Ne laissons pas l’IA voler notre talent créatif !
L'intelligence artificielle (oui, encore elle !) bouleverse le monde du travail et la création n'est pas épargnée. Des outils toujours plus performants promettent de nous rendre tous créatifs, mais quels impacts ont-ils sur les professionnels de la communication ? Sommes-nous menacés par l'IA ou s'agit-il d'une nouvelle opportunité ? Pas de panique, les communicants, on ne va pas nous remplacer par l’IA… enfin pas tout de suite !
Par Anne-Caroline Poincaré, directrice de la communication de la ville de Guyancourt, membre du Comité de pilotage de Cap'Com.
Avant d’être dircom d’une collectivité territoriale, j’ai travaillé en agence. J’ai adoré côtoyer de grands créatifs absolument inconnus, mais qui étaient de vrais pros.
Il y avait les maîtres des mots, jonglant avec les slogans, et les maîtres de l'image, capables de transformer un banal quartier de ville en paradis. Ils travaillaient ensemble, en harmonie, avec parfois des discussions houleuses, mais toujours dans l’objectif de trouver LA bonne idée. Parfois, ils l’avaient, mais elle ne l’était pas pour le client. Entre le président d’un conseil départemental qui refusait une création, parce que la vache était d’un canton de l’opposition (véridique !) ou celui qui concluait une heure de présentation par un « Bof, je ne sais pas trop… », LA bonne idée était anéantie en deux secondes et n’était donc pas si bonne, puisque refusée.
Et la plupart du temps, les créatifs avaient cette bonne idée qui suscitait notre admiration. L’idée simple et percutante, tellement simple qu’on se demandait comment on ne l’avait pas eue soi-même, en se rasant le matin ! Mais ce qui est certain, c’est que l’idée avait été réfléchie, tordue dans tous les sens, testée auprès d’un public averti ou pas, et analysée avant d’être réalisée.
Aujourd’hui, l’IA voudrait nous faire croire que nous sommes tous des génies créatifs en puissance.
Ce n’est pas une IA qui remplacera les créatifs dont c’est le métier, dont c’est la passion.
Je le confesse, j’ai comme vous tous succombé à la tentation, j’ai réfléchi à une idée (même plusieurs !), je l’ai tordue dans tous les sens, pas toujours testée, mais j’ai tenté de la réaliser avec l’IA. Eh bien non, la réalité est cruelle : je ne suis toujours pas une graphiste ! Je suis une communicante professionnelle. Je peux avoir LA bonne idée (et même parfois les bons mots) mais je n’ai pas la faculté des directeurs artistiques. Et ce n’est pas une IA qui remplacera les créatifs dont c’est le métier, dont c’est la passion. Ceux qui auront toujours le petit coup d’œil, qui sentiront l’air du temps en regardant notre environnement, les modes, les couleurs, les jolies choses et les moins belles, et qui sauront traduire tout cela en une image et des mots accordés et percutants. Alors rendons à César ce qui est à César : la créativité demeure l'apanage des artistes, et pas d'un président de conseil départemental, d’un chef de service ou d’une IA, aussi performants soient-ils !
N.B. : Ce texte a été rédigé avant le Copil de Cap’Com du 15 mars où le sujet de l’IA a été largement discuté lors de nos débats : ravie de voir que je ne suis pas la seule à avoir ce point de vue ! On n’a pas fini d’en discuter, tant le sujet est vaste et passionnant !
Crédit photo : Jo San Diego – Unsplash.