Marques de territoire, le grand malentendu
Parfois, on prend les mots au strict pied de la lettre. Par exemple : on a cru que, lorsque étaient évoquées les « marques de territoires », il fallait en faire une de toutes pièces. En réalité, il était question de suivre une stratégie de marque, pas d’en créer une. C’est bêta hein ?
Par Marc Thébault
Depuis plus de 10 ans, le marketing territorial occupe bien des esprits dans le secteur public. Ceux des acteurs du développement économique d’abord, c’est le canal historique. Ceux des acteurs du tourisme, évidemment. Et ceux des communicants publics, naturellement. La littérature commence à atteindre un sacré volume, les articles de presse l’abordant aussi. Mais vous savez ce que c’est, à force de vouloir absolument expliquer, on finit par simplifier un peu, puis beaucoup, quitte à confondre pédagogie et simplisme. De fil en aiguille donc, si d’un côté les réflexions se sont développées, d’un autre des idées courtes ont galopé. De là, un certain nombre de malentendus qui surgissent et qu’il conviendrait de pourfendre.
Il en est ainsi de la question de la marque territoriale, bien sûr. Cette « marque », théoriquement aboutissement d’une longue démarche - mais dans bien des cas pourtant considérée comme un point de départ, va comprendre - n’est définitivement pas une fin en soi. En effet, la question n’est pas, et n’a jamais été, « comment créer une marque pour votre territoire ? » mais, plutôt, « Comment votre territoire peut-il devenir une marque ? ». De là découle, forcément, la recherche du « contenu » de cette marque, à savoir au minimum : le récit à délivrer (storytelling) et/ou à coconstruire (storymaking), l’association et la participation de tous les acteurs concernés (place making), la fédération et la mobilisation des habitants (pride building) et la constitution de données et argumentaires, matériels et/ou immatériels, à partager afin que tous les partenaires propagent les mêmes éléments, avec le même lexique et les mêmes références (brand management strategy). Et, vous allez rire, si ça se trouve, il ne sera même pas utile de faire une marque !
Développer une stratégie de marque ne veut pas dire "créer une marque" mais "se comporter comme une marque"
Vous l’aurez compris, l’enjeu n’est pas de construire artificiellement un « joli dessin » pour votre territoire, mais au contraire de faire en sorte que votre territoire, et tous les acteurs associés, possèdent les attributs d’une marque, si possible commune. Le place branding n’est donc pas à prendre au pied de la lettre. L’incarnation graphique de valeurs collectives n’est pas à lire au 1er degré. Développer une stratégie de marque ne veut pas dire « créer une marque » mais « se comporter comme une marque », quitte à conserver les logos ou les noms actuels. Le récent Place Marketing Forum (édition 2017) mettait en avant, notamment, la dynamique de marque de la ville d’Oslo, particulièrement novatrice et mobilisatrice autour … simplement du nom « Oslo ». Point. Et ce qui n’empêche pas Oslo de proposer - au travers de la démarche Oslo Brand Alliance et du site Olso Brand Toolbox - à partager par tous les partenaires une « plateforme de marque ». Ainsi, définitivement, on arrêtera de confondre contenu et contenant. En l’occurrence, sur notre sujet, le vrai enjeu est la définition et le partage du contenu, donc des attributs d’une marque. Le contenant, lui, existe peut-être déjà.
Et là, deuxième effet dit « Kiss Cool », on met fin aux lamentations des « petits » territoires qui pensent ne pas pouvoir se lancer dans le marketing territorial car ils n’ont pas les moyens de créer « une marque » ! Mais, voyons, petits territoires, si ça se trouve, vous êtes déjà une marque ! Au moins, vous avez la possibilité d’en devenir une.