Historiquement, la communication interne, que l’on définira par « la communication qui s’adresse aux agents de la collectivité », était gérée par les ressources humaines. À vrai dire, au début, elle n’était gérée par personne. Et ça a pu durer longtemps, voire être toujours le cas selon les collectivités. Mais bon, en premier, la communication interne a été gérée par les ressources humaines.
Du coup, les ressources humaines ont fait à l’attention des agents ce qu’ils savaient faire le mieux : ils leur ont parlé du statut, des conditions de travail, des formations, des évolutions de carrière…
Résultat, parfois, souvent : une communication juridique, technique, créant peu de lien interne. Ces informations sont très utiles et ont toujours leur place. Mais elles ne doivent pas constituer le fil directeur de la communication interne.
Par ailleurs, la mise en forme assurée par les ressources humaines pouvait présenter un aspect moins maîtrisé, plus amateur.
Progressivement, les directeurs généraux ont donc confié la communication interne au service communication, partant du postulat qu’il faut bien la refiler à quelqu’un et que, après tout, c’était de la communication et que donc ça devait être géré par la communication. Et aussi, soyons honnêtes, parce que le service communication était, plus que tout autre, en mesure de présenter les informations sous une forme graphique attrayante (journal interne) et savait maîtriser les nouvelles techniques d’information et de communication (NTIC), pour réaliser et administrer un site intranet par exemple.
Or, au-delà du fait que la gestion des outils numériques est maintenant à la portée de n’importe qui, la gestion de la communication interne par le service communication génère souvent plusieurs inconvénients rimant avec essoufflement.
Ça donne à considérer pourquoi le rattachement à la communication externe n’est pas une bonne solution
Quiconque a géré la communication parallèlement à une autre mission dans une collectivité en a fait l’expérience : la com externe mange tout. Vous pouvez être animé des meilleurs sentiments à l’égard de l’information de vos collègues, il s’avère rapidement que la communication externe prend le pas sur tout le reste : parce qu’il faut sortir un magazine dans un délai défini au risque de planter la distribution, parce qu’il faut répondre aux médias, parce qu’il faut mettre en ligne sur les réseaux sociaux immédiatement, parce que l’exécutif a passé une commande que-déjà-on-n’est-même-plus-dans-les-temps. Parce que l’enjeu de l’image de la collectivité vers l’extérieur (dont les électeurs) est le plus important. Parce que les agents, ce sont les collègues, parce qu’ils sont dans la même galère que nous et qu‘ils comprendront bien si on leur explique, que c’est un peu la famille et que la famille est solidaire et que chez les cordonniers, toute la famille est mal chaussée.
Comment expliquer autrement que les sites intranet de collectivités ne sont presque jamais renouvelés alors qu’entre-temps le site internet a déjà changé trois fois de tête et de mode d’administration ?
Le phénomène sera observable y compris si une personne est spécifiquement chargée de la communication au sein du service : elle sera sollicitée pour dépanner sur la com externe, un peu au début, puis de plus en plus jusqu’à parasiter sa mission première.
Par ailleurs, au-delà de la pression de la communication externe qui agit comme un rouleau compresseur, sa nature même l’éloigne de la communication vers les agents. La com externe est, pléonasme, tournée vers l’externe. Dans son rapport à l’interne, elle a une tendance naturelle par commodité, mais pas que, à recycler les messages externes pour les transmettre (aussi) aux agents, avec le risque de pratiquer une redite du site internet, par exemple. Si le service communication est rattaché au cabinet, il sera d’autant conforté dans l’idée qu’un agent est un habitant comme les autres et un peu plus que les autres, parce qu’il est un prescripteur qui peut porter l’action de la collectivité auprès de sa famille et de son cercle de relations. Ainsi la com externe pense usager (et c’est tout à son honneur) et électeur là où la communication interne demande à se mettre à la place de l’agent, dans ses préoccupations quotidiennes.
Ça donne à rappeler que la communication interne doit transmettre le sens de la mission
La communication interne peut être vectrice de ce qu’il se passe, mais elle doit avant tout faire savoir aux agents pourquoi ça se fait et comment ça se fait. Elle doit apporter du sens aux agents et les renforcer dans leur motivation à exercer leurs missions et à appartenir à un collectif qui agit.
Et c’est ce sens qui doit créer une unité commune. Parce que les valeurs sont les mêmes, parce que le but à atteindre est partagé, parce que les managers savent le nommer, alors les agents vont générer ensemble une communauté de travail.
Or, souvent, le brief délivré au service communication est inversé : c’est « créez une culture commune entre les agents afin qu’ils travaillent bien » alors qu’il faudrait demander « dites-leur pourquoi ils travaillent (bien) pour générer une culture commune ». Cependant, même délivré dans le bon sens, ce brief peut-il trouver une réponse au service communication ? Est-ce au chargé de communication interne de motiver les agents de la collectivité ? Non. Alors qui doit dire aux agents comment et pourquoi ils doivent agir ? Leurs managers, bien sûr ! Ce sont donc eux qui doivent, en plus de leur action de terrain et de la transmission des informations via les rendez-vous interpersonnels ou les réunions, transmettre le sens des missions. Et pour cela ils peuvent (doivent) s’emparer des outils de la communication interne que sont le magazine et l’intranet. Ils vont ainsi pouvoir s’appuyer sur le quotidien pour l’infuser des valeurs que doit défendre l’organisation et qui doivent motiver les agents.
Évidemment, parmi les managers, ceux composant la direction générale seront les plus sollicités car ce sont les gardiens des valeurs de la collectivité. Leur mission est de créer des ponts entre les métiers, entre les agents, pour les faire développer ensemble des projets qui, parce qu’ils servent les usagers, vont apporter de l’essence dans le réservoir à envie de travailler des agents. Et, comme il faut aller vite dans la transmission de cette information, car elle doit s’intégrer dans l’agenda bien chargé des managers au risque de passer après tant d’autres choses là aussi, la communication interne doit être développée au plus près de la direction générale.
La direction générale, parce qu’elle est au croisement des ressources humaines, de la communication et surtout du management, paraît être le bon spot pour lancer des vagues incessantes de communication interne. Mais là non plus, pas de formule magique : il faut s’en donner la volonté et le temps nécessaire ou la communication interne, même positionnée là, s’essoufflera rapidement…
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